Chapitre 9 « Pin’up » disponible en livre numérique !

L’Exode aborde la station Piñata el grande, lieu de tous les vices, plus connue comme « le point de plus éloigné de la civilisation dans l’univers connu. »
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Le sac hermétique numéro douze avait été scellé comme beaucoup d'autres, durant la première heure. On tenait la civière du contramiral pour qu’il puisse être assis, face à celle qu'il aimait. L’aspirante rongeait son frein : deux orthoptères étaient déjà en route pour récupérer le ministre. Compte tenu de la situation, le fait qu’il ait survécu prenait une tournure capitale pour toute l’humanité : chaque minute comptait.
Ouvrez… le sac.
Mais Amiral..
OUVREZ-LE
Elle fit signe à un des préposés qui glissa la lame d’un cutteur sur le pourtour supérieur du sac, puis il saisit l’un des bords et le souleva suffisamment pour que Poféus en voie bien le contenu. Fakir détourna la tête vers les arbres arrachés, au loin. Aucun des corps retrouvés dans la résidence n’était entier. En fait, souvent, on n’avait découvert que quelques morceaux, des tissus brulés et mêlés aux restes des vêtements, des os calcinés. Et cela valait peut-être mieux pour eux, plus le corps était détruit, plus la mort avait été rapide. Et le cadavre de la femme dans le sac numéro douze ne faisait pas exception.
Elle entendit alors, derrière elle, quelque chose d’inattendu. Une réaction déplacée… malsaine.

« hé… hé… ha, ha, HA HA HA HA, HA, HA ! »

Le contramiral riait à gorge déployée, luttant contre une quinte de toux qui lui enrayait la voix. Tous l’observaient, ne sachant quelle attitude adopter. Fakir perçu une pointe de démence, derrière ce rire qui montait vers les aigus entre chaque crachat expulsé par ses poumons. Elle fit signe de refermer le sac et d’éloigner la civière sans demander l'avis de Poféus. Il se trouvait en état de choc, c’était une évidence, elle n’aurait jamais dû céder à sa requête ; la vue du corps meurtri de la femme qu’il aimait l’avait profondément touché.

Il s’était tu lorsque, sous la tente, on lui avait administré un calmant, les examens complémentaires ne faisaient que confirmer les premières observations : quelques contusions et un état de choc posttraumatique. Le contramiral Poféus sortait indemne du terrible attentat terroriste le visant personnellement. On pouvait crier au miracle, sans retenue.
Un des deux orthoptères s'était posé à une dizaine de mètres, les turbines allumées tandis que l’autre, tel un aigle à la recherche d’une proie, effectuait des cercles autour de la propriété. Plusieurs groupes de chasseurs des forces spatiales passèrent à haute altitude, la nouvelle que le ministre responsable des services de sécurité planétaire avait survécu circulait déjà et les Mutualistes devaient forcément se tenir informés.
L’aspirante Fakir expliquait aux médecins que la section médicale des Forces Mentales allait prendre le relais et qu’on devait évacuer immédiatement leur chef, lorsque celui-ci lui fit signe. Elle s’approcha, toujours inquiète de ce petit sourire qui ne le quittait pas, dominée par ce regard où une étincelle noire laissait présager en permanence les pires intentions.
Monsieur ? Nous allons vous transférer d’ici quelques minutes.
Oui ma petite, bien sûr… Cont… contacte le central des com  et dis-leur d’activer le plan Poisson à pattes. Et bouge tes jolies fesses, c’est très urgent.
« Poisson à pattes ». Heu, je… oui, Amiral !
Fakir couru vers l’orthoptère, troublée. Elle n’avait pas souvent eu l’occasion de se retrouver en présence du ministre, mais elle était certaine que ce style de langage ne lui était pas coutumier. Dès son arrivée, on lui donna un casque et elle transmit l’ordre, ignorant comme probablement les opérateurs des communications de MaterOne Centrum de quoi il retournait. Déjà, on amenait la civière du contramiral où celui-ci reposait, les yeux fermés, les doigts croisés sur la poitrine, un petit sourire vissé sur les lèvres. Une véritable icône de la méditation bienheureuse, et cela ne pouvait qu’inquiéter au plus haut point l’aspirante. Elle se promit de transmettre un rapport au lieutenant Ralato dès son arrivée, le contramiral n’était pas en état de reprendre du service, c’était évident.
Il fut installé dans un des fauteuils de l’arrière, spécialement aménagé pour les déplacements des personnalités et Fakir claqua personnellement la porte alors que l’appareil s’élevait. Les paupières de Poféus ne s’étaient pas ouvertes, le sourire était moins prononcé, presque inexistant. Peut-être l’état de choc s’estompait-il ?

Quelques minutes plus tard, l’orthoptère se posait en douceur sur le toit du ministère de la Sécurité. Le contramiral surprit tout le monde en demandant à pénétrer dans le bâtiment debout. On pouvait l’aider et le soutenir, mais il voulait marcher, alors Fakir passa son bras gauche autour de ses épaules tandis qu’un subordonné prenait l’autre bras. Les pieds du ministre progressaient avec difficultés, il était aisé de sentir combien l’homme souffrait de ses contusions lui constellant tout le corps. Mais son petit sourire s’affichait à nouveau et son regard présentait toujours cette étincelle malsaine. En fait, la jeune femme avait la sensation que cela avait empiré.
Il refusa d'aller à l’infirmerie et ils durent l'aider à atteindre laborieusement son bureau où il demanda simplement, un peu essoufflé par les efforts qu’il s’était imposés :
« Fakir… Va voir pour un rapport avec toutes les nouvelles. Je veux savoir où on en est. Et dis aux toubibs qu’ils peuvent venir ici, mais je ne quitterai pas mon antre. Ce bureau, c’est… ma tanière, tu comprends ? Aller, hop ! Dépêche-toi…

Il fait chaud, non ? On ne peut pas baisser un peu le thermostat… ? »

Elle revint quelques minutes plus tard, suivie d’un colonel mental qui la doubla, la toisant, et déposa un épais rapport sur le bureau du ministre. Il présenta oralement la situation : le président et les membres du Conseil de la Révolution étaient morts, Heir en fuite avec les Mutualistes et le lieutenant Ralato capturé.
« Mais c’est une manie chez lui de se faire avoir par cette bande de raclures ? Je ne vais pas passer mes mandats à lui courir après, merde ! »
Personne ne broncha dans la pièce. D’abord, il n’était pas d’usage de commenter les colères du contramiral, mais surtout, les termes employés surprenaient au plus haut point. Le colonel jeta un regard à l’aspirante, celle-ci hocha doucement la tête : elle n’était pas la seule à trouver le comportement de leur chef étrange. La situation ne laissait pourtant pas de choix possible : le contramiral Poféus était la dernière personne avec un pouvoir exécutif légitime, alors que l’état vivait une crise sans précédent depuis la révolution Castiks. On devrait lui confier les rênes, quoi qu’on en pense.
Le communicateur sur le bureau sonna et le ministre, contre toute attente, fit signe à Fakir de répondre tout en se grattant la nuque. La jeune femme s’exécuta, décrocha le combiné et transmit l’information :
« Monsieur, un individu reconnu comme le professeur QuartMac demande à vous rencontrer. Que devons-nous faire ? »
Poféus se redressa soudain, l’air joyeux, ouvrant des yeux plus noirs que jamais.
« QuartMac, ce vieux traitre ? Mais qu’il vienne, bien sûr ! Un peu de sport me fera le plus grand bien… Hi, hi, hi, ha, ha, HA, HA, HA ! »
Et il se lança à nouveau dans un rire à la limite de la démence…


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