Chapitre 9 « Pin’up » disponible en livres numériques !
L’Exode aborde la station Piñata el grande, lieu de tous les vices, plus connue comme « le point de plus éloigné de la civilisation dans l’univers connu. »
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Les brumes de sa conscience commençaient à peine de se disperser lorsque le message mental lui parvint. La force de l’impact était proportionnelle à l’inquiétude de l’envoyeur qui n'était pas capable de doser ses liaisons psychiques. C’était un rapport urgent, en priorité absolue.
Ralato ordonna à son contact de revenir une minute plus tard, il n’était pas encore en état de réagir. Lentement, le lieutenant leva la main, la ferma et la rouvrit, ses doigts lui envoyaient des sensations étranges. La voix rassurante de Stuffy monta alors à son tour, un peu embrumée elle aussi, pourtant le Mental dans son esprit ne dormait jamais, en théorie :
Salut. L’heure est déjà passée ?
Oui, QuartMac nous avait prévenus que le processus… durerait une petite heure…
Il n’avait pas prévenu qu’on serait patraque à ce point
En quelque sorte, si… mais avec ses mots.
répondit Ralato en soulevant doucement le casque dont les électrodes étaient fichées sur son cuir chevelu. Il ne put retenir un gémissement sous la migraine qu’il ressentit alors, mais elle s’évanouit rapidement, comme le professeur l’avait également prédit.
La liaison mentale urgente revint, une minute exactement après la première. Ralato inspira et baissa ses barrières. Si l’agent de transmission était un peu affolé, il n’en réussit pas moins à rendre un rapport aussi précis et concis que possible. Une demande d’ordres concluait la liaison mentale. Ce fut Stuffy qui releva leurs barrières psychiques, dès que l’autre fut mis en attente.
C’est une énorme attaque mutualiste ! Les salauds ont agi sur deux fronts en même temps. Très fort !
Poféus serait mort ? Je… je n’arrive pas à le croire.
Va savoir avec lui, c’est un type qui est revenu de tout depuis toujours. Les équipes sur place nous tiendront au courant. Mais c’est vrai que là ils ont mis le paquet, il y a peu d’espoir.
Le lieutenant tenta de se relever. Ses jambes ne lui procurèrent qu'un équilibre incertain, l’obligeant à patienter. Déjà, les agents qui le gardaient durant la séance venaient le soutenir, il leur fit signe d’attendre encore quelques secondes. Cette sensation de ne pas être maitre de son corps rappelait d’autres souvenirs, plutôt mauvais, à Ralato.
C’est comme la cuve de désensibilisation mutualiste dans leur base des Amalaches.
Oui, il y avait un peu de cela, les drogues en plus. Le tournis est en train de passer et on va devoir se décider, Ralato. Qu’est ce qu’on fait de QuartMac ?
Hé bien, en théorie, il devrait avoir commencé son transfert corporel. Allons voir.
Prenant son inspiration et s’accrochant à un de ses gardes, il parcourut les quelques mètres qui le séparaient d’un autre groupe de Mentaux, installés à proximité d’une cuve un peu spéciale. On l’avait posée à part, reliée à un appareillage comparable à celui que Ralato venait de laisser. Le professeur QuartMac semblait dormir, fixé par des sangles et le casque aux électrodes bien engoncé sur la tête. Dans la cuve verticale à côté de lui flottait un autre professeur QuartMac, une des chimères, qualifiées de « plus à maturité ».
« Il est parti pour barboter encore un moment. Je dirais qu’on n’a pas besoin de rester à côté, les gardes surveilleront si tout se déroule bien. »
analysa Stuffy, totalement réveillé. Ce n’était toujours pas le cas du lieutenant, même s’il pouvait maintenant marcher seul.
« D’après le rapport, Heir se trouvait parmi les membres du Conseil, je me demande… »
Un nouveau rapport arriva dans la foulée. Une revendication était tombée sur plusieurs rédactions de chaines télévisées et de journaux : les Mutualistes annonçaient une prise d’otage au Conseil de la révolution. Ils donnaient la liste des ministres retenus, dont le Président et Heir, et réclamaient la libération de leurs prisonniers ainsi que la tenue d’élections libres sous trois mois.
Stuffy et Ralato n’en revinrent pas, ce dernier se doutait de quelque chose d'anormal.
Cela ne rime à rien ! On ne détient qu’une centaine de Mutualistes et seule une petite dizaine sont des membres actifs. Pas vraiment de quoi mériter une revendication de cette importance.
Je suis d’accord. Ils se moquent bien des sympathisants, et je parie que ceux qu'on a emprisonné ne font pas partie du noyau des « immortels ».
Si notre théorie est exacte…
tempéra Ralato. Cette hypothèse séduisante exigeait des preuves pour être validée. Stuffy insista :
« Elle l’est ! Ça colle bien avec l’efficacité de ces types. Enfin Ralato ! On sait combien il est impossible, à quelque organisation que ce soit, d’échapper aux Forces mentales aussi longtemps. En plus, cela explique les suicides et les sacrifices si faciles de leur côté. »
On ne pouvait que souscrire à cette dernière remarque. Mieux valait, à fortiori, partir de cette hypothèse et traiter leurs adversaires en conséquence.
Quant à la tenue d’élections libres, elles étaient prévues, en théorie, une fois le Chancelier suprême choisi. Ce qui rendait également l’autre revendication caduque. Clairement, cette prise d’otage cachait quelque chose.
« Bien, je pense que ça va mieux. Allons-y ! »
déclara soudain le lieutenant, aux gardes autour de lui. Il poursuivit ses ordres par liaison psychique :
« Je veux une dizaine d’hommes en permanence dans cette pièce, ne laissez QuartMac seul sous aucun prétexte. Verrouillez la ville, les Forces mentales sont installées à Palaos Verde jusqu’à nouvel ordre ! »
Montant les barreaux de l’échelle, il continua de faire le point avec Stuffy, un détail le chiffonnait.
Poféus… cet attentat contre lui est incroyable. Comment pouvaient-ils être surs qu’il se trouverait là ?
Sa nouvelle copine : d’une manière ou d’une autre, elle était la seule personne, extérieure au service, à le savoir.
proposa l’autre. C’était une possibilité. Le contramiral conservait jalousement secrètes les informations la concernant et, si la protection de la jeune femme n’était pas du ressort de Ralato, il pouvait s’enquérir de quelques retours. La sécurité autour d’elle était montée d’un niveau depuis une semaine, équivalant maintenant à une personnalité de haut rang. Elle pouvait effectivement être un point de fixation du ministre, permettant de planifier une attaque. Stuffy compléta le tableau :
Si c’est une Mutualiste, elle peut aussi se sacrifier et renaitre ailleurs.
Beaucoup de « si », là-dedans. Nous connaissons le contramiral. Je ne l’imagine pas se faire avoir par quelqu’un qui dissimulerait des opinions haineuses à son égard. D’ailleurs, personnellement, si j’avais à envoyer un hameçon à Poféus, ce ne serait certainement pas une femme que je choisirais.
Bien vu, en effet.
Le souffle des pales de l’orthoptère ondulait la tenue du lieutenant et ses cheveux courts vibraient à l’approche de l’engin. Une dizaine d’agents armés l’accompagnaient et tous montèrent dans l’appareil. Ralato mettait son casque lorsque le dernier Mental coulissa la porte derrière eux.
Heir, aussi, laissait d’autres questions en suspens…
Tu vois mon Ralato, avec tout ce qu’on sait du bonhomme, ses pouvoirs mentaux et ses contacts avec les Souriants, j’ai du mal à croire à une coïncidence. Si les Mutualistes débarquaient dans un endroit où il se trouvait, même saturés de Boramol, il aurait la capacité de les rendre inoffensifs.
Cela me rappelle Paul, notre agent sur Talbot, à la solde des Souriants. Tu lui avais implanté une amorce psychique, mais quand on la lui avait fait exploser…
Il avait hurlé à la gloire de la Mutualité, oui. Cela venait de très profond chez lui, comme le premier cri d’un bébé, sans réfléchir.
L’orthoptère s’éleva doucement, prenant son envol, et le pilote demanda à Ralato la destination. Celui-ci lui répondit tout en lançant ses ordres :
« Direction le Palais de la révolution. Mettez-moi en liaison avec les principaux responsables d’opération des forces mentales sur MaterOne Centrum. Annoncez aux états-majors militaire et policier que je prends le commandement effectif du ministère de la Sécurité à partir de maintenant.
Qu’on mobilise tous les renforts disponibles à proximité et placez la capitale et sa région sous Loi martiale. Personne ne sort, personne n'entre, activez les bases de l’armée aux alentours pour ce faire.
Transmettez également : le reste de la planète passe sous État d’urgence et que les mesures adéquates soient prises partout avec préséance permanente pour les Forces mentales.
… Une dernière chose : je veux un rapport, chaque heure, des équipes de secours à la résidence du contramiral. »
Stuffy, à l’intérieur de lui, remarqua simplement :
« Cette fois, ça y est, les Mutualistes déclarent la guerre totale. Et il n’y a que nous deux en face. J’espère que ça sera suffisant. »
Ralato ne répondit pas, le regard perdu dans l’horizon tandis que ses ordres étaient transmis sur tout MaterOne.
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