Chapitre 9 « Pin’up » disponible en livres numériques !

L’Exode aborde la station Piñata el grande, lieu de tous les vices, plus connue comme « le point de plus éloigné de la civilisation dans l’univers connu. »
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Les gardes du corps couraient dans les couloirs, se postant aux carrefours et dans les zones sensibles du bâtiment. L’information à peine diffusée, c’était le branlebas de combat. En ajoutant, aux soldats, les membres de la sécurité et les gardes rapprochés de chaque ministre et celle du président du conseil, les Mutualistes allaient se heurter à près d'une centaine d’hommes en arme, sans compter les renforts, forces mentales en tête.
La fourgonnette avait été retrouvée à deux rues du palais, vide bien sûr. Bizarrement, aucune caméra de cette zone n’était activée et on ne pouvait pas savoir ce qu’ils étaient devenus, alors on passait au peigne fin tous les égouts, les cages d’ascenseurs, les ruelles et les appartements du quartier.
Les soldats en permanence à l’entrée principale se tenaient prêts, une balle engagée dans leurs fusils-mitrailleurs.
Un bruit de bottes s'approchant au pas de course les fit se raidir, doigt sur la gâchette. C’était un groupe, avec treillis noir et écusson des Forces mentales. Bien qu’un peu rassuré, il n’était pas question de faire confiance à qui que ce soit et le planton les fit s’arrêter à plusieurs mètres. Un officier, seul, s’approcha pour prouver l’identité de la petite troupe. Le central confirma les accès : on avait affaire aux forces d’intervention qui avaient donné l’alerte quelques minutes plus tôt. Comme elles ne se trouvaient pas loin, elles avaient couru le dernier kilomètre, d’ailleurs tous transpiraient.
Le planton salua et reçut en retour la ferme poignée de main du chef, mais tous gardaient la mine sombre des moments graves. Contre les Mutualistes, on n’était jamais assez nombreux ni assez préparé. Ces Mentaux représentaient un atout de taille.

*

« … Puisque le contramiral ne nous fait pas l’honneur d’être présent, Monsieur le Président et Messieurs les Ministres, ce sera sans son accord que je me permets de mettre à votre disposition ce rapport élaboré par mes services… les copies sont distribuées ? Très bien. Il prouve l’implication du Bureau des affaires mentales dans l’importation et la distribution de la drogue ‹ nuage de miel › sur MaterOne ! Oui, vous avez bien entendu, cette armée secrète, cet état dans l’état s’avère être un cancer qui ronge les bases de notre société.

Je ne nie ni l’importance ni l’histoire de cette organisation, dont les racines remontent aux origines de l’ancienne royauté, mais je crois, et je vous invite à croire avec moi, qu’il est temps d’en changer la tête et d’en réformer le cœur. »
La porte de la salle du conseil s’ouvrit discrètement sur une poignée de gardes du corps dont un se dirigea vers le président.
« Dans ce but, je dépose une demande officielle pour un vote à la majorité qualifiée des membres de ce conseil en vue de…
Président ? »
Le vieil homme se rembrunit, hocha la tête à son interlocuteur puis se leva :
Messieurs-dames, je vous demande de garder votre calme. On vient de m’informer que nous sommes sous la menace d’un attentat mutualiste. On nous demande de quitter la salle par la sortie secondaire. Elle est sécurisée et nous conduira sur le toit où des orthoptères ainsi qu’une escorte nous attendent.
Une alerte ? Mais Président, le vote que je propose est…
… verra plus tard, monsieur Heir. Gardes, ouvrez la voie, nous vous suivons. Allons tous, du calme, merci.

*

Le planton vérifia que la sécurité de son arme était bien relevée. Doigt sur la gâchette, lui et ses camarades se tenaient en peu en retrait de l’entrée principale, protégés par des sacs de sable et des guérites blindées. Tout le secteur était sous couvre-feu d’urgence et on avait retiré les véhicules stationnés. C’était une étrange sensation que ce quartier vide, sans autre animation que les échos des recherches qui s’effectuaient tout autour. Malgré tout cela, le commando ennemi demeurait introuvable. Un son d’orthoptère monta alors, signalant l’approche d’un… non, de deux appareils. La rue était fermée et les engins volants vinrent se poser à une cinquantaine de mètres. L’écusson sur le côté ne laissait aucun doute : encore des Forces mentales.
Les turbulences de l’atterrissage obligèrent les gardes à se protéger. Au moins, quand les mentaux intervenaient, ils y mettaient le paquet. Une troupe en treillis noire descendit et s’arrêta d’elle-même à quelques mètres. L’officier s’approcha, seul, pièces d’identité en main. Dans un sourire, le planton jeta un œil aux papiers et à l’ordre de mission. Ce fut en énumérant les codes pour le central de surveillance qu’il comprit : il venait DÉJÀ de donner ces numéros à la vérification, c’était le groupe précédent qui…
Il n’eut pas le temps de pousser plus loin ses réflexions.
Une immense déflagration embrasa le rez-de-chaussée du palais. Le feu balaya les hommes et les véhicules, réduisant tout en cendres. L’explosion fut si puissante qu’elle souffla toutes les vitres dans un rayon d’un kilomètre autour de l’épicentre.
Protégé par une partie du mur d’enceinte, le planton repoussa un sac de sable éventré et se releva malgré un violent tournis. Il ne put que constater le désastre : alors que débris et cadavres jonchaient la cour intérieure, les deux premiers étages du palais n’étaient plus que ruines et un panache d’épaisse fumée noire montait, obscurcissant le ciel.

*

Armes au poing, les gardes du corps courraient en tête du groupe, entrainant les ministres dans la cage d’escalier de secours qui montait encore et toujours. Le vieux président soufflait comme un phoque-sanglier, il restait encore une dizaine d’étages à grimper et ses jambes ne le porteraient plus bien longtemps. Soudain, un tremblement secoua le bâtiment tandis que le rugissement de l’explosion leur parvint aux oreilles. Le groupe s’arrêta quelques secondes. Ils allaient repartir d’autant plus vite, lorsque…
« Stop, arrêtez-vous ! »
Heir hurlait derrière eux. Le président grogna : mais que se passait-il ? Immédiatement, plusieurs gardes se placèrent devant lui et pointèrent leurs armes sur un homme en treillis noir qui se tenait dans le dos du ministre et le garrotait, menaçant. Il ne put retenir sa surprise :
Un… ils sont arrivés ici ? Mais comment est-ce possible ?
Tout le monde reste calme ! Écoutez, qui que vous soyez, je ne pense pas que… mmphhh.
Le preneur d’otage serrait la lanière encerclant la gorge de Heir. Il lui chuchota quelque chose à l’oreille puis desserra un peu son garrot.
« …ouf… il… il dit que l’on doit déposer nos armes, que c’est une prise d’otage pour la… pour la Mutualité. »
D’un coup d’œil, les gardes du corps se décidèrent et deux d’entre eux restèrent face au preneur d’otage tandis que les autres faisaient reculer les membres du conseil pour poursuivre leur chemin. Le président sentit alors la poigne de son protecteur devenir molle. Il eut juste le temps de voir les yeux de l’homme se révulser avant qu’il ne tombe dans les escaliers. Avec horreur, les ministres assistèrent à l’évanouissement de tous leurs gardes, tandis que des bruits de bottes résonnaient sur les marches au-dessus d’eux. D’autres Mutualistes apparurent, d’autres tenues noires, à l’écusson des forces mentales, qui les tenaient en joue. Une arme pointée sur lui, le vieux président du conseil ne put s’empêcher de demander :
Bon Dieu ! Mais que se passe-t-il ? Ce sont des forces mentales ?
C’était une attaque psychique, certes, mais ces hommes n’appartiennent pas à Poféus.
lui répondit Heir d’une voix étrangement calme. Le Mutualiste venait de le relâcher, lui donnant même une arme ! Le chef du gouvernement provisoire n’osait pas croire ce que ses yeux lui montraient, et il n’était pas le seul. Les membres du conseil étaient tétanisés, certains au bord des larmes, d’autres cherchaient du regard une improbable issue. Il prit la parole, tentant de mettre dans sa phrase toute son autorité naturelle :
Monsieur Heir. Relâchez-nous immédiatement.
Navré, monsieur le Président, ce n’est pas ce que j’avais prévu. Sachez que je suis en train de tous vous sauver, en fait.
Il sourit, observant un à un les visages inquiets.
« Poféus allait commettre un putsch, c’était évident. Alors, je me suis dit qu’il était plus salvateur pour nous tous que je le devance. Vous ne pensez pas ?
Et, pour nos chers ministres : coopérez maintenant et vous participerez à mon premier gouvernement. Parole de Chancelier suprême… Ah, je sens que du monde arrive. Navré, mais nous allons devoir avancer rapidement pour rejoindre l’avant-dernier étage et la salle de projection. Le prochain acte se déroulera là-haut. »
Sans un mot, les Mutualistes regroupèrent les membres du conseil et les invitèrent fermement à poursuivre l’ascension. Pour compléter l’horreur, la voix de Heir résonna dans les têtes.
« Et je vous suggère de presser le pas : dans une minute trente, cette cage d’escalier sera soufflée par l’explosion d’une forte charge. Allez, allez, on se dépêche ! »


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