Red Universe Tome 1 Chapitre 25 Episode 4 " Infini (2) "

Aucun sens à leur vie ? Le jeune Mental perdait ses derniers repères, les dernières raisons lui permettant de pousser plus loin dans l’existence. Si les fardeaux qu’il portait depuis son enfance ne présentaient pas de but, pourquoi les souffrait-il ? Quelle logique l’obligeait encore à se scarifier jour après jour, géant parmi les nains, seul parmi... tous les autres ?
Ah non ! grogna le chat. Ne me refais pas le coup du gars suicidaire, hein ? Je ne vais pas te sauver de tes lubies tous les quatre matins ! Si tu veux une raison de vivre, fait comme Anton : cherche comment contrer les Titans.
Me sauver tous les quatre matins… le volcan Juho, c’était toi ? comprit soudain Fabio. C’était donc ainsi qu’il avait pu survivre à l’engloutissement de la base militaire secrète, lors de la révolution Castiks. Attends une seconde ? Je me souviens avoir plongé dans l’esprit de Phil à l’époque pour le tuer et m’être retrouvé face à un chat roux géant !
... à moi, oui. Le Passeur a besoin de son hôte... bon okay, j’ai besoin de mon hôte parce qu’être matérialisé me donne des... besoins matériels. Avec les peines amoureuses de monsieur le Passeur, je ne me suis pas ennuyé ce jour-là. C’est tout, le sujet est clôt.
Sujet clôt, sujet clôt... Phil aussi a vécu des choses qui ne lui seraient pas arrivées si tu n’avais pas jeté ton dévolu sur lui. Les Titans l’avaient tout de suite repéré, ils me l’avaient même montré lors d’une vision.
Le chat se redressa, prit son élan et sauta du secrétaire pour venir se blottir dans le canapé plus moelleux. D’un regard, il invita Fabio à le rejoindre et, d’un autre, il augmenta la température de la pièce de quelques degrés ; le Mental blond entendit le son du thermomètre se modifiant à quelques mètres de là. La boule de poil roux poursuivit alors qu’il s’installait à son tour à ses côtés :
« L’hôte est mon paratonnerre. C’est par lui que je transmets les fils de mon pouvoir. Je l’utilise comme relai, si tu veux. Ça ne lui procure rien de mauvais, il en retire généralement une existence... plus mouvementée ! Dans son cas en particulier, il a surtout l’avantage d’être encore vivant. Je l’ai sauvé tant de fois... il n’aurait pas survécu à la révolution sans bibi ni à Benkana et ses amis nordistes, ni aux pirates sur Maman-Lolo ou à la fureur imbécile d’Anton et de son orgueil démesuré.
Il me doit la vie et il l’ignorera toujours : je t’interdis de lui parler de moi, hein ? Phil Goud est un chevalier blanc, le genre de personnage avec une haute opinion de la justice, sans compromis, sans débat. Comment veux-tu que cet esprit puisse accepter l’idée que ses idéaux ne sont viables que parce qu’il est — lui-même — privilégié entre tous ? Ça le briserait menu, le pauvre... »
Soit, Fabio ne dévoilerait pas le pot aux roses même si cela lui en coutait, car le Conseil des commandants risquait de ne pas trop aimer rester dans l’ignorance. Ce matin-là, un officier, commissionné par Sterling-Price, s’était présenté à sa porte pour venir aux nouvelles. On maintenait la pression et il faudrait inventer une excuse. Une idée traversa l’esprit du jeune homme blond : pourquoi ne pas utiliser sa nouvelle élève mentale Maeve Onawane, pour influer en retour sur le conseil ? Elle avait les moyens de toucher ses pairs grâce aux liens qu’elle entretenait avec son frère Junta, sa maitresse Benkana, son mentor Sterling-Price et pouvait faire vibrer les ficelles de son pouvoir psychique sur Décembre et Arlington. Il fallait seulement la convaincre en premier et pas question d’appliquer sur elle les manipulations habituelles, comme pour Phil ou Adénor. Le résultat à long terme serait désastreux.
Fabio s’enfonça dans l’épais fauteuil. La lieutenante-colonelle Onawane, toute rétive à leur première rencontre, se révélait d’un appétit de connaissance sans limites et elle apprenait vite. Très vite. Comme première expérience de professorat, Fabio aurait pu tomber sur bien pire... à bien y réfléchir, dans cette existence sans aucun sens ni but, il y avait là un intérêt à creuser. Quelques Mentaux sauvages parcouraient la flotte, peu, mais suffisamment pour monter une petite équipe et, surtout, transmettre sa dextérité unique à d’autres âmes. Si les Mentaux de demain découvraient l’origine de leurs pouvoirs, ils seraient moins enclins à les utiliser ! Le Faiseur l’interrompit dans sa rêverie.
La source des Mentaux est ailleurs. Les Titans n’ont jamais fait dans le mécénat et leur offrir de nouveaux hérauts ne ferait que les conforter dans leur influence grandissante, sur ce monde. Je te conseille d’oublier cette idée. Forme-la si tu veux, mais seulement elle. Ne recrée pas les Forces mentales, s’il te plait. Elles sont le terrain de jeu favori de nos ennemis et leur fer de lance.
« Hérauts », « terrain de jeu », « fer de lance » ? reprit Fabio. En fait, ces termes soulevaient une autre question fondamentale : pourquoi les Titans aidaient-ils les Mentaux ?
Ils ne les aident pas, âne bâté, ils les fabriquent. Mais restons-en là, veux-tu ? Phil rentre déjà, je ne souhaite pas qu’il nous voie en train de papoter et, comme tu l’as dit, ils ne seraient que moyennement heureux de te croiser ici.
Ils les fabriquent ? Certaines affirmations du Faiseur demeuraient obscures. D’un rapide sondage, il confirma les assertions de son voisin ; l’heure de laisser le Faiseur à ses brossages et sa pâtée était en effet venue. Une ultime question brulait les lèvres de Fabio, autant conclure avec elle.
« Non ! contra l’autre sans même lui daigner le droit de la poser. Nous aurons l’occasion d’en reparler plus tard. D’ici là, dépêtre-toi avec ceux de l’Exode. Allez, zou ! »
Fabio soupira, cherchant dans le petit hublot au pot de fleurs un quelconque soutien moral, puis se leva. À la suite de cette conversation, des points de lumière éclairaient maintenant pas mal d’évènements passés et il devait se donner le temps de les assimiler. Un dernier regard au chat roux, somnolent en boule entre deux coussins... devait-il lui offrir une caresse avant de partir ?
« N’y pense même pas ! »
La phrase fusa au travers de son esprit. C’était suffisamment clair. Il n’eut d’ailleurs pas à intervenir sur la serrure qui se bloqua toute seule après son passage preuve, s’il en fallait, que le Faiseur agissait tout aussi facilement que lui sur son environnement. Fabio supposait la discussion close quand, plusieurs croisements de corridors plus loin, alors qu’il attendait la navette tubulaire pour retourner dans ses petits quartiers, la voix monta de nouveau en lui :
Il ne m’est pas souvent donné de me dévoiler. Comprends que cela n’est pas si simple, même pour moi. Quant à ta question sur la fin de tout cela, ton frère se l’est posée tout à l’heure, de son côté. Vous vous ressemblez plus que vous ne l’imaginez tous les deux.
Ralato ? Comment va-t-il ?
La navette approcha du quai, ralentit et les portes s’ouvrirent. Dans l’attente de la réponse, Fabio en oubliait presque d’entrer dans la voiture quand une sorte de pression invisible l’entraina à l’intérieur. Puis la voix reprit, concluant cette fois définitivement la conversation.
« La vérité est que son vrai rôle dans tout ceci va bientôt apparaitre sous les lumières, peut-être pour notre malheur à tous. Il est des possibilités d’avenir que je ne puis connaitre avec certitude, navré encore de n’être plus clair, jeune Passeur.
Comme tu le vois, si Dieu est infini… alors, je ne suis pas Dieu. »
Fabio s’accrocha pour ne pas défaillir.


Soutenez Reduniverse - Prod: podshows, Réa: Raoulito, Relecture: Coupie, JMJ, VlM, Xelion, Acteurs : Coupie: narration, My-ëve: fabio/faiseur, Derush: Zizooo, Montage: Ceco, Musiques: VG, Ian, Cleptoporte

Vous aimez Red Universe ou alors vous avez des critiques ou des remarques ? Laissez vos commentaires ici : http://reduniverse.fr/la-saga/episodes/
Participer aux recrutements sur http://reduniverse.fr/la-saga/the-red-universes-team/recrutement/

Merci à vous !