Red Universe

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La plus grande saga intergalactique jamais racontée en podcast

raoulito

Des réfugiés vont découvrir les secrets enfouis sous des années d’oublis et de honte. Confrontés à des choix et des conflits sur leur modèle de société, ils avanceront vers leur but ultime, là où se concentrent leurs espoirs : la planète rouge. Chapitres entiers http://reduniverse-chapitres.podcloud.fr Chapitres spéciaux http://reduniverse-speciaux.podcloud.fr Et pour plus d’immersion, les livres illustrés http://reduniverse.fr/livres-numeriques/

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RedU T1 Ch18 Ep10

Emission spéciale avec Silverson, Coupie, Elioza et Raoulito à REGARDER et à ECOUTER. Retrouvez les gagnants des Grands concours Red Universe à l’occasion de la sortie du « Temps des cerises » en édition numérique

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Igor courait dans le couloir sans fin, le menant à la salle d’entrainement où il avait tant de fois croisé le fer avec sa sœur, brulant les heures à durcir ses muscles, à affiner son mental et sa technique.

Un angle. Il bouscula deux autres frères déambulant nonchalamment dans le nouveau corridor, manqua de tomber mais repris son équilibre et sa course. On y était presque, une petite foule s’était agglutinée devant la coursive, bloquant le passage :

« Écartez-vous ! Laissez moi passer ! »

On se poussa, lui ouvrant une voie d’accès. À l’intérieur, une autre foule, plus dense.

« Mais poussez-vous ! Je suis Igor, le frère d’Esfir, laisser-moi passer ! »

Encore une fois, on s’écarta. Un dernier groupe, deux soigneurs et la mère de sa demi-sœur, se tenait agenouillé à coté d’une personne allongée. Les mains du jeune pirate tremblaient : non, pas elle…

On le laissa s’approcher. Les vêtements d’Esfir étaient à moitié arrachés, des estafilades, des bleus parsemaient ses chevilles, ses bras, son visage… Son pantalon était déchiré et on avait étendu une serviette sur son bassin. Les petites tâches de sang sur un morceau de son sous-vêtement mal dissimulé ne laissait que peu de doute sur ce qui s’était passé.

Des traces de doigts marquaient irrémédiablement son cou si gracieux et, les yeux mi-clos, elle tentait visiblement de respirer, émettant un sifflement rauque à chaque mouvement de son thorax. Igor tomba à genoux devant elle, lui prenant délicatement la main. La grande Esfir, la guerrière à la mèche blonde, l’aventurière pirate modèle, qui pouvait lui avoir fait cela ? Le regard de la jeune femme monta vers le sien, difficilement. Elle ne pouvait bouger sa tête, les soigneurs lui ayant bloqué la nuque avec une mousse spéciale destinée à protéger ses cervicales endommagées. Une esquisse de sourire se dessina lentement sur son visage, vite interrompu par un spasme de douleur, lui obligeant à se remettre droite, face au plafond.

« Mais que s’est-il passé ? Appelez Misha, il doit être mis au courant immédiatement ! »

La mère d’Esfir se pris le visage entre les mains, étouffant un sanglot. Un des soigneurs la pris dans ses bras. Deux autres soigneurs arrivaient, fendant la foule désormais compacte. Certains amis d’Igor prirent sur eux de dégager le passage, grognant, poussant les badauds ; on devait garder un passage ouvert pour le brancard de l’infirmerie et laisser de l’espace libre autour du petit groupe.

Leur père étant en voyage de noce avec sa nouvelle femme, il ne reviendrait que d’ici une bonne semaine au minimum, faisant ainsi de Misha et d’Igor les seuls légataires de son autorité.

« Où est Misha ? »

Quelque chose n’allait pas. Certes les expressions étaient fermées mais, sur cette question précise, trop de visages se détournaient. On venait de violer leur sœur et son puissant frère, seul capable d’imposer par la force ce qu’il voulait n’était pas… Igor se figeât.

Non, non ! Il saisit, par le col, le soigneur à ses cotés, une rage froide montant en lui :

« QUI A FAIT CELA ? »

L’autre bredouilla le nom tant redouté, Igor le lâcha immédiatement, perdu dans l’horreur.

Misha était saoul hier soir, en prévision d’un prochain départ en campagne qui devait avoir lieu le lendemain. Il s’en fût retrouver Esfir et  se trouva la force de lui avouer son désir pour elle. La jeune femme refusa et Misha… refusa son refus. L’homme qui était si protecteur avec les siens, le futur chef incontesté et incontestable leva la main sur sa sœur. Dans une rage aveugle, il la brutalisa, la frappant jusqu’à la rendre plus malléable à son envie, et la viola. Il alla jusqu’à vouloir camoufler son abominable forfait en tentant d’étrangler la jeune femme. Serait-il arrivé à ses fins si la mère d’Esfir n’était pas arrivée ? Devant les cris de la femme, il préféra abandonner le corps encore vivant de sa victime et disparu dans les coursives.

Le dernier souffle.

Un hurlement déchirant.

Les yeux d’Esfir ne bougeait plus et le second soigneur passa lentement sa main sur le jeune visage qui, désormais, ne verrait plus jamais la lumière du jour.

Serrant la main de sa sœur, de son amie, Igor ne put refluer les larmes qui s’échappèrent de ses yeux, répondant aux cris de la mère devant la mort de son enfant.

Esfir, pleine de vie…

« Achtouka, ce ne sont pas mes mains quelles cherchent, ha ha ha ! Y a que toi quest insensible. »

Esfir, pleine de force…

« Viens plutôt voir Esfir. Elle est en pleine forme aujourdhui et ferraille comme une diablesse, plus belle que jamais. »

Esfir, notre sœur…

« Regarde Esfir, elle a le feu sous la peau. Elle sait entrainer les hommes et semer la terreur chez nos proies »

 

Un grondement jaillit alors des profondeurs de l’âme du jeune pirate. Une rar ge implacable, une fureur faite de feu et de fer, une soif infinie de vengeance qui se concentrait en un nom :

« MISHAAAAAAAAAA !!!!! »

 

Il courait dans les couloirs, l’épée à la main, la mitrailleuse dans l’autre, les yeux fixes, les dents serrées. Rien ne l’arrêterait, il retrouverait son demi-frère et le trainerait aux pieds de la justice pirate, le faisant supplier le pardon de la communauté !

Mais l’oiseau s’était envolé. Il avait avancé la date du départ de l’expédition et avait appareillé, à la surprise de tous, à la tête de son vaisseau. Sans prévenir personne d’autre que l’équipage minimal, sans en informer Igor lui-même. Qu’à cela ne tienne :

« Préparez notre corvette la plus rapide, envoyez un message codé à notre père pour qu’il rentre en urgence ! Allez, VITE ! »

Et pendant qu’on s’activait à préparer le petit vaisseau, Igor serrait la crosse de son épée, à s’en blesser les articulations.

«  Tu ne t’en sortiras pas comme çà, Misha. Je te poursuivrait jusqu’en enfer. »

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Prod: PodShows
Réa: Raoulito (dont c’est l’anniversaire aujourd’hui 😉 )
Relecture: Arthur, Kwaam
narration: Elioza
Acteurs: Raoulito: Igor
Compo: Ian, Cleptoporte
Montage: Raoulito

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RedU T1 Ch18 Ep9

Emission spéciale avec Silverson, Coupie, Elioza et Raoulito à REGARDER et à ECOUTER. Retrouvez les gagnants des Grands concours Red Universe à l’occasion de la sortie du « Temps des cerises » en édition numérique

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« Bonjour à tous et bienvenue sur Ex-One Média, votre chaîne d’information. Je suis Foudia Hacham et nous sommes sur le transporteur n °6 pour l’émission que nous attendons tous depuis près de trois semaines : le premier convoi de l’Exode est enfin sorti de la Passe de Magellone !

Sur ce plateau, je suis accompagnée de mes confrères Jack Blast pour le transporteur n°7 et Angelus Air pour le transporteur n°5. Messieurs, bienvenue à l’autre bout de l’univers, donc. Jack ?

Bonjour Foudia et bonjour à nos multispectateurs. C’est un plaisir de vous retrouver tous… en chair et en os, hé, hé, hé ! Angelus, comment s’est déroulé ta traversé ?

Bonjour Jack, Foudia et bien sûr à nos fidèles multispectateurs ! Et bien, moi, j’ai affronté un nombre impressionnant de gens et d’objets fantômes, ce fût ma grande aventure durant trois semaines. Je me souviens d’un matin où j’ai mis plusieurs minutes à trouver mon vrai micro, perdu au milieu d’une multitude de mirages de lui-même.

Ha, toi aussi ? Je vois, messieurs, que nos expériences ont été similaires. Ne perdons pas les bonnes habitudes, voici, tout de suite, les titres :

– Le convoi n°1 est donc sorti enfin de la Passe et nous sommes en attente dans une zone proche pour nous préparer à accueillir le second convoi qui devrait arriver… Jack ?

Dans cinq jours et quelques heures, si tout va bien. Mais je détaillerais tout cela avec vous, dans un instant.

Merci à toi ! Second sujet : retour sur trois semaines d’émotions, certes, mais en fin de compte, pas aussi grave que ce que l’on avait craint. Pas d’attaque de pirate, les communautés sont restées calmes, on peut presque dire que, cette fois, tout s’est déroulé comme prévu. Angelus ?

Tout à fait. Mis à part les perturbations liées à la Passe elle-même, aucun incident majeur n’a été signalé. Les matériels ont bien supporté la traversée, les exodés également. Évidement, nous devront attendre les deux convois qui nous suivent pour être définitivement fixés mais, dans l’absolu, on ne voit pas ce qu’il pourrait bien leur être arrivé de pire qu’à nous, ha ha ha !

Hé hé ! Oui, nous étions la tête de pont… à nous les mauvaises surprises, n’est-ce pas ? Le dernier sujet portera sur la réunion que nos commandants ont tenu en huit-clos, assez rapidement après la sortie de transition, un peu comme nous en fait, et ce que nous avons pu en apprendre. Enfin, en cadeau, quelques images tirées du making-off d’un documentaire en cours de tournage sur le Colonel J.F.Hill. Ce célèbre commandant du transporteur n°6 a accepté de partager avec ExOne Média son quotidien et certains de ses souvenirs personnels.

Mais, avant tout cela, messieurs, qu’allons-nous retrouver ?

Au hasard, je dirais une page de publicité ?

Comme Jack, la pub !

Rendez-vous, donc, juste après la pause. Ne zappez pas ! »

 

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Click !

Ismène éteignit le petit écran portatif, sur un signe de tête de son père. Enfermé dans un petit local technique, le marchand Broto, Karl de son vrai nom pirate, soudait consciencieusement l’écoutille de l’entrée. La bloquer ne suffirait pas, il fallait être certain que l’on ne pourrait pas les déranger avant un bon moment. D’après les dernières nouvelles officielles, il ne semblait pas avoir attiré l’attention et tous fêtaient l’arrivée de ce coté de la passe.

En une dernière étincelle, ce fût terminé. On était arrivé à deux doigts du terme de sa mission, au moment le plus critique. Il s’y était préparé durant toutes ces longues semaines de traversée, analysant les schémas, laissant Ismène effectuer des simulations ici, décoder des signaux là, enregistrer le reste. Ce travail de longue haleine allait enfin porter ses fruits. Pas que le sien d’ailleurs. Sa fille adoptive, Choupa, avait accompli brillamment la première partie du travail, dès la première étape de l’Exode, sur la station Maman-lolo. Placer un transpondeur multispatial dans le transporteur n°7 n’était déjà pas une mince affaire ; mais faire dérailler le complot où se mélangeaient, pèle-mêle, des familles pirates, des membres des services de sécurité de MaterOne et la mafia souriantes relevait du génie, tout simplement. Confiée aux mains du vieil homme il y a des années par son commandant de père, alors que leur vaisseau disparaissait dans les flammes du Cercle de Rabbit, Karl avait donné toute son énergie pour l’épanouissement de la jeune femme. Et cet excellent plan, conçu par elle, en était l’apogée. Le Sénéchal Petrovach avait d’ailleurs failli tout faire capoter lors de son attaque surprise en pleine transition, utilisant un autre transpondeur caché dans un transporteur. Là encore, Choupa avait prit les devants et renseigné l’Exode, par un chasseur abandonné. J.F.Hill fît échouer les plans du Sénéchal, mais c’était bien la main de Choupa qui tirait les ficelles, une fois de plus. Amoindri, affaibli par la perte de ses troupes et cette cuisante défaite, le taureau s’était fait agneau et avait accepté de se ranger comme les autres derrière la bannière unique.

Karl posa douloureusement un genou à terre, son âge se faisait ressentir plus que jamais à l’approche de l’évènement. S’il ne pourrait plus participer comme avant aux missions, il prendra sa retraite sereinement, cette bataille étant, de toutes façons, le couronnement de sa carrière. Ismène se tenait droit devant lui, le regard dans le flou, comme toujours. Un jeune adolescent et un vieil homme. Le type de duo imparable, qui irait les soupçonner ? Il fit glisser sa main dans les cheveux du garçon, lui caressant l’épaule dénudée. Il admirait sincèrement la perfection de ce jeune corps.

Un dernier baiser sur le front de son fils.

Dans le silence du local, à la lumière crue d’un néon, il s’autorisa une dernière seconde en tête-à-tête avec l’enfant. Ce garçon était son bijou, la merveilleuse création dont un père pouvait être fier.

« Ismène, tu me manqueras… Adieu. »

Puis il recula, énonçant le code d’activation du processus numéro trois. L’adolescent se raidit et fit demi-tour, s’arrêtant devant quelques caisses accumulées face au mur du fond de la pièce. D’un simple geste, il dégagea le passage, déplaçant des dizaines de kilos sans même forcer. Face à la paroi, il leva les bras et les projeta contre la surface lisse, qui fût immédiatement percée sous la formidable pression des doigts. Sans sourciller, il déchira le métal, calmement, ouvrant un large passage sur un réseau de centaines de câbles mélangés, traversant le vaisseau. Au milieu de ce labyrinthe multicolore, une conduite en céramique, bien plus volumineuse que les autres, traçait son chemin en ligne droite vers les profondeurs. Karl prit son inspiration pendant qu’Ismène faisait voler en éclat , d’un doigt, le maigre rempart.

« Lancement du processus numéro deux. Certification sept-quatre-trente-deux… »

Un vrombissement monta alors du jeune adolescent, il se mit à trembler, comme prit d’une crise nerveuse. Et d’un coup sec… sa tête, ses bras et tout le haut de son corps se déchirèrent, libérant un système complexe de cerveaux moteurs et de câbles autonomes. Du sang synthétique avait giclé un peu partout, des morceaux de la chimère biologique que Karl avait patiemment laissé croitre à la surface de sa créature jonchaient le sol. Lui-même avait maintenant quelques taches sur sa veste. Il n’avait pas eut d’autre choix pour camoufler réelle origine de son « fils », la moindre fermeture aurait attirée l’attention de l’infirmier chargé de l’auscultation de routine. Seul un vrai corps pouvait donner l’illusion. Merci à ses mois passés à Ragnvald, et aux quelques spécialistes qui l’avaient suivi lors de son retour. Cette technologie dépassait ce que MaterOne pouvait produire, et ils avaient bien compté sur cet avantage pour berner les exodés.

Il se releva en douceur, soulageant autant que possible la souffrance de ses articulations. Sur l’étagère, en cherchant sur le petit écran la fréquence du transpondeur dissimulé à bord, il jetait un œil aux branchements multiples que les câblages articulés insérés dans le corps d’Ismène effectuaient avec précision.

La sécurité n’est jamais aisé à assurer à bord d’un vaisseau spatial, et certainement pas dans un géant comme celui-ci. Cette conduite était au cœur de tous les systèmes de communication internes et externes. La cacher derrière une paroi de métal n’était qu’une faible protection.

« Ici Karl, Vous me recevez ? »

Rien, pas de réponse sinon un grésillement neutre. Il n’avait plus pris contact depuis trois semaines, la Passe bloquant toute les transmissions, quelque chose se serait-il cassé ?

« Contact pour Chou, ici Karl, me recevez-vous ?

Ici Chou. Réception excellente Karl, malgré une petite latence. Contente de vous entendre enfin. Où en êtes-vous ? »

Le vieil homme soupira : ainsi le plan se poursuivait comme prévu, et par la voix même de sa fille adoptive, qui plus est. Il vérifia les diodes de contrôle pour être certain que toutes les connexions étaient effectuées et actives. On y était, le moment tant attendu était enfin arrivé.

« L’araignée a tendue sa toile. Nous sommes prêts.

Mon cher Karl, cest un grand jour. Mon père serait si fier de nous.

L’unité de tous les pirates sous une seule bannière, l’émergence d’une grande Reine pirate, capable de damer le pion à MaterOne, à Ragnvald et peut-être même à ceux de Rabbit. Oui, ma fille, nous y sommes enfin…

Donne l’ordre ma Reine. Il est temps que ton règne commence.

Karl, activation du processus numéro un. Paralysez lExode mon ami, nos compresseurs sont chauds, nous arrivons. À tout de suite. »

Click !

Karl releva la tête, répétant les mots de sa fille à haute voix. Les fibres optiques inclues dans les câbles se mirent à clignoter et la lumière du néon, qui inondait le local, vacilla.

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Prod: PodShows
Réa: Raoulito
Relecture: Arthur, Kwaam
narration: Andropovitch
Acteurs: Foudia Hacham: Anna, Jack Blast & Karl: Blast, Angelus air : Angelus Yodason, Choupa: Istria
Compo: Ian, Cleptoporte
Montage: Ackim

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RedU T1 Ch18 Ep8

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« Sa réaction fût à la hauteur de ce que l’on pouvait attendre d’un gradé dans son genre. Brutale.

C’était lors d’une fin d’après-midi, après avoir transformé une partie de l’écurie en véritable galerie d’art moderne. Repus de création et de travail, nous nous étions assis sur un tas de foin, au fond de la salle. »

Poféus en eut un ricanement léger. Lui-même fût surprit de cette réaction instinctive. La plongée dans cette mémoire ancienne, la main de Calande, tout cela ouvrait des barrières longtemps restées fermées.

« Nous nous embrassâmes, nous nous caressâmes… Nous n’allâmes pas plus loin. Une fourche, vous savez, ces outils pour justement retourner la paille, se planta dans le bois à coté de nous. Mon père nous dominait de toute sa hauteur, tenant le manche. Pas besoin d’explication, son expression dépeignait une fureur sans fin. »

Le petit massage de main s’était arrêté. De l’autre main libre, Calande reprenait ses notes. Quand était-elle redevenue la psychologue ? Avait-elle seulement cessé de l’être ?

Malgré cela, elle le tenait encore et sa main était chaude. Et lors que le vin était tiré, il fallait le boire.

« Icnal se tenait à l’entrée, au loin. Son expression effrayée en disait long sur son regret d’avoir déclenché tout cela. Mais le mal était fait. Méhala fut saisie par le col et, d’un poing vengeur, Monseigneur Poféus lui brisa net le nez, la défigurant pour des mois. Tombant au sol, étourdie, elle trouva encore la force de tenter de se défendre et lui donna un violent coup de pied dans les jambes. Il faillit trébucher, mais se rattrapa à la fourche qu’il arracha du mur. Il s’en servit violemment pour, à plusieurs reprises, en écraser le manche sur ma pauvre amie. Dans un hurlement, Icnal vint s’interposer, protégeant de son corps celui de sa sœur. Quelle sotte, elle aurait mieux fait de réfléchir avant plutôt que laisser parler ses sentiments, et nous n’en serions pas là !

Quoiqu’il en fût, mon père s’arrêta et on appela les secours. Ma Méhala passa un long moment de convalescence à l’hôpital. Elle ne revînt jamais sur les terres familiales. Voilà.

Pourquoi n’êtes-vous pas intervenus lors de… l’agression de votre père ?

Pourquoi ?… que peut faire une souris face à un chien de guerre ? J’étais en rébellion contre mon père, mais j’éprouvais aussi beaucoup de crainte envers lui. Il m’imposait sa force et son respect tous les jours depuis que je vivais chez lui ; il me servait, encore maintenant sans doute, de modèle, que je le veuille ou non. Alors le voir ainsi… j’ai eu… Calande, pouvons-nous nous arrêter pour aujourd’hui ?

Bien sûr, je comprend. »

 

Elle retira sa main, peut-être un peu trop rapidement. Le contre-amiral regarda la jeune femme brune se lever, remettre ses affaires dans son sac. La séance se finissait, la magie était rompue.

« Angilbe, je vous souhaite une bonne semaine. Tenez-moi au courant  si vous avez de nouvelles crises voulez-vous ?

Calande ! J’AI EU PEUR, VOILÀ ! J’était pétrifié devant la force de ce… de cet homme qui m’avait pris comme fils et sa fureur me traumatisait, me terrorisait au-delà de l’entendement ! Jamais, plus jamais, je ne serais ainsi sous la domination de qui que ce soit, vous m’entendez ?! Cette montagne de rigueur sans âme ne me méritait pas sinon suite à un pur hasard de l’Histoire ! »

C’était sorti tout seul. Comme un grand bol d’air, l’inspiration première de quelqu’un coulant depuis trop longtemps dans les eaux saumâtres du dénis et du mensonge. Tel un enfant venant de naitre et poussant son premier cri, le contre-amiral semblait découvrir un nouveau monde dans lequel il allait passer tout le reste de sa vie.

Calande jeta son sac sur la table, se rassit précipitamment et serra le bras du contre-amiral. Sans aucun préambule.

« Dites-moi la vérité, Angilbe. Votre père… votre référence paternelle disiez-vous, n’était pas réellement votre géniteur, n’est -ce pas ? Vous avez semé votre discourt de multiples indices qui m’amènent à penser cela.

Est-ce cela qui vous tourmente l’âme ? »

 

Aucune réponse, Poféus, celui maîtrisant tout… Comment avait-il pu laisser passer ces informations ? Encore une déconnexion ? Non, elle devait sans doute dire vrai, c’était une professionnelle et les allusions, les fautes ou les omissions ne lui échappaient pas.

Et encore, toute la vérité n’était pas sortie, heureusement. Si elle savait qui était son vrai père.

« En effet, j’ai été adopté par les Poféus. Ils ne pouvaient pas avoir d’enfant et… voilà…

Est-ce lié au fait qu’il ne me toucha pas ? Toujours est-il que je fût, dès la semaine qui suivie, envoyé en pension dans une académie des forces spatiales. Aux déchirements des adieux de ma mère, je ne savais quoi répondre d’autre que de l’indifférence, la perte de Méhala submergeant tout. La pauvre.

Le plus amusant c’est que les forces spatiales étaient ( et sont sans doute encore ) un nid d’homosexualité patente. Je n’en reviens pas encore combien mon père était aveugle sur la réalité du monde autour de lui. Bref… La suite est connue. Ascension des différents grades durant les grands voyages d’exploration, découverte d’Antarès IV, retour triomphal, etc…

Et avez-vous revu Méhala ?

Ha oui, la conclusion de l’histoire, voulez-vous dire ? Ce fût pitoyable. La famille de Méhala quitta, bien sûr, le service au château pour s’en retourner dans le pays Nordiste. D’après ce que j’ai appris, tous moururent dans un règlement de compte là-bas, quelques temps plus tard. Je ne la revis donc jamais ; apparemment ils avaient cru, à tord, que leur dettes s’était effacée avec le temps. Pourtant je retrouvais la trace, des années plus tard, d’Icnal. Elle avait échappé au massacre, et s’était retrouvée à se prostituer dans un bordel Tropicalien.

Et… vous avez été vers elle ?

J’espérais revoir Méhala, par miracle. Mais non, la sœur traitresse me confirma la mort de tous les autres membres de la famille. Elle-même était malade et se jeta aux pieds de l’homme puissant que j’étais devenu, pour demander de l’aide. Je me suis éloigné, lui laissant une pièce pour s’acheter du pain.

Je n’ai que de l’indifférence ou du mépris pour elle et ce qu’elle a fait. Et je n’en ressent aucune gêne.

Et vos parents ? Quelles ont été les relations avec votre père adoptif ?

La roue tourne Calande. La référence paternelle est tombée de cheval un jour de chasse, le dos brisé. Il mourut entouré des siens, enfin presque tous car je ne lui fit pas cet honneur. Je revît ma mère, par contre ; la vieille femme qu’elle était devenue s’avéra courtoise. Mais à certains indices, je devinais qu’elle n’avait plus toute sa tête. Je pourvois à ses besoins et à ceux du château. Comprenez-moi bien : c’est plus une dette que je paye qu’autre chose. Cette vie est loin de moi, je l’ai scellée il y a longtemps.

Jusqu’à aujourd’hui.

…Jusqu’à aujourd’hui, en effet. »

 

Plus tard dans la soirée, alors qu’aucune crise ne venait interrompre ce moment et que la fascinante Calande Rorré était partie, le Contre-amiral Poféus se tenait toujours assis dans son fauteuil, le regard tourné vers la grande fenêtre, profitant de la chaleur des dernières braises du foyer déclinant.

Il avait ouvert la porte.

Il se sentait, enfin, en paix.

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Réa: Raoulito
Relecture: Arthur, Kwaam
narration: Anna
Acteurs:
Poféus: Pof,
Calande Rorrée: Coupie
Compo: Ian, Cleptoporte
Montage: Raoulito

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RedU T1 Ch18 Ep7

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« Bonjour Angilbe. Comment allez-vous ?

Je vais, chère Calande, je vais. C’est déjà beaucoup, merci à vous. »

Le contre-amiral ferma la porte derrière lui et s’installa dans le fauteuil de cuir, face à sa psychologue. Ce rituel devenait naturel à force de séance et les doutes et appréhensions des débuts, la suspicion même dont il faisait preuve envers la jeune femme, s’étaient évanouis, laissant place, progressivement, à un réel attachement. Aussi incroyable que cela paraisse, Poféus appréciait ces rendez-vous et encore plus cette petite femme brune, aux cheveux courts et aux tailleurs strictes et impeccables.

Calande buvait consciencieusement son thé au jasmin, un autre élément du rituel, avec la petite cuillère et le morceau de sucre unique. Elle reposa la tasse sur la table, les yeux à moitié clos, profitant de quelques secondes de répit. Puis de grands yeux à la profondeur infinie se levèrent sur le contre-amiral. Celui-ci sentit cet agréable tressaillement tant attendu remonter le long de son épine dorsale.

« Alors Angilbe, pouvons-nous reprendre là où nous en étions resté la dernière fois ?

Bien sûr. J’ai malheureusement eu quelques sautes de réalité, à nouveau, cela commence d’ailleurs à s’ébruiter. Je suis obligé de faire tourner le personnel de maison plus rapidement. Dites-moi… Calande… progressons-nous ?

Je l’ignore, Angilbe, je l’espère sincèrement. Le fait de ressortir enfin vos souvenirs profonds vous oblige à faire appel à certaines parties inhabituelles de votre mémoire, peut-être est-ce justement cela qui active vos sautes de réalité.

Vous ne vous souvenez pas de notre dernière séance ?

Pas de la fin en tout cas. Nous parlions de ma.. de Méhala.

Alors sachez que vous m’avez serré la main très fortement. Je me doutais que vous étiez dans une de ces phases de déconnexion, appelons-les comme cela.

Pardon ? Mais je… je m’excuse, je ne voulais pas…

Ne vous inquiétez pas. Ce n’était pas douloureux, presque touchant je dirais. Lorsque je me suis levé vous sembliez être revenu à la normale, apparemment en tout cas. C’est à moi de m’excuser, je n’aurais pas dû vous laisser seul dans cet état. Si cela se reproduit, je resterai    à vos cotés, le temps nécessaire.

Oui… merci… »

Le contre-amiral se serait caché sous le fauteuil, s’il l’avait pu sans se ridiculiser. Mais jusqu’où ces « déconnexions », comme on devait les appeler maintenant, allaient-elles le pousser ? Ne risquait-il pas de blesser quelqu’un, de la meurtrir elle dans une de ces crises ?

Le jeune femme posa son bloc sur l’un des accoudoirs, et, lentement, se pencha. Elle saisit la main droite du militaire, crispée contre son propre fauteuil. Doucement, elle dénoua les doigts, un à un, allant jusqu’à masser l’intérieur de la paume. Pourtant ses yeux ne quittaient pas ceux de son vis à vis, perçant ses barrières, pénétrant là où même les mentaux ne pouvaient aller.

« Angilbe, je suis ici pour vous aider. La dernière fois, nous avions parlé de vous accompagner dans les recoins de votre esprit, de partir ensemble à la recherche de ce qui vous tourmente tant. N’ayez pas peur de vous, n’ayez pas peur pour moi, vous n’êtes pas un homme méchant et cela, toutes nos séances l’ont amplement prouvé. »

 

Poféus était pétrifié. Le contact doux et chaud de ses mains, ses paroles apaisantes, hors de toute logique psychologique, cette bouche si sensuelle, cela… l’effrayait, le fascinait, l’attirait, le repoussait ! Jamais, il n’avait ressenti un tel sentiment, jamais. Sauf peut-être…

« Allez-y, Angilbe, vous êtes prêt.

Je… J’aimais tant Méhala. Je l’aimais, et une fois la surprise passée, peu m’importait qu’il fût un homme ou une femme ou quoique ce soit d’autre. C’était.. c’était fort, voilà.

Donc vous avez poursuivi votre relation, mais cette fois en assumant sa différence. Vous sentiez-vous différent vous aussi ?

Oui. Non. Je l’ignore. Peut-être l’avez-vous vécu, ou certainement qu’un de vos patient vous l’a déjà décrit. Je l’aimais pour elle, pour ce qu’elle était dans son esprit. Il n’y avait aucun désir spécialement homosexuel, juste une notion de partage, de plaisir, d’échange…

…de s’offrir…

… heu… oui c’est cela, de s’offrir. »

Petit silence entre eux. Qu’est-ce qui avait changé depuis la première séance ? Il parlait toujours de lui et de ses pensées profondes, juste avait-on repoussé les limites du superficiel.

Pourtant…

« Mais que s’est-il donc passé, ensuite ?

La sœur de Méhala, Icnal, une fille un peu plus jeune, une femme réelle, si j’ose dire, était amoureuse de moi en secret. Personne ne s’en était rendu compte, sauf peut-être Méhala, mais inutile de vous dire combien la relation entre les deux enfants de la famille n’étaient pas simple. Un jour, dans une crise de jalousie, elle décida de tout avouer au chef de la famille Poféus..

De tout avouer ?

Oui, la perversion de Méhala, mon choix pour une sexualité tordue, le..

Arrêtez, Angilbe. Ne présentez pas cela comme quelque chose d’anormal. Vous ne le saviez pas, et pour le choix de votre cœur vous avez été au-delà des a priori. Ce n’est pas tordre la réalité que de donner une preuve d’amour à celui que l’on aime.

… Merci Calande. Malheureusement, mon père, lui, homophobe convaincu, n’était pas de cet avis ouvert, voyez-vous. »

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Prod: PodShows
Réa: Raoulito
Relecture: Arthur, Kwaam
narration: Anna
Acteurs:
Poféus: Pof,
Calande Rorrée: Coupie
Compo: Ian, Cleptoporte
Montage: Raoulito