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« Sa réaction fût à la hauteur de ce que l’on pouvait attendre d’un gradé dans son genre. Brutale.

C’était lors d’une fin d’après-midi, après avoir transformé une partie de l’écurie en véritable galerie d’art moderne. Repus de création et de travail, nous nous étions assis sur un tas de foin, au fond de la salle. »

Poféus en eut un ricanement léger. Lui-même fût surprit de cette réaction instinctive. La plongée dans cette mémoire ancienne, la main de Calande, tout cela ouvrait des barrières longtemps restées fermées.

« Nous nous embrassâmes, nous nous caressâmes… Nous n’allâmes pas plus loin. Une fourche, vous savez, ces outils pour justement retourner la paille, se planta dans le bois à coté de nous. Mon père nous dominait de toute sa hauteur, tenant le manche. Pas besoin d’explication, son expression dépeignait une fureur sans fin. »

Le petit massage de main s’était arrêté. De l’autre main libre, Calande reprenait ses notes. Quand était-elle redevenue la psychologue ? Avait-elle seulement cessé de l’être ?

Malgré cela, elle le tenait encore et sa main était chaude. Et lors que le vin était tiré, il fallait le boire.

« Icnal se tenait à l’entrée, au loin. Son expression effrayée en disait long sur son regret d’avoir déclenché tout cela. Mais le mal était fait. Méhala fut saisie par le col et, d’un poing vengeur, Monseigneur Poféus lui brisa net le nez, la défigurant pour des mois. Tombant au sol, étourdie, elle trouva encore la force de tenter de se défendre et lui donna un violent coup de pied dans les jambes. Il faillit trébucher, mais se rattrapa à la fourche qu’il arracha du mur. Il s’en servit violemment pour, à plusieurs reprises, en écraser le manche sur ma pauvre amie. Dans un hurlement, Icnal vint s’interposer, protégeant de son corps celui de sa sœur. Quelle sotte, elle aurait mieux fait de réfléchir avant plutôt que laisser parler ses sentiments, et nous n’en serions pas là !

Quoiqu’il en fût, mon père s’arrêta et on appela les secours. Ma Méhala passa un long moment de convalescence à l’hôpital. Elle ne revînt jamais sur les terres familiales. Voilà.

Pourquoi n’êtes-vous pas intervenus lors de… l’agression de votre père ?

Pourquoi ?… que peut faire une souris face à un chien de guerre ? J’étais en rébellion contre mon père, mais j’éprouvais aussi beaucoup de crainte envers lui. Il m’imposait sa force et son respect tous les jours depuis que je vivais chez lui ; il me servait, encore maintenant sans doute, de modèle, que je le veuille ou non. Alors le voir ainsi… j’ai eu… Calande, pouvons-nous nous arrêter pour aujourd’hui ?

Bien sûr, je comprend. »

 

Elle retira sa main, peut-être un peu trop rapidement. Le contre-amiral regarda la jeune femme brune se lever, remettre ses affaires dans son sac. La séance se finissait, la magie était rompue.

« Angilbe, je vous souhaite une bonne semaine. Tenez-moi au courant  si vous avez de nouvelles crises voulez-vous ?

Calande ! J’AI EU PEUR, VOILÀ ! J’était pétrifié devant la force de ce… de cet homme qui m’avait pris comme fils et sa fureur me traumatisait, me terrorisait au-delà de l’entendement ! Jamais, plus jamais, je ne serais ainsi sous la domination de qui que ce soit, vous m’entendez ?! Cette montagne de rigueur sans âme ne me méritait pas sinon suite à un pur hasard de l’Histoire ! »

C’était sorti tout seul. Comme un grand bol d’air, l’inspiration première de quelqu’un coulant depuis trop longtemps dans les eaux saumâtres du dénis et du mensonge. Tel un enfant venant de naitre et poussant son premier cri, le contre-amiral semblait découvrir un nouveau monde dans lequel il allait passer tout le reste de sa vie.

Calande jeta son sac sur la table, se rassit précipitamment et serra le bras du contre-amiral. Sans aucun préambule.

« Dites-moi la vérité, Angilbe. Votre père… votre référence paternelle disiez-vous, n’était pas réellement votre géniteur, n’est -ce pas ? Vous avez semé votre discourt de multiples indices qui m’amènent à penser cela.

Est-ce cela qui vous tourmente l’âme ? »

 

Aucune réponse, Poféus, celui maîtrisant tout… Comment avait-il pu laisser passer ces informations ? Encore une déconnexion ? Non, elle devait sans doute dire vrai, c’était une professionnelle et les allusions, les fautes ou les omissions ne lui échappaient pas.

Et encore, toute la vérité n’était pas sortie, heureusement. Si elle savait qui était son vrai père.

« En effet, j’ai été adopté par les Poféus. Ils ne pouvaient pas avoir d’enfant et… voilà…

Est-ce lié au fait qu’il ne me toucha pas ? Toujours est-il que je fût, dès la semaine qui suivie, envoyé en pension dans une académie des forces spatiales. Aux déchirements des adieux de ma mère, je ne savais quoi répondre d’autre que de l’indifférence, la perte de Méhala submergeant tout. La pauvre.

Le plus amusant c’est que les forces spatiales étaient ( et sont sans doute encore ) un nid d’homosexualité patente. Je n’en reviens pas encore combien mon père était aveugle sur la réalité du monde autour de lui. Bref… La suite est connue. Ascension des différents grades durant les grands voyages d’exploration, découverte d’Antarès IV, retour triomphal, etc…

Et avez-vous revu Méhala ?

Ha oui, la conclusion de l’histoire, voulez-vous dire ? Ce fût pitoyable. La famille de Méhala quitta, bien sûr, le service au château pour s’en retourner dans le pays Nordiste. D’après ce que j’ai appris, tous moururent dans un règlement de compte là-bas, quelques temps plus tard. Je ne la revis donc jamais ; apparemment ils avaient cru, à tord, que leur dettes s’était effacée avec le temps. Pourtant je retrouvais la trace, des années plus tard, d’Icnal. Elle avait échappé au massacre, et s’était retrouvée à se prostituer dans un bordel Tropicalien.

Et… vous avez été vers elle ?

J’espérais revoir Méhala, par miracle. Mais non, la sœur traitresse me confirma la mort de tous les autres membres de la famille. Elle-même était malade et se jeta aux pieds de l’homme puissant que j’étais devenu, pour demander de l’aide. Je me suis éloigné, lui laissant une pièce pour s’acheter du pain.

Je n’ai que de l’indifférence ou du mépris pour elle et ce qu’elle a fait. Et je n’en ressent aucune gêne.

Et vos parents ? Quelles ont été les relations avec votre père adoptif ?

La roue tourne Calande. La référence paternelle est tombée de cheval un jour de chasse, le dos brisé. Il mourut entouré des siens, enfin presque tous car je ne lui fit pas cet honneur. Je revît ma mère, par contre ; la vieille femme qu’elle était devenue s’avéra courtoise. Mais à certains indices, je devinais qu’elle n’avait plus toute sa tête. Je pourvois à ses besoins et à ceux du château. Comprenez-moi bien : c’est plus une dette que je paye qu’autre chose. Cette vie est loin de moi, je l’ai scellée il y a longtemps.

Jusqu’à aujourd’hui.

…Jusqu’à aujourd’hui, en effet. »

 

Plus tard dans la soirée, alors qu’aucune crise ne venait interrompre ce moment et que la fascinante Calande Rorré était partie, le Contre-amiral Poféus se tenait toujours assis dans son fauteuil, le regard tourné vers la grande fenêtre, profitant de la chaleur des dernières braises du foyer déclinant.

Il avait ouvert la porte.

Il se sentait, enfin, en paix.

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Prod: PodShows
Réa: Raoulito
Relecture: Arthur, Kwaam
narration: Anna
Acteurs:
Poféus: Pof,
Calande Rorrée: Coupie
Compo: Ian, Cleptoporte
Montage: Raoulito