Red Universe

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La plus grande saga intergalactique jamais racontée en podcast

raoulito

Des réfugiés vont découvrir les secrets enfouis sous des années d’oublis et de honte. Confrontés à des choix et des conflits sur leur modèle de société, ils avanceront vers leur but ultime, là où se concentrent leurs espoirs : la planète rouge. Chapitres entiers http://reduniverse-chapitres.podcloud.fr Chapitres spéciaux http://reduniverse-speciaux.podcloud.fr Et pour plus d’immersion, les livres illustrés http://reduniverse.fr/livres-numeriques/

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RedU T1 Ch13 Ep12

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Le parfum lourd et puissant de la myrrhe plongeait le visiteur dans un nouveau monde chaud et plus secret : celui de la “Maison des Jouissances”. Laissant le crachin extérieur, Ralato poussa l’entrée de la bâtisse sous le regard inquisiteur de plusieurs cerbères en cravate, puis descendit un escalier aux marches étroites, tapissées de velours ; les murs étaient parsemés de petites lanternes aux couleurs chaudes, tandis qu’un bas-relief, représentant un dragon stylisé, emplissait tout le plafond. Une fois en bas, on pénétrait dans une longue salle rouge ornée de moulures multicolores; tirant négligemment le col de son smoking, il lorgna sur le balcon intérieur, où se languissaient de somptueuses femmes de toutes origines, aux tenues provocatrices. Le long de la pièce principale s’étirait une épaisse table basse, faite de bois rare, sur laquelle on servait diverses spécialités, tandis que de sublimes filles venaient accompagner les clients de leurs promesses de volupté; flottant dans l’espace par projection holographique, deux femmes nues faisaient l’amour sous les regards lubriques des clients. Les volutes d’encens étaient omniprésentes, entretenues par de multiples petites boîtes en bois laqué où brulaient des cônes de poudre, pénétrant les sens et l’âme des visiteurs tandis qu’une musique de fond, typiquement Souriante, apaisait les coeurs. Nous étions à MaterOne Centrum, dans le quartier des Souriants. Une ville dans la ville.

 

Cette population des continents de l’Est s’était disséminée sur toute la planète, avec une précision et un pragmatisme à toute épreuve, allant jusqu’à reconstituer dans les principales mégapoles des quartiers entiers à l’image de leur culture. Cela allait bien au-delà des limites usuelles d’intégration des Barbanes ou des Nordistes, peuples pourtant déjà très casaniers. Connus pour être les principaux artisans de l’exploitation des formidables gisements de Lithium des Mines de Talbot, à plusieurs semaines de Transition de MaterOne, ils avaient su utiliser ces fonds pour alimenter leur puissante et très fermée diaspora.

Deux hôtesses artistiquement maquillées prirent délicatement la main de Ralato pour le conduire à une place libre le long de la grande table. A leurs ras de cou en mousseline, pendait une petite fleur de lotus avec un numéro : bien plus facile à retenir qu’un prénom, pour un client masculin, n’est-ce pas ? Une serveuse, moulée dans un fourreau de cuir noir, vint lui servir cérémonieusement un thé dans de la porcelaine blanche avant de s’en retourner, laissant, au passage, le temps d’apprécier l’autre coté de sa tenue, uniquement composée d’un filet ne cachant rien de son anatomie intime. Ralato souffla sur sa tasse, fermant les yeux, puis but doucement le breuvage. Il n’avait pas besoin de sa vue pour ce qui allait suivre : un premier scan Mental passif lui permit de survoler rapidement ce qui se passait dans les chambre donnant sur le balcon ; de ce coté là, les hommes y assouvissaient des fantasmes ne le surprenant plus du tout. Par contre, en dessous, il percevait une activité d’où émanait autant de stress que de joie : une salle de jeu emplissait le second sous-sol. Rien d’étonnant à cela, ce genre d’établissement payait une petite fortune les diverses autorisations officielles pour réunir, en un seul lieu, ce qui correspondait le mieux aux Maisons des Jouissances. Du coté des cuisines, rien de particulièrement intéressant, même si cette fois Ralato poussait à la limite ses facultés ; il devrait lancer un scan actif s’il voulait aller plus loin, ce qui serait dangereux, car repérable. Où donc se terraient les hommes à la tête de cette Triade ? Les Quatre bambous divins, le nom de l’organisation, avaient leur quartier général dans ce bouge de luxe et il fallait les débusquer avant de tenter quoi que ce soit.

“ Laisse tomber cet étage, ils sont plus bas. Allons jouer un peu. ” intervint Stuffy. Le Lieutenant étant du même avis, il emprunta donc un nouvel escalier, accrochant au passage à son bras une des dociles hôtesses, pour mieux entrer dans son rôle de client ordinaire. Toujours cet encens lourd, mais il s’y mélangeait maintenant une effluve acide de cigare et d’alcool fort; la salle de jeu comptait dix tables de cartes ou de roulettes  sous de belles lampes lourdes de fioritures décoratives, alors que le reste de la pièce était plongé dans une quasi obscurité. On pouvait entendre les gémissements de plaisir d’une femme depuis un renfoncement obscur, vite étouffés par les grognements d’un joueur venant de tirer la mauvaise carte. Enfin, placés aux quatre coins de la pièce, veillaient des hommes de mains lorgnant les client et leurs hôtesses d’un oeil bovin.

“ L’entrée, le restaurant et les cuisines, au-dessus les chambres, en dessous la salle de jeu… Il y a sûrement autre chose, attends : je fouille de mon coté.” Et avant que Ralato n’ait eu le temps de réagir, il sentit comme un nouvel œil s’ouvrir dans son esprit, scrutant sols et murs. Impressionnant, ainsi Stuffy pouvait avoir accès à des facultés individuelles dans l’esprit même de Ralato ? “ Figures-toi que j’ai d’autres atouts dans mes manches : la nuit, tu es le seul à avoir besoin de dormir ! En-dessous, il y a une autre salle, mais cette fois plus dissimulée. ”

Un problème à la fois, concentrons-nous ! Pas besoin d’être Mental pour se douter de l’activité à l’étage inférieur. L’entrée de l’escalier suivant était cachée derrière une épaisse tenture rouge représentant un dragon en or, gardée par un des molosses en cravate. Celui-ci détailla Ralato, mais ne le trouva pas spécialement dangereux et l’autorisa à passer. Toujours accompagné par son hôtesse, il descendit de nouvelles marches tandis qu’une forte odeur de stupre et de fumée narcotique lui prenait les narines. On appelait cela le “Nuage de miel”: une huile hallucinogène s’absorbant, tiède, par les pores de la peau. Lorsqu’on la faisait chauffer un parfum caractéristique s’en échappait, il suffisait alors de s’en enduire (ou de s’en faire enduire) le corps sur une surface plus ou moins large, suivant l’effet désiré… La pièce était plongée dans l’obscurité, ne cédant à la lumière qu’en quelques points tamisés aux couleurs chaudes. Des filles gantées massaient leur client ou les chevauchaient, ou les deux en même temps, allant parfois jusqu’à partager la même passion dans une fusion totale des corps entièrement huilés. Son accompagnatrice lui serra légèrement le bras, l’attirant contre elle, il n’eut aucune difficulté à ressentir le désir qui affluait dans l’esprit de la jeune femme. Comme la plupart des prostituées de cette maison, elle devait être dépendante, prête à profiter de l’argent et de la drogue d’un client. “ Mais qu’est ce que c’est que cela ? Ralato, au coin de la pièce, les deux gardes prêt de la porte, tu as remarqué ? ” Souriant à l’hôtesse, il focalisa son œil Mental dans la direction que lui indiquait Stuffy. Malgré toute sa concentration, il ne put réprimer un hoquet de surprise : les pensées des deux hommes lui étaient inaccessibles, visiblement ils étaient sous Boramol ! Cà, c’était très grave : cette molécule était considérée comme une arme de niveau militaire, uniquement autorisée pour les forces de sécurité, le fait d’en prendre était un risque énorme pour les Triades ! Par le passé, les groupes ayant eu recours à ce produit s’étaient toujours retrouvés impitoyablement anéantis par la section des Affaires mentales, qui y consacrait alors ses formidables moyens ! La vente ou l’usage de Nuage de miel n’étaient que des babiole, comparés à cela.

“ C’est en dessous que tout se passe, je ressens des types qui comptent, des vieux qui négocient et… Autre chose de bizarre qui m’échappe encore. On va devoir descendre, Ralato, mais il reste à trouver une bonne méthode pour y aller : l’entrée est justement gardée par nos gorilles au Boramol. ”

Production: Podshows

Ecriture & Réalisation: Raoolito, Icaryon, Andropovitch, Arthur R., Coupie, Quentinus15

Narration: Raoolito

Acteurs:

Luciole (Stuffy)

Compo: Ian

Montage: Ian

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RedU T1 Ch13 Ep11

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Le feu de l’âtre crépitait, les flammèches se lovant tout autour des formes rougeoyantes du bois, poursuivant leur oeuvre de décomposition des buches déposées au centre du foyer. Ce spectacle était d’autant plus fascinant que le Contre-Amiral s’étonnait de ne plus être resté simplement attentif à quelque spectacle depuis longtemps, son esprit étant toujours actif à échafauder analyses et théories, complots ou parades. Un petit morceau de charbon incandescent se détacha de la masse et tomba sur le sol; roulant contre la grille de protection, il termina sa course en une gerbe d’étincelles féériques. On toqua à la porte : le thé était prêt. Un serviteur posa professionnellement tasses, sucrier et théière, faisant couler plusieurs fois le bouillant liquide ambré entre le récipient et un verre, prévu à cet effet. En suivant la manoeuvre souple et précise, Poféus croisa le regard de la praticienne et se surpris à détourner le sien. Le visage de cette femme était une image trop sereine, ses yeux étaient trop profonds, trop analytiques. L’Histoire est emplie de ces personnalités capables de paraitre si neutre qu’elles en désarmaient leurs adversaires pour mieux les abattre par traitrise !

La fenêtre étouffa un coup de tonnerre venu du dehors et la pluie résonna d’autant plus fort qu’elle était devenue une belle averse. Le serveur conclu son office puis déposa délicatement deux serviettes fines, de chaque coté de la table, avant de se retirer à pas de loup. Poféus ne pouvait rester silencieux plus longtemps, et tous deux le savaient.

“ Comme je vous l’ai dit, ma compagnie n’est guère distrayante… ” commença-t-il  en prenant deux sucres qu’il noya dans sa tasse à l’aide d’une petite cuillère, “ Je vous imagine plus… prolixe en la matière. Votre métier doit vous offrir quelques anecdotes dignes d’égayer ce genre de moment, je présume ?


  • Amiral, vous n’ignorez pas que ma profession relève du secret médical. ” Elle lâcha un unique sucre dans son thé, tournoyant astucieusement sa cuillère pour le dissoudre plus facilement, puis elle poursuivit dans un sourire moins convenu: “Donc même sous le sceau de l’anonymat, je n’aurais, en aucune manière, le droit d’aborder mes rencontres avec quelqu’un qui ne serait pas dans un cadre purement professionnel, tel un confrère par exemple.” La psychologue porta alors le thé à ses lèvres et, du bout de celles-ci, en but quelques goutes, testant ainsi la concentration en sucre. Visiblement satisfaite, elle reposa la tasse sur sa soucoupe, se contentant d’envelopper à nouveau Poféus de son regard profond. “Evidement comme vous êtes à la tête d’un des meilleurs service de psychologie de la planète, je veux parler des Affaires Mentales, et que vous n’êtes pas un patient, je dois pouvoir me laisser aller à raconter quelque petite expérience des plus passionnante. Accordez-moi simplement de ne pas donner de nom ?

  • Bien entendu” répondit le Ministre, croisant les bras en s’installant plus profondément dans son fauteuil, “Allez-y, nous avons un peu de temps, comme je crois vous l’avoir déjà dit”

  • Vous me l’avez dit, en effet…” Elle reprit sa tasse et en avala une plus grande gorgée, fermant les yeux, déglutissant doucement, comme pour mieux laisser au Jasmin le temps d’imprégner ses papilles. “Mmhmm, le savoir-faire de votre domesticité est à la hauteur de votre fonction, Amiral, ce thé me rappelle réellement ma jeunesse au bled. Dites-moi, je n’ai trouvé nulle trace de votre prénom dans les notes officielles ? On ne parle que de votre grade, votre fonction ou votre nom de famille.

  • Oui, je n’aime pas que l’on soit familier avec moi, je l’ai fait effacer systématiquement.

  • Je vous comprend : partager son prénom c’est souvent donner aux autres une sorte de passeport pour son intimité. Le soumettre ou non, est déjà une affaire de choix de vie.

  • Croyez-vous ? Vous vous nommez Calande, m’avez-vous dit, et c’est d’origine Brune si je ne m’abuse. Pourtant je n’ai aucune entrée spéciale pour votre esprit. Mes Mentaux sont bien plus efficaces à ce jeu, croyez-en mon expérience.” Ne venait-il pas de tomber dans un piège ? Lorsque l’on ouvre une entrée, on peut empêcher les gens d’y pénétrer, ou justement les laisser en passer le seuil, car même sur leurs gardes, ils sont désormais dans votre territoire ! “ Vous me parliez d’une anecdote amusante, je vous écoute Madame Rorré. ”

Le sourire de la praticienne s’accentua légèrement avant de se reprendre. Baissant les yeux, elle se tapota délicatement la bouche avec la serviette, puis le perça à nouveau de son regard. Poféus sentit alors une sueur glacée lui parcourir l’échine : qui est le chat et qui est la souris ici ?

“ En effet Amiral. ” Répondit-elle sobrement, puis à son tour, elle s’installa plus profondément dans son fauteuil, croisant ses doigts sur le ventre en une attitude rappelant certaines anciennes divinités tropicaliennes. “ C’est un de mes patients, une personnalité de premier plan, une personne qui, permettez-moi d’insister sur ce fait, est précédée d’une réputation de fermeté et… de puissance (vous seriez surpris, Amiral, de savoir combien il peut être intimidant d’aller au devant de quelqu’un comme cela). Et lorsque l’on creuse un peu, lorsqu’on laisse ce personnage s’imposer devant vous, on découvre un être humain, torturé par ses peurs et ses désirs, aux nerfs tendus sous cette pression constante que seul le pouvoir ou les hautes responsabilités savent appliquer. Vous devez comprendre facilement cela je pense.


  • Oui. Je me demande bien si celui que vous appelez votre patient nécessite vraiment l’intervention d’un psychologue. Il me semble… De très bonne constitution psychique pour supporter cela quotidiennement.

  • Il le semble en effet. Sauf qu’il a fait appel à moi, et cela, compte tenu de sa fonction, n’est pas un acte anodin, loin de là : il a des secrets et des ennemis (qui n’en a pas à ce niveau ?) et rien que de prendre contact avec un praticien peut être su et interprété comme une faiblesse. Alors la question qui se pose est : pourquoi ?

  • Un moment de doute peut-être ? Probablement quelque chose de temporaire et de peu d’importance. Il s’en rendra vite compte et vous laissera retourner à votre cabinet, soyez-en certaine.

  • Peut-être… Et c’est une possibilité, sauf que dès notre premier entretien, il s’est appliqué à user de son extrême intelligence non pas pour me dérouter ou me repousser, mais contre lui-même. Je vous étonnerais si je vous en donnais tous les signes. J’ai vite eu la certitude que cet homme était en tourment; quelque chose, en lui, lui semblait si dangereux pour l’existence qu’il menait, qu’il s’est senti obligé de me contacter, malgré ses appréhensions.

  • Je n’arrive pas à éprouver le moindre amusement à votre histoire, Madame.

  • Je vous l’ai décrite comme passionnante, Amiral, ce qui est différent. Mais surtout le plus intéressant est qu’il a suffit d’une petite dizaine de minutes pour diagnostiquer une schizophrénie en phase ascendante. Elle s’est caractérisée par plusieurs absences brusques et prolongées de ce patient, alors que des personnes étaient présentes sur le lieu de la rencontre.

  • C’est… C’est arrivé plusieurs fois ?”

Un violent éclair zébra le ciel, illuminant la pièce une fraction de seconde avant de disparaitre dans un fracas sonore où vibra le verre des vitres. Plusieurs fois ? Mais non, c’est arrivé tout juste une.. Enfin, lui semblait-il ? Elle avait tout deviné, il se tourna vers le feu, les buches, l’âtre, la cheminée, ses yeux n’arrivaient pas à se fixer. La pluie redoublait dehors et un nouveau coup de tonnerre gronda au loin, assourdi par la distance.

“Vous ne prenez pas votre thé, Amiral ? Il risque de refroidir, ce serait dommage.”

Par réflexe il la regarda, hypnotisé par le regard de cette femme à l’allure pourtant si frêle.

“Je.. je n’ai.. En fait oui, je vais en prendre.” Et il s’efforça de prendre la tasse, malgré les doigts de ses mains glacées et rigides. Mais que lui arrivait-il ?

La psychologue se leva: “ Je pense que je vais prendre congé, Amiral, je n’ai que trop pris de votre temps. L’orage semble s’éloigner et je ne doute pas que la pluie fera de même. Vous féliciterez pour moi votre personnel. ” Et se penchant, elle lui tendit la main “…Et je vous remercie de votre hospitalité.” Plus spectateur de ses gestes qu’acteur, il la lui prit et la serra; la peau de ses doigts était fine, douce, et la main recelait une chaleur qui lui manquait.

“Je.. B..Bon retour Madame Rorré.


  • Appelez-moi Calande, si vous voulez Monsieur le Ministre.” Elle lui adressa un  dernier sourire puis s’éloigna naturellement vers la porte laissant quelques volutes du parfum léger tourner une ultime fois dans l’air. Dehors, la pluie semblait diminuer en intensité, et plus aucun coup de tonnerre n’était à noter depuis quelques minutes; elle n’avait effectivement plus aucune raison de rester. La femme tourna la poignée de la porte, semblant en traverser le seuil au ralenti, quand : “…Calande !

  • Amiral ?

  • J’ai besoin de l’aide d’une personne… de confiance, en effet.”

La psychologue se raidit dans l’ouverture, semblant jauger sa phrase: “ Il vous faudra accepter cette confiance Amiral, j’ignore jusqu’à quel degré vous le pourrez ? ” Tout naturellement, Poféus se retrouva donc devant un choix: cette femme avait dévoilé d’elle-même une partie du problème, et il devait décider si elle en valait la peine. Méritait-elle d’en savoir plus sur sa personnalité profonde ? Jusqu’où avait-il le droit de se confier et jusqu’où pourrait-elle accepter d’entendre ?

Un nouveau morceau de buche se détacha et, comme ses prédécesseurs, roula pour mourir en une gerbe d’étincelles contre la grille. Sorti du feu, il devenait froid et noir, n’ayant une existence que dans l’action et la chaleur; bientôt le foyer s’éteindrait et que resterait-il de lui… ou de Poféus ? Allaient-ils partager le même destin, s’enfoncer simplement dans le néant pour ne jamais revenir ? Le Contre-Amiral aurait-il seulement conscience d’être… parti ?

Il ne se retourna pas vers la psychologue, se contentant de fixer le bout de charbon, mais sa décision était prise : “ Angilbe. Je me nomme Angilbe Poféus.


  • Alors je vous propose de nous revoir après-demain, Mr Poféus, à la même heure et… dans les mêmes conditions. Vous venez de faire le premier pas, nous pourrons peut-être vous aider. ”

Puis elle ferma la porte du salon feutré et s’éloigna, laissant le Contre-Amiral seul, assis devant un feu de cheminée finissant, une petite porte ouverte en lui. Tandis qu’une pluie fine léchait les vitres du salon, il ressentait le léger appel d’air chaud sur ses mains si froides.

Production: Podshows

Ecriture & Réalisation: Raoolito, Icaryon, Andropovitch, Arthur R., Coupie, Quentinus15

Narration: Anna

Acteurs:

Pof (Poféus)
Coupie (Calande Rorré)

Compo: Ian

Montage: Richoult

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RedU T1 Ch13 Ep10

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Poféus attendit encore quelques minutes, éprouvant une très inhabituelle appréhension pour ce qui allait suivre. Un soupir lui échappa alors qu’il contemplait les cumulonimbus, ces géants du ciel,  s’accumuler au dessus de la capitale; le manteau grisâtre des nuages diminuait la lumière ambiante, atténuait les couleurs et on pouvait certainement ressentir dehors la montée de l’humidité ambiante. Une météo terne pour un moment sans gloire. Ici, le grand bureau, et même tout le bâtiment, était bien climatisé et…
Bon, assez ! Ce n’est pas un ennemi, ce n’est même pas un rendez-vous officiel, rien qu’un psychologue, pas de quoi en faire une montagne !? Ce matin, il avait été jusqu’à laisser la vie sauve à son mignon de la nuit ! Le garçon avait courageusement supporté tous ses assauts, allant jusqu’à simuler du plaisir, mais le Contre-Amiral, ne pensant qu’au rendez-vous du lendemain, était venu difficilement. Contre toute attente, il s’était surpris à éprouver un sentiment de tendresse envers lui, et l’avait laissé partir ainsi; charge aux hommes de garde de le supprimer par eux-même.
Déjà les premières gouttes auréolaient parcimonieusement les carreaux de la haute fenêtre, anticipant la violente averse à venir: l’opération de Ralato de ce soir risquait de se dérouler sous la pluie… Bon, assez. Il traversa la grande pièce pour se rendre dans un petit salon adjacent, à l’ambiance plus feutrée. Normalement son interlocuteur devait déjà s’y trouver, il n’aurait qu’à s’asseoir, parler un peu, et, rapidement, on lui présenterait un bilan et quelque traitement à suivre. Rien que de très médical en fin de compte, pas vraiment intime. Et puis, si ce praticien ne respectait pas son autorité, Poféus pouvait s’imposer très facilement, voire l’écarter pour en choisir un autre. Il ouvrit la porte, pénétra dans la pièce, leva les yeux et se figea net.
Non… non cela ne serait pas possible : dans un des fauteuils du salon, se tenait assise les jambes croisées, dans un tailleur gris impeccable, une femme entre deux âges qui l’observait, un discret sourire de sociabilité aux lèvres. Il s’était renseigné, on lui avait parlé d’un des meilleurs praticien de la place, mais personne ne lui avait précisé qu’il devrait se confier à une… femme ?! La petite psychologue aux cheveux sombre, visiblement d’origine brune, se leva mais ne se déplaça pas pour l’accueillir.
“Monsieur le Ministre ? Calande Rorré, psychologue. Si vous êtes prêt, je vous propose de vous asseoir ici, face à la cheminée ? L’âtre diffuse une chaleur qui me semble propice à notre entretien.”
On avait allumé la cheminée, il ne l’avait pas vu ainsi depuis longtemps et cela renforçait effectivement l’intimité des lieux, sans pour autant résoudre le problème !  Il se rapprocha du foyer pour y réchauffer ses mains qui n’étaient pourtant pas spécialement froides. “ Madame Calande Rorré, j’ai peur que vous ne vous soyez déplacée pour rien. Vous n’êtes pas le… genre de professionnel auquel je m’attendais.
Ho, le fait que je sois une femme je suppose ? Je pensais que vous en étiez conscient ?
Je l’ignorais, notre contact n’a pas été direct.
Oui je vous avoue avoir été surprise de voir un agent du ministère venir prendre un rendez-vous, un second m’accueillir et me faire passer les portes, un troisième me conduire jusqu’ici. Tout cela pour garder le secret je suppose. Considérez-vous que ce qui vous a amené à faire appel à un praticien relève du secret d’état ?
En quelque sorte. Mais je ne m’avancerai pas plus. Vous devriez rentrer chez vous.
Bien sûr, je vais y aller… Mais dites-moi, il commence à pleuvoir sérieusement ? Cela poserait-il un problème si je profitais un peu de ce lieu et de ce foyer, en attendant une éclaircie ?
Faite comme bon vous semble.” répondit le Contre-Amiral, immobile, debout devant la cheminée, observant la danse ininterrompue des flammes. Pourquoi ses propres mains lui semblaient si froides, en fait il avait froid tout court ?! Etait-ce un problème de circulation du sang, ou simplement tombait-il malade ?
“Hô non Amiral, je vous connais mieux que vous ne le pensez : un vieux pédophile ayant retourné trop sa veste pour croire à quelqu’idéal que ce soit. Un arriviste ayant la haute main sur la force armée la plus puissante de la planète : les Mentaux. Mais vous êtes infiltrés, votre pouvoir est rogné de dedans et de dehors.
Vous regretterez ces paroles.
Je vous connais Amiral, votre biographie est presque déjà dans la chronique nécrologique.
Maudit Heir ! Il n’avait pas besoin de cet arriviste qui profitait de la corruption du système, libéralisé à marche forcée depuis la Révolution.
“Bien sûr Amiral, bien sûr… Réfléchissez à mon offre, vous avez une semaine. Passé ce délai, je lâche mes chiens contre vous.
…Ministre ? Amiral, vous m’entendez ?
Quoi ?!” grogna Poféus se retournant sur un de ses gardes du corps qui se tenait un pas derrière lui. Depuis quand était-il là ?
Amiral, le secrétaire d’état à l’industrie désirerait un rendez-vous d’ici deux heures. Que dois-je lui répondre ?
Que veut-il ?”
Le garde jeta un œil à la femme assise dans le fauteuil. “ Il dit que c’est important Amiral, sans plus de précision.
Décalez ma visite au camps d’Atos, je le recevrai, rompez ! ” Et sans un mot supplémentaire, l’homme ressortit, fermant la porte aussi doucement que possible derrière lui.
Maudites pertes de réalité, s’imposant encore et toujours, n’importe quand ?! Il devrait consulter pour… Il se retourna, comme affolé : elle était toujours assise et ses yeux, si profonds, l’observaient toujours. Les rides aux coins de son sourire discret, signalait-elles qu’il s’agissait d’une méthode courante dans la pratique de sa profession ? Etait-elle en pleine analyse ou juste une femme profitant d’un salon luxueux et d’une bonne ambiance ? Que venait-elle exactement de voir ou de comprendre ? Il pouvait sentir son léger parfum fruité tourner autour de lui, comme pour l’enserrer.
“Il… semble que mon emploi du temps s’éclaircit. Désirez-vous.. quelque thé ou café au lait ?
Je ne voudrais pas m’imposer Monsieur le Ministre. Mais j’accepterais volontiers une tasse de thé en vous tenant compagnie par exemple.
C’est que je… ne suis pas d’une compagnie très attrayante. Mes sujets de conversation sont exclusivement professionnels.
Vous savez, et je vous parle juste en tant que personne de passage en ces lieux, parfois aborder simplement des sujets frivoles sans rapport avec son quotidien, quelqu’il soit, cela revient à s’offrir une petite récréation. Je prendrais un thé au Jasmin, si possible, et vous, que prenez-vous?
Moi ? Mais je ne.. Un thé au jasmin également.”
Il sonna, passa la commande et vint naturellement s’asseoir sur le fauteuil face à la cheminée.

Production: Podshows

Ecriture & Réalisation: Raoolito, Icaryon, Andropovitch, Arthur R., Coupie, Quentinus15

Narration: Anna

Acteurs:

Pof (Poféus)
Coupie (Calande Rorré)
Richoult (garde)
Destrokhorne (Mr Heir)
Compo: Ian

Montage: Richoult

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RedU T1 Ch13 Ep09

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Les marches luisantes et toujours glissantes d’humidité défilaient en rythme sous ses yeux. Malgré la semi-obscurité il lui semblait les reconnaitre l’une après l’autre, personnalisées par tel défaut, telle partie trop lisse, telle anfractuosité d’où gonflait quelque tapis de mousse. Jaillissant de sa mémoire, le Lieutenant Ralato ne pouvait contenir les nombreux souvenirs qui l’assaillaient; combien de fois avait-il monté puis descendu, puis remonté et encore redescendu, les marches de cet antique passage secret conduisant au bureau du contre-Amiral  Poféus ? Il ralentit à l’approche de la fameuse porte blindée donnant sur le bureau du Ministre de la Sécurité, activa l’interrupteur mural si souvent pressé, puis resta debout, stoïque, face à cette porte close et sa petite diode rougeoyante.

Le Contre-Amiral allait lui ouvrir, mais comme ce fût toujours le cas, il allait devoir patienter. Tant de petits détails parfois futiles de son ancienne vie lui revenaient telles des étoiles dans un ciel obscure : son univers d’antan se re-dessinait doucement. Il retrouvait les manières civilisées de la vie en société, il mangeait à sa faim. Même le plat le plus simple lui semblait festif.  Les délicieuses douches bouillantes devenaient de fugitifs instants de paradis perdus où il se surprenait à… profiter simplement.

Il avait perdu six mois de sa vie dans les geôles Mutualistes. Une demi année à subir la torture et l’humiliation, la souffrance et les privations dans l’unique but de le briser, d’anéantir ses résistances mentales et de connaitre les secrets du Ministère de la Sécurité. Il avait pourtant résisté à tout, bien au-delà de ce qu’il se serait cru capable, se découvrant des forces insoupçonnées et une volonté de fer. Le plus absurde dans cette histoire, c’était que son tortionnaire,  l’homme qui avait inlassablement veillé à la moindre subtilité destinée à le perdre, celui qui avait juré d’ouvrir aux Mutualistes les portes de son Esprit, son ancien collègue Stuffy… cet homme était maintenant enfoui sous son crâne, et il n’avait pas eu d’autres choix que de s’accorder avec lui pour une alliance contre-nature ! Quelle abjection !

“ Tu n’oublies rien dis-moi ? ” La voix de l’ancien agent d’Azala résonna dans son esprit. Il se tenait silencieux depuis la journée précédente, lors de leur découverte de la fosse aux quarante victimes. Que voulait-il ? Quelle excuse oserait-il avancer ?

“J’ai passé plusieurs semaines dans les bas fonds de la puante forteresse Castiks ! Crois-tu que tes hommes m’ont gratifié d’un traitement V.I.P. ? Et plus tard, lorsque tu as cru me capturer à nouveau sur les rives du lac de la Colline des vacances, ne m’as-tu pas parlé d’un traitement où l’on ne me torturerait pas trop ? “

C’était terriblement vrai. Dans ce milieu, entre ennemis, il n’y a qu’une  seule règle : le résultat quel qu’en soit le prix. Les traitres, eux, n’avaient aucune chance, leurs geôliers se sentant quasiment obligés d’infliger des brimades exemplaires.

“Exactement. Nous ne nous sommes pas fait de cadeau Ralato, et aucun d’entre nous ne peut prétendre être plus bourreau ou victime. C’était la guerre.



  • C’était ? Je n’ai pas le souvenir d’avoir lu un accord de paix avec les Mutualistes… ?

  • Disons que les circonstances ont changé, et que nous sommes devenus des… alliés objectifs ? ” Répondit perfidement la voix. Alliés objectifs, disait-il. Oui en effet, le Lieutenant devait reconnaitre que cela correspondait assez bien à la situation. L’analyse de la composition du métal des lames, qui ont égorgé plusieurs des victimes de la fosse, correspondait à un alliage contenant de forts taux d’oxyde de lithium, spécifiques à la région de Talbot. Quand à la forme du couteau : courbée avec plusieurs entailles en contre-courbe à la base, c’était typiquement un modèle rituel des Triades Souriantes. Ralato venait donc de plancher toute la nuit sur un plan d’intervention au cœur du Quartier Souriant de MaterOne Centrum, destiné à appréhender et interroger plusieurs personnalités connues de ces organisations mafieuses. Il ne restait qu’un paraphe du Contre-Amiral et dès ce soir, il monterait en Orthoptère à la tête d’un commando. Tout cela grâce à Stuffy.

Le souvenir lointain d’une araignée qui descendait et tissait patiemment sa toile sous ses yeux, revint dans le silence de l’attente. A l’époque le courageux insecte de quelques millimètres n’en était qu’au début du travail. Plusieurs mois étaient passés, et un épais réseau de toiles complexes, dissimulant pièges, entrepôts et trou de nidification, constellait la voute du passage. On pouvait entre-apercevoir plusieurs insectes momifiés et emballés, que la propriétaire des lieux semblait vouloir conserver sur place avant une possible consommation. Ralato ne put s’empêcher un sourire en rapprochant les situations : alliés objectifs, ces petites proies pouvaient-elle croire à ce genre d’accord avec l’araignée ? Jusqu’à quel point de souffrance peut-on pardonner ?

“Il ne s’agit pas de pardonner, il s’agit de survivre : nous ne sommes pas du genre à mourir pour la vengeance.


  • Pourtant quand tu moisissais à la forteresse, tu vivais dans ce but, non ? Trouver ton délateur et te venger !?

  • Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. D’ailleurs qui était-ce, je ne l’ai pas trouvé dans tes souvenirs ? ”

La lumière rouge vira au vert et un déclic se fit dans le mécanisme de la porte, ramenant les deux antagonistes à une réalité plus immédiate. Ralato poussa la porte, habilement dissimulée dans les moulures en bois derrière le bureau du Ministre, et vint se présenter aux cotés de son supérieur; le Contre-Amiral semblait perdu dans ses pensées, debout devant les anciennes hautes fenêtres de son bureau à la décoration si chargée, relique d’une vieille Royauté opulente. Le Lieutenant fit son exposé, détaillant la pertinence des preuves ainsi que les détails opérationnels de l’intervention. Poféus restait impassible, sans réaction particulière, l’avait-il seulement écouté ?

Malgré son retour récent il avait déjà remarqué à plusieurs reprises les “absences” du Ministre de la Sécurité. Difficile pourtant d’aborder le sujet de front, surtout que lors de leur dernière rencontre, il n’avait pas lui-même brillé d’une assiduité sans reproche. Mais non, la main du Contre-Amiral se tendit vers lui, récupérant le dossier de l’opération du soir, sans un mot, pour le lui rendre signé.

Le Lieutenant Ralato salua et se retira; il venait d’ouvrir la porte secrète quand la voix de son chef porta jusqu’à lui une étonnante remarque pour qui connaissait le gradé : “ Lieutenant, la dernière opération que vous avez monté s’est terminée en fiasco. Quelque soit le résultat de celle-ci, arrangez-vous au moins pour ne pas tomber entre leur mains ! Nous avons besoin de vous ici. “

Il bredouilla une réponse puis se lança dans la descente du corridor souterrain. Oui vraiment ! C’était une très étonnante remarque…

Production: Podshows

Ecriture & Réalisation: Raoolito, Icaryon, Andropovitch, Arthur R., Coupie

Narration: Icaryon

Acteurs:

Luciole (Stuffy)

Raoulito (Ralato)

Pof (Poféus)

Compo: Ian

Montage: Bleknoir

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RedU T1 Ch13 Ep08

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Dans les larges avenues de MaterOne Centrum, une grande limousine noire déambulait à vitesse réduite sous un ciel calme et ensoleillé, semblant laisser à ses passagers le loisir de lécher les vitrines des luxueux magasins, étalant leurs richesses telle une promesse inaccessible au tout-venant.

Le professeur Quartmac jetait un œil distrait par les fenêtres, peu enclin à croiser quelque regard malgré les vitres teintées; il avait beau être invisible aux scans des Mentaux, se retrouver dans la Capitale, maintenant qu’on le fichait parmi les hommes recherchés, c’était se sentir tel un asticot accroché à l’hameçon d’un pêcheur. Mais pourquoi Alpha l’avait-il demandé, et surtout pourquoi ici ? Il ne pouvait même pas parler au chauffeur, une vitre sans teint les séparant. D’ailleurs y avait-il un chauffeur ?

La limousine ralenti puis pénétra dans la cour intérieure d’un hôtel particulier à l’ancienne façade superbement sculptée. Mais jusqu’où les Mutualistes vont-ils installer leurs bases secrètes, on était en plein cœur de la Capitale ? A peine entré dans le petit garage, le sol de la plateforme s’enfonça, emportant la voiture plusieurs étages sous la surface. Dès qu’il se stabilisa, sa portière s’ouvrit sur un garde à la mine patibulaire lui désignant d’un coup de menton une série de diodes incrustées dans le sol : le chemin à suivre. Les couloirs étaient nombreux, les pièces fermées et multiples : encore une base démesurée, la folie des grandeurs n’équivalait que la paranoïa de ces gens là ! Après quelques minutes de marche, un sas se révéla face à lui au détour d’un couloir ; à peine entré dans un lieu particulièrement sombre, il se referma tandis qu’un projecteur braqua sa puissante lumière sur le visage du savant. Par réflexe celui-ci se protégea les yeux ; les Mutualistes avaient de ces manières !!

“Monsieur le Professeur Quartmac, c’est un plaisir de vous revoir sur pied ! Comment vont vos jambes ?” La voix résonnait étrangement, comme si l’on avait voulu empêcher de deviner qui parlait, mais également quelles étaient les dimensions de la pièce. Ecartant quelque peu les doigts, il tenta d’acclimater ses pupilles au faisceau blanc, discernant à quelques mètres une vague silhouette humaine installée dans un fauteuil, elle-même éclairée en arrière d’une lueur violette.

“Bonjour également Alpha, gloire aux Mutualistes ! Déclara-t-il sans grand enthousiasme, mimant un salut de son bras libre. Est-il possible de baisser ce spot, c’est extrêmement désagréable !

-Mais bien sûr Professeur, vous êtes un ami des Mutualistes, il n’y a aucun problème.” et d’un claquement de doigts, le projecteur s’éteignit.

Quartmac abaissa lentement son bras, craignant une autre sécurité quelconque, mais non. Face à lui se trouvait Alpha, le numéro un des Mutualistes, l’architecte de tout ce mouvement et son grand Guide. Personne ne savait qui il était, évidement, mais personne ne l’avait vu de face en pleine lumière et sa voix elle-même était constamment déformée.

“C’est… c’est un plaisir d’avoir reçu votre invitation Monsieur. Et cette base implantée au beau milieu de MaterOne Centrum est une véritable prouesse. Se hasarda-t-il à lancer, espérant débuter une conversation rapide qui expliquerait sa présence ici.


  • En effet, c’est une de nos dernières créations. Voyez-vous, un Mutualiste n’est jamais loin d’un lieu où il peut être en sécurité. Je crois savoir que l’on a ressoudé vos tibias avec une technique toute nouvelle. Qu’en pensez-vous ?”

Un Mutualiste qui entrait sans prévenir dans une base de son groupe risquait autant de se faire tuer que s’il entrait dans une caserne de l’Armée avec une grenade dégoupillée. La notion toute relative de “sécurité” d’Alpha en disait long sur la paranoïa du personnage et de son organisation.

“Oui en effet, une sorte de gel de cellules mutagènes, à ce que les médecins m’ont expliqué. D’ailleurs découvrir un hôpital mutualiste ne fût pas la moindre de mes surprises ! Mais passons, que puis-je pour vous Alpha ?


  • Pour moi ? Mais… M’expliquer ceci !”

Entre les deux hommes se forma une image tridimensionnelle du Lieutenant Ralato, marchant vers un orthoptère. Cette vidéo devait avoir été prise il y a peu de temps, d’ailleurs la végétation autour ressemblait à celle de l’ancienne base des montagnes, abandonnée en urgence après son évasion.

“Ralato… Je pense déjà vous avoir tout expliqué dans un rapport détaillé. Je n’ai rien à y rajouter : Fabio, son frère, a défié les lois communes pour venir le sauver.


  • Et en admettant qu’un tel Mutant existe, pourquoi Poféus s’en serait-il débarrassé ? Et où d’ailleurs ?

  • D’après ce que j’ai compris, il est à bord de l’Exode. Quand à son éloignement, je pense que vous ne saisissez pas QUI est Fabio Ouli. Si même le Contre-Amiral a abandonné l’idée de l’utiliser, c’est qu’il a dû apprendre à ses dépends à s’en méfier.

  • Peut-on le contacter ? Cette personne serait une recrue de choix pour notre Mouvement.

  • S’il était intéressé, nous le saurions ! Non, croyez-moi Alpha, Fabio est simplement trop puissant pour MaterOne ! En fait j’attends l’annonce de la traversée de la Passe de Magellone par l’Exode. Même lui ne pourra plus nous atteindre après cela.

  • Quand il vous menace de représailles si l’on touche encore à son frère, le croyiez-vous ? Je devrais plutôt demander : le craigniez-vous Professeur ?”

Quartmac marqua le coup. Il avait enseigné à Fabio et Ralato une bonne partie de ce qu’ils savaient, ne se ménageant pas malgré son cancer évolutif, tentant de transmettre à ces deux prodiges tout ce qu’il connaissait. Mais le Mental aux iris dorés n’était pas seulement puissant, il excellait dans toutes les disciplines Mentales, créant de facto de nouveaux barèmes, de nouvelles échelles. Le savant soupira, Alpha attendait une réponse :

“Il est un peu comme mon fils. Poféus le connait bien, son frère Ralato également, et tous nous le craignons. Tous.


  • Soit, nous en reparlerons. Qu’en est-il de l’insémination tentée sur le Lieutenant Ralato Ouli ? Avons-nous réussi ?

  • Franchement je l’ignore. Malgré l’intervention de Fabio, une partie du message peut être passé. Certes l’opération demeurerait incomplète, mais l’esprit est un organe étonnant. Il est capable de reformer lui-même les données manquantes.

  • Et peut-on encourager cela ?!”

Alpha semblait soudain particulièrement intéressé.

“Sans doute. On devrait le placer dans des situations où il doit faire appel à une réflexion sur des thèmes que nous avons modifiés en lui.


  • Précisez ?”

Il n’y avait pas à dire, le dirigeant des Mutualistes était captivé ! Depuis le début de cette histoire, il semblait avoir des projets vis à vis de son garçon. Si l’Insémination avait réussi, les bases de la construction psychique du Moi de Ralato auraient été ébranlées. Si sa Famille n’en était plus une, il allait devoir s’en inventer une autre : c’était là que les Mutualistes auraient pu entrer en scène. Mais la mort de Stuffy n’avait pas permis d’atteindre l’objectif et, en fin de compte, l’état actuel de Ralato dépendait totalement de ce que son ancien collègue avait réussi à lui implanter dans l’esprit. C’était une sacrée inconnue : tous les Mentaux présents lors de l’opération étaient morts et, au travers des rares relevés sauvés du désastre, Quartmac avait seulement pu avoir la certitude que “quelque chose” avait perturbé le Moi de Ralato. Quoi, comment ? aucune idée…

Soudain, le logo de l’organisation Mutualiste apparu à la place de son champs visuel ! Où qu’il regarde, il ne voyait que cela !

“Hê ? Arrêtez cela tout de suite !” Des lasers traquaient en ce moment ses rétines pour y imprimer cette image. Sauf à fermer les yeux, il était encore plus aveuglé qu’avec le projecteur du début. Il entendit des pas s’approcher de lui, et deux mains se posèrent sur ses épaules, l’immobilisant. D’une voix faussement calme de colère rentrée, Alpha lui reposa la question :

“Professeur ? Précisez quelles situations devons-nous lui faire vivre pour activer l’Insémination, je vous pris ?


  • Tout ce qui peut toucher à déstabiliser de ce qu’il croit comme acquis !” Le Professeur répondait sans même réfléchir, comme si les mots avaient besoin de sortir de sa bouche ! Mais que lui envoyaient-ils dans les yeux ?! Il clos ses paupières, baissant la tête, reprenant ses esprits. “Ralato est un militaire, aux ordres de Poféus en qui il a… confiance. Enfin… le plus confiance possible. En quoi croit un soldat ? Réfléchissez à cette question et trouvez vous-même la réponse ! Et arrêtez de me bombarder votre truc dans les yeux !”

Alpha recula, s’éloignant ; le savant ouvrit précautionneusement les paupières, mais le logo avait disparu. Il tourna la tête vers le chef des Mutualistes, celui-ci contournait le fauteuil, s’éloignant dans la lueur violette.

Le sas de derrière s’ouvrit, l’entretien était terminé.

Production: Podshows

Ecriture & Réalisation: Raoolito, Icaryon, Andropovitch, Arthur Rainbow

Narration: Arthur Rainbow

Acteurs:

Alpha (Destrokhorne)

Quartmac (DrWolf)

Compo: Ian

Montage: Destrokhorne