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Le parfum lourd et puissant de la myrrhe plongeait le visiteur dans un nouveau monde chaud et plus secret : celui de la “Maison des Jouissances”. Laissant le crachin extérieur, Ralato poussa l’entrée de la bâtisse sous le regard inquisiteur de plusieurs cerbères en cravate, puis descendit un escalier aux marches étroites, tapissées de velours ; les murs étaient parsemés de petites lanternes aux couleurs chaudes, tandis qu’un bas-relief, représentant un dragon stylisé, emplissait tout le plafond. Une fois en bas, on pénétrait dans une longue salle rouge ornée de moulures multicolores; tirant négligemment le col de son smoking, il lorgna sur le balcon intérieur, où se languissaient de somptueuses femmes de toutes origines, aux tenues provocatrices. Le long de la pièce principale s’étirait une épaisse table basse, faite de bois rare, sur laquelle on servait diverses spécialités, tandis que de sublimes filles venaient accompagner les clients de leurs promesses de volupté; flottant dans l’espace par projection holographique, deux femmes nues faisaient l’amour sous les regards lubriques des clients. Les volutes d’encens étaient omniprésentes, entretenues par de multiples petites boîtes en bois laqué où brulaient des cônes de poudre, pénétrant les sens et l’âme des visiteurs tandis qu’une musique de fond, typiquement Souriante, apaisait les coeurs. Nous étions à MaterOne Centrum, dans le quartier des Souriants. Une ville dans la ville.
Cette population des continents de l’Est s’était disséminée sur toute la planète, avec une précision et un pragmatisme à toute épreuve, allant jusqu’à reconstituer dans les principales mégapoles des quartiers entiers à l’image de leur culture. Cela allait bien au-delà des limites usuelles d’intégration des Barbanes ou des Nordistes, peuples pourtant déjà très casaniers. Connus pour être les principaux artisans de l’exploitation des formidables gisements de Lithium des Mines de Talbot, à plusieurs semaines de Transition de MaterOne, ils avaient su utiliser ces fonds pour alimenter leur puissante et très fermée diaspora.
Deux hôtesses artistiquement maquillées prirent délicatement la main de Ralato pour le conduire à une place libre le long de la grande table. A leurs ras de cou en mousseline, pendait une petite fleur de lotus avec un numéro : bien plus facile à retenir qu’un prénom, pour un client masculin, n’est-ce pas ? Une serveuse, moulée dans un fourreau de cuir noir, vint lui servir cérémonieusement un thé dans de la porcelaine blanche avant de s’en retourner, laissant, au passage, le temps d’apprécier l’autre coté de sa tenue, uniquement composée d’un filet ne cachant rien de son anatomie intime. Ralato souffla sur sa tasse, fermant les yeux, puis but doucement le breuvage. Il n’avait pas besoin de sa vue pour ce qui allait suivre : un premier scan Mental passif lui permit de survoler rapidement ce qui se passait dans les chambre donnant sur le balcon ; de ce coté là, les hommes y assouvissaient des fantasmes ne le surprenant plus du tout. Par contre, en dessous, il percevait une activité d’où émanait autant de stress que de joie : une salle de jeu emplissait le second sous-sol. Rien d’étonnant à cela, ce genre d’établissement payait une petite fortune les diverses autorisations officielles pour réunir, en un seul lieu, ce qui correspondait le mieux aux Maisons des Jouissances. Du coté des cuisines, rien de particulièrement intéressant, même si cette fois Ralato poussait à la limite ses facultés ; il devrait lancer un scan actif s’il voulait aller plus loin, ce qui serait dangereux, car repérable. Où donc se terraient les hommes à la tête de cette Triade ? Les Quatre bambous divins, le nom de l’organisation, avaient leur quartier général dans ce bouge de luxe et il fallait les débusquer avant de tenter quoi que ce soit.
“ Laisse tomber cet étage, ils sont plus bas. Allons jouer un peu. ” intervint Stuffy. Le Lieutenant étant du même avis, il emprunta donc un nouvel escalier, accrochant au passage à son bras une des dociles hôtesses, pour mieux entrer dans son rôle de client ordinaire. Toujours cet encens lourd, mais il s’y mélangeait maintenant une effluve acide de cigare et d’alcool fort; la salle de jeu comptait dix tables de cartes ou de roulettes sous de belles lampes lourdes de fioritures décoratives, alors que le reste de la pièce était plongé dans une quasi obscurité. On pouvait entendre les gémissements de plaisir d’une femme depuis un renfoncement obscur, vite étouffés par les grognements d’un joueur venant de tirer la mauvaise carte. Enfin, placés aux quatre coins de la pièce, veillaient des hommes de mains lorgnant les client et leurs hôtesses d’un oeil bovin.
“ L’entrée, le restaurant et les cuisines, au-dessus les chambres, en dessous la salle de jeu… Il y a sûrement autre chose, attends : je fouille de mon coté.” Et avant que Ralato n’ait eu le temps de réagir, il sentit comme un nouvel œil s’ouvrir dans son esprit, scrutant sols et murs. Impressionnant, ainsi Stuffy pouvait avoir accès à des facultés individuelles dans l’esprit même de Ralato ? “ Figures-toi que j’ai d’autres atouts dans mes manches : la nuit, tu es le seul à avoir besoin de dormir ! En-dessous, il y a une autre salle, mais cette fois plus dissimulée. ”
Un problème à la fois, concentrons-nous ! Pas besoin d’être Mental pour se douter de l’activité à l’étage inférieur. L’entrée de l’escalier suivant était cachée derrière une épaisse tenture rouge représentant un dragon en or, gardée par un des molosses en cravate. Celui-ci détailla Ralato, mais ne le trouva pas spécialement dangereux et l’autorisa à passer. Toujours accompagné par son hôtesse, il descendit de nouvelles marches tandis qu’une forte odeur de stupre et de fumée narcotique lui prenait les narines. On appelait cela le “Nuage de miel”: une huile hallucinogène s’absorbant, tiède, par les pores de la peau. Lorsqu’on la faisait chauffer un parfum caractéristique s’en échappait, il suffisait alors de s’en enduire (ou de s’en faire enduire) le corps sur une surface plus ou moins large, suivant l’effet désiré… La pièce était plongée dans l’obscurité, ne cédant à la lumière qu’en quelques points tamisés aux couleurs chaudes. Des filles gantées massaient leur client ou les chevauchaient, ou les deux en même temps, allant parfois jusqu’à partager la même passion dans une fusion totale des corps entièrement huilés. Son accompagnatrice lui serra légèrement le bras, l’attirant contre elle, il n’eut aucune difficulté à ressentir le désir qui affluait dans l’esprit de la jeune femme. Comme la plupart des prostituées de cette maison, elle devait être dépendante, prête à profiter de l’argent et de la drogue d’un client. “ Mais qu’est ce que c’est que cela ? Ralato, au coin de la pièce, les deux gardes prêt de la porte, tu as remarqué ? ” Souriant à l’hôtesse, il focalisa son œil Mental dans la direction que lui indiquait Stuffy. Malgré toute sa concentration, il ne put réprimer un hoquet de surprise : les pensées des deux hommes lui étaient inaccessibles, visiblement ils étaient sous Boramol ! Cà, c’était très grave : cette molécule était considérée comme une arme de niveau militaire, uniquement autorisée pour les forces de sécurité, le fait d’en prendre était un risque énorme pour les Triades ! Par le passé, les groupes ayant eu recours à ce produit s’étaient toujours retrouvés impitoyablement anéantis par la section des Affaires mentales, qui y consacrait alors ses formidables moyens ! La vente ou l’usage de Nuage de miel n’étaient que des babiole, comparés à cela.
“ C’est en dessous que tout se passe, je ressens des types qui comptent, des vieux qui négocient et… Autre chose de bizarre qui m’échappe encore. On va devoir descendre, Ralato, mais il reste à trouver une bonne méthode pour y aller : l’entrée est justement gardée par nos gorilles au Boramol. ”
Production: Podshows
Ecriture & Réalisation: Raoolito, Icaryon, Andropovitch, Arthur R., Coupie, Quentinus15
Narration: Raoolito
Acteurs:
Luciole (Stuffy)
Compo: Ian
Montage: Ian