Red Universe Tome 1 Chapitre 23 Episode 5 "2eme phase"

« Yesmaïl » ? C’est quoi ? me demanda Phil dans son registre d’incrédule permanent.
Il s’agit de quelque chose comme une fête en l’honneur des nouveaux arrivants, si j’ai bien saisi.
Pas besoin de fête, lança-t-il sèchement, on repart dès que possible et on les emmerde.
Cela risque d’être difficile, mon chéri. D’après Carrillo, nos compresseurs dimensionnels refusent simplement de s’activer et le Lithium de nos réservoirs semble… comment dit-il déjà ? Figé ?
Phil ne répondit pas, il se contenta de hocher la tête, comme toujours lorsqu’il n’aimait pas reconnaitre que quelque chose le dépassait.
Je m’appelle Adénor Kerichi, je suis une exodée, une déracinée. J’ai grandi dans l’armée royale et j’étais devenue une de leurs meilleures tireuses d’élite. Un jour, ils ont pris mon père en otage pour que je neutralise une personne que je respectais, c’était le père de la commandante Benkana. J’ai… beaucoup d’assassinats sur la conscience et je devrai vivre avec ça pour le reste de mes jours. Quand Phil m’a trouvée (en fait, il m’avait sauvée auparavant, sans le savoir, à la Forteresse Castiks), nous nous sommes plu immédiatement. Et bien que j’étais « de l’autre côté », il m’a acceptée comme telle, avec mes défauts. Je l’aime et je mettrai toutes mes forces pour l’accompagner, le soutenir et le protéger. Il représente ma rédemption et l’Exode notre avenir.
Nous suivions, avec tout un groupe de nos supporteurs, un avatar de l’Empereur-Dieu venu nous chercher. En fait, nous arrivions les derniers pour la fameuse invitation du « Yesmaïl », une célébration impossible à définir. Pour une raison de notoriété et probablement de politique, les exodés devaient se regrouper dans plusieurs stades souterrains, dispersés un peu partout sur la planète. Carrillo et Arlington avaient exigé que des gardes armés accompagnent systématiquement chaque groupe et qu’un système de communication radio fonctionne jusqu’à leur retour. Cela avait fait sourire l’avatar face à eux, mais l’accord avait été donné.
Nous avons pénétré dans une pièce visiblement conçue pour l’attente, dont la seule sortie était une large et lourde porte décorée d’épaisses moulures et dorures. Arlington et toutes les personnalités importantes de Transporteur 7, ainsi que quelques gardes et deux avatars de l’Empereur-Dieu, nous attendaient. Le colonel n’aimait pas les retardataires :
Ha, il ne manquait que vous. Nous sommes au complet, maintenant. Empereur-Dieu, est-il prévu de commencer un jour ?
Oui, Commandant. Un peu de patience, certains préparatifs terminent de se mettre en place. Ce n’est plus que l’affaire de quelques minutes.
Je jetai un œil sur les gardes de Ragnvald postés aux quatre coins de la pièce. Ils ne semblaient pas spécialement anxieux ni même lourdement armés, en tout cas clairement moins que nos propres soldats.
Étrange ambiance.
Mon Phil trépignait, mais simulait correctement un calme attentif. Ce matin, nous avions croisé Catherine, sa groupie personnelle, elle venait d’intégrer la religion des Octotes et psalmodiait avec les adeptes sur notre passage. Phil, comme à son habitude, lui offrit son plus beau sourire et cela la ravit. Les mecs sont tous des imbéciles, ils ne savent pas mettre fin clairement à une relation, même ténue, avec une femme. Ils passent leur temps à la relancer en croyant y mettre un terme. Je ne pensais absolument pas que mon homme puisse se laisser aller à profiter de la situation. Ce n’est pas dans son genre et nous sommes suivis et épiés en permanence entre Fabio, les miliciens d’Arlington, les journalistes et nos adeptes Octotes (ou d'autres encore : la liste s’allonge tous les jours).
Peu de place pour l’intimité, même entre nous deux.
Le vieil avatar prit la parole, sa voix résonnait en imposant le silence parmi les convives.
 Nous allons bientôt sortir. Il ne s’agira que de quelques mètres à faire puis nous trouverons nos emplacements. Attention, le Yesmaïl requiert la position debout, du moins au début. C’est un signe de révérence envers les nouveaux arrivants, faites tous de même.
« … au moins au début » ? reprit Arlington vivement.
Oui, vous comprendrez le moment venu. Ne vous inquiétez pas des projections géantes, le Yesmaïl se déroule simultanément sur tous les mondes de l’empire. C’est une communion importante pour notre société.
Je regardais Fabio, ce Mental avait d’habitude toujours une longueur d’avance. Je le trouvais serein, mais un peu fatigué. Il n’avait pas été très clair sur le contenu de sa discussion en tête à tête avec l’Empereur-Dieu « Godheim ». Nous cachait-il quelque chose ?
Lorsque la porte s'ouvrit, la vague de chaleur nous enveloppa. On avait sans doute ajouté plusieurs degrés, au point que je dégrafai mon chandail malgré les regards gourmands sur ma poitrine, principalement des gardes de Ragnvald.
À la suite des empereurs-dieux, nous avancions sur un balcon assez large, séparé par quelques marches des gradins. N’importe qui pouvait aller et venir n’importe quand, la sécurité n’était donc pas assurée sinon par nos gardes. Quant au stade, il devait s'étendre sur plusieurs centaines de mètres de diamètre et plusieurs dizaines de hauteur, encadré par de larges écrans holographiques. J’estimai la foule à vingt-mille spectateurs, au moins. Au centre s’élevait un décor composé de formes géométriques simples, de tremplins et autres accessoires sportifs. Étrangement, l’agencement évoquait une sorte de poitrine féminine stylisée.

Phil s’approcha de moi, passant son bras autour de mes hanches. Je me lovai contre lui et croisai son regard. Il était empli de désir. Malgré les circonstances, j’éprouvais étrangement des sentiments semblables. Pourtant, d’habitude, nous savions tous deux faire la part des choses entre nos envies et les situations. Je n’ai pas de souvenir d’un manque ou d’une incompréhension entre nous à ce sujet. Pourquoi alors, aujourd’hui quelque chose semblait-il si… exagéré ?
Beaucoup de femmes et d’hommes du public allaient jusqu’à s’embrasser sans retenue… et cela donnait des idées à leurs voisins qui résistaient difficilement à l’envie de les rejoindre.
Les grands écrans faisaient la part belle à des scènes semblables se déroulant dans d’autres lieux de l’empire. Si l’on s'en tenait aux dires de l’Empereur-Dieu au sujet des dix-mille mondes, il y avait une quantité incalculable de scènes à retransmettre.
La chaleur venait-elle de monter encore d’un cran ou était-ce moi ? Soudain, l’intérêt du public se focalisa sur le centre de la piste.
« Je rêve ? C’est pas vrai ? » réagit Phil, sous la surprise.
Au sommet d’une des boites les plus hautes, était apparu… Monsieur Loyal. Aucune erreur possible, c’était bien le même costume noir et blanc en queue-de-pie, le même bonnet ridicule et…
« OOOOooooooooYYYYOOOOOOOOOOOOO ! »
… la même voix stridente et incompréhensible qui retentissait dans les hautparleurs ! Et la musique, celle du cirque du Positron, monta doucement, envoutante, traversant les esprits et les corps. L’illusion était parfaite… car il s’agissait bel et bien d’une mascarade :
Ce n’est pas « notre » Loyal, Phil. Celui-là est un humain normal jouant un rôle. Nous sommes bien dans notre dimension et on peut voir le ventre de celui-là rebondir quand il bouge.
Tu as raison, confirma-t-il. Regarde comme il sautille plus lourdement que celui de là-bas. L’autre pouvait faire dix mètres d’un pas. Mais la coïncidence est frappante.
OOOOOOOuuuuuuuuuuiiiiiiiIIIIIIIIIII !
Des danseuses et des jongleurs envahirent la piste, chacun s’exerçant sur un instrument, un emplacement ou multipliant simplement les poses suggestives. Certains étaient habillés d’un juste au corps arlequin, d’autres d’un collant noir et blanc ne cachant aucun muscle, aucune courbe.
Le désir monta encore en moi, comme s’il irradiait du fond de mon ventre pour saturer mon âme. Phil m’embrassa le cou, ce qui ne m’aida pas à conserver mon calme. Je lui serrai plus fortement la main, cherchant à comprendre ce qu’il se passait. Je surpris Fabio à porter sa paume en visière, comme s’il tentait d’échapper à une lumière trop forte. Pourtant nous étions éclairés par des sources indirectes qui emplissaient l’immense lieu d’une coloration rougeâtre. Aucune clarté n’aveuglait les spectateurs.
Dans le public, je vis des mains baladeuses de toutes provenances caresser d’autres corps, même parfois le leur. Deux rangées devant nous, une femme se pencha face à son voisin dans une attitude ne laissant pas de doute sur ses intentions, tandis que celui-ci embrassait… un homme à sa droite. Quant aux écrans, ils affichaient tantôt des spectacles de mimes ou d’autres acrobates, tantôt des flirts poussés entre plusieurs partenaires.
Cette chaleur, cette tension qui montait et cette diffusion d’images… quelles surprises nous réservait encore ce Yesmaïl ?

La musique se tut et les artistes sur la piste s’arrêtèrent, les spectateurs stoppèrent leurs émois et des projecteurs pointèrent le sommet de la voute occupée par une sorte de trappe.
« Vous allez devoir tous mettre un genou à terre en signe de révérence, maintenant » demanda gentiment le petit avatar. La moitié des écrans présentèrent la voute, tandis que l’autre moitié se fixa... sur nous. Arlington comprit immédiatement le risque et donna ses ordres :
« Les enfants, on fait tout ce qu’on nous demande. Je ne veux pas un pet de travers, est-ce clair ? Goud, genou à terre ! »
Phil s’exécuta, même si je ne pouvais certifier qu’il n’était pas attiré en premier lieu par mon décolleté.
Un silence concentré s’abattit sur le stade, comme si tous les désirs s’étaient soudain éloignés, phagocytés par une ferveur religieuse. Mais je sentais parfaitement que l’irrésistible pression au creux de mes reins ne s’arrêtait pas et la réprimer ne faisait que l'accentuer. J’entendais le souffle rauque d’un garde, sur ma droite, qui lorgnait une petite minette à côté de lui. Cette situation risquait de très vite dégénérer…
Une clameur parcourut le public alors que les pans de la trappe s'ouvraient soudain. J’assistai, comme tout le stade, et sans doute les dix-mille mondes, à la descente de l’Empereur-Dieu en personne. Sa longue et brillante forme, glissant par l’ouverture, emplit tous les écrans comme si elle voulait d’abord pénétrer nos yeux. On devinait la petite tête moulée dans le gland. Cette forme suggestive, à la limite de l’obscène, prenait bien évidemment tout son sens quand on voyait l’ambiance électrique dans laquelle se trouvait le public. C’était une scène absolument délirante et la présence de monsieur Loyal, même fictive, n’était plus si farfelue au milieu de tout cela.
L’Empereur-Dieu se courba lentement sur lui-même comme pour bien voir les gradins, ou bien être vu par tous, puis dans notre direction. Fabio échappa un cri qui fut immédiatement couvert par un hurlement de Loyal :
« YYYYESSSMAAAAÏLL ! »
Et la musique explosa dans nos oreilles en même temps qu'un feu d’artifice recouvrit la voute. Une chanteuse apparut de l’intérieur du second « sein » de la piste. Son corps était vêtu pour le moins sobrement, mais son couvre-chef trônait au-dessus d’elle, immense et délirant. C’était un mélange complexe de plumes colorées géantes, de longs serpents lumineux flottant et surtout de lasers voyageant aux quatre coins du stade. Elle chantait divinement et suavement dans une langue inconnue (une sorte de Souriant, mais avec des intonations jamais entendues). Le rythme primitif entrait en réaction avec mon (notre ?) désir réprimé, le rendant incontrôlable. Comme clou du spectacle, une colonne de choristes nus, aux torses recouverts de simples lanières de cuir noir, apparut à la périphérie de la piste. Ils progressaient le long des premiers rangs du public, enchainant chorégraphies et performances vocales.
Les feux d’artifice et les confettis pleuvaient de partout, animant la totalité de l’immense voute. Au milieu de cette féérie de lumières et de couleurs, l’Empereur-Dieu nous observait tous, extatique.
Je ne peux dire à quel moment l’ambiance, la musique et surtout la chaleur étouffante finirent par avoir raison de ma retenue. Peut-être était-ce simplement Phil qui se jeta sur moi d’une manière animale, comme presque tant de couples dans le public. Il me griffa en abaissant violemment mon pantalon et plongea sa tête entre mes cuisses, me prodiguant une de nos entrées en matière préférées. J’ondulais instinctivement mes hanches contre son visage, strictement incapable de résister à cette envie… Que ce soit sur les écrans ou autour de nous, l’orgie géante avait commencé.
Les corps emmêlés se serraient, se bousculaient ou se lovaient les uns contre les autres au rythme de cette musique tribale paralysant les volontés. On voyait des vêtements arrachés qui volaient ou trainaient, tandis que les hurlements de jouissance parcouraient les gradins. On trouvait là des exodés, là des habitants de Ragnvald, des couples de tous genres et de tous nombres, dans des positions et des schémas sans limites. Seuls les artistes sur la scène poursuivaient leur spectacle, imperturbables et appliqués. Je m’interrogeais sur ce qu’il était advenu de Fabio, mais ne put découvrir qu’Arlington à la découverte des attributs de plusieurs Tropicaliennes et d’une Souriante.
Lorsque Phil me pénétra, je perdis la notion du temps et de l’espace. Plus rien d’autre ne compta pour nous que de rassasier notre besoin de jouissance, aussi puissant et absolu fût-il.
Au milieu des brumes du plaisir, une voix lointaine nous parvint :
« LE PARTAGE AVANT LA DISPERSION. LIBÉREZ-VOUS DE VOS CONTRAINTES MES ENFANTS, OFFREZ-VOUS AU YESMAÏL ! »
Phil et moi hurlâmes notre orgasme commun sans nous arrêter, partant déjà à la recherche du suivant.


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Les génériques de début et de fin de ce chapitre ont été exceptionnellement créés à partir de "Grasslands" de "Ramzoid"
https://soundcloud.com/ramzoid/grasslands-1

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