Red Universe Tome 1 Chapitre 26 Épisode 14 : " Sauvetage (2) "

« Bon sang, c’est ma chance ! Voyons si l’un de nos bonshommes de la salle des opérations peut m’ouvrir ces satanées portes. »
Stuffy éprouvait plus de mal à se déplacer dans les souvenirs des Nalcoēhuals, et même parmi les informations récentes stockées dans leurs cerveaux. C’était une chose de se connecter sur les centres optiques, c’en était une autre de comprendre des pensées structurellement différentes. Au moins, restaient-ils les émotions, plus universelles. Il fouilla donc l’esprit de chacun des soldats, cherchant ce qui pouvait représenter de l’agacement ou du danger (ce que lui-même devait leur inspirer), voire une sensation de passage vers l’intérieur ou l’extérieur (présentement le sas), quelque chose d’essentiel au navire.
Alors qu’une nouvelle série de salves quittaient le bâtiment nalcoēhual en direction des vaisseaux de la Flotte mentale, un flash illumina brièvement l’obscure clarté stellaire. Pas de doute, entre les images qui apparaissaient et les rayonnements de joie des opérateurs, Stuffy comprit qu’un des appareils mentaux était en flammes, gravement touché. Il décrochait de sa position lorsqu’une seconde déflagration fit voler en éclat sa proue, déclenchant une réaction en chaine. En quelques secondes, le fier croiseur de l’armada personnelle du chancelier Poféus se transforma en un amas de débris brulés et déchiquetés... ponctués de quelques morceaux de cadavres calcinés. Stuffy serra les dents : même si ces gars l’avaient jeté dehors, il ne pouvait ignorer sa filiation le liant aux humains... à fortiori aux Mentaux.
Mais d’où contrôlait-on la porte du hangar ?
Il poussa l’intensité de son balayage mental à la limite des capacités de l’amplificateur. Tel opérateur semblait faire partie des systèmes balistiques, tel autre suivait des jauges ressemblant beaucoup à des quantités de munitions et d’énergie. L’officier commandant, serein, déroulait des schémas dans sa tête pour sélectionner tel ou tel mode d’attaque, le doigt appuyant toutes les cinq minutes environ sur un petit bouton de son fauteuil.
« Une sécurité, mais dans quel but ? Il doit l’actionner avec régularité... je ressens que c’est très important. »
Malheureusement, ce faisant, il déclencha les systèmes de protection du vaisseau, suivis par le capitaine et également deux de ses soldats. La réaction fut d’autant plus violente que les cibles avaient l’impression d’avoir été agressées dans leur dos. Une fois encore, les boucliers de Stuffy soutinrent l’attaque, mais cela lui en couta : son amplificateur crépita lorsque ses fusibles se mirent hors circuit, preuve de l’intensité du combat. Au même instant, il sentit les deux marins de l’entrée du sas se ruer à l’assaut, pas forcément rassuré, mais avec des ordres visiblement très clairs. L’équipage coordonnait à nouveau une offensive psychique et physique contre lui.
« Et merde, ils remettent ça ! » grogna-t-il.
Il ne partageait plus l’esprit de Ralato, désormais il lui était impossible de se battre sur deux fronts en même temps ! D’un puissant balayage, il stoppa net l’avancée des deux soldats, mais ne put le maintenir : le capitaine venait d’ordonner à plusieurs sections de se joindre à l’influx agressif qui pilonnait Stuffy. Des mécaniciens et même le personnel de l’infirmerie se joignirent à l’attaque, leur flux catalysé par les amplificateurs qui parsemaient les coursives du vaisseau. Sous l’assaut, Stuffy n’eut d’autre choix que de libérer les deux marins. Ils reprirent leur progression quelques secondes plus tard : dans toute chasse arrivait le moment où l’on sentait la résistance de la proie faiblir et cela attisait la hargne de la meute. Ils luttèrent contre l’impulsion que l’agent mental leur envoya, tandis que deux nouveaux soldats, appartenant à l’artillerie, se précipitèrent pour l’hallali.
Bloquant autant que possible les attaques, Stuffy compulsa l’ordinateur de bord : que pouvait-il trouver là-dedans pour repousser des assaillants déjà pratiquement sur lui ? Il ne restait guère que la dernière balise et encore ne serait-elle tirée que dessous la capsule, contre...
« Bordel ! Mais je suis rouillé moi ou quoi ? »
Dans une ultime concentration, il envoya une puissante vague psychique qui remonta les multiples signaux, touchant ou gênant plusieurs de ses agresseurs. Cela ne lui libérait qu’une fenêtre de quelques secondes, sous réserve que les deux autres qui approchaient n’ouvrent pas immédiatement le feu.
« Ordinateur, séquence balise, maintenant ! »
L’écran afficha alors face à ses yeux la question suivante : « Le tir d’une balise est déconseillé si la capsule est posée sur le sol. Il pourrait en résulter une déchirure de la coque ainsi qu’une décompression. Voulez-vous vraiment procéder ? oui — non »
Il allait valider lorsqu’un doute s’installa : la structure déjà affaiblie de son petit astronef résisterait-elle à une explosion supplémentaire ? Une soudaine attaque psychique vrilla ses défenses qui tremblèrent, alors que les parois du vaisseau subissaient à nouveau une salve de l’extérieur. Il n’avait plus le choix : c’était la mort dans l’espace ou la mort clinique dans ce sarcophage !
Il accéda à la demande de l’ordinateur et confirma.

*

Le capitaine Viggi lançait les ordres de contrattaque à la volée, surchargeant les esprits de ses sous-officiers, mais l’ennemi était redoutable et seule une coordination sans faille pouvait permettre de le contrer. Il était installé dans son large fauteuil central, le crâne encerclé par le Rayonneur, une ingéniosité du professeur QuartMac, aidant à la synchronisation la plus précise possible de tous les commandants. Il voyait ce que tous voyaient et inversement, ils partageaient idées et stratégies ensemble, mélangeant les options à la vitesse des pensées de chacun. La destruction d’un des insurgés, déjà peu nombreux, représentait un coup suffisamment dur pour que Viggi propose aux autres officiers supérieurs de passer à ce niveau exceptionnel de combat.
En ce moment, ils occupaient l’appareil ennemi en évitant autant que possible de nouvelles pertes. Pendant ce temps, un vaisseau de l’arrière-garde se préparait à faire feu du Canon mental, une arme terrifiante capable de neutraliser n’importe qui de vivant dans sa ligne de tir, mais le problème était la mise en œuvre : il nécessitait de longues minutes pour accumuler l’intensité psychique nécessaire au fonctionnement.
Huit, il ne restait que huit équipages encore aptes à faire preuve de discernement sur le millier que comptait la Flotte mentale. Lorsque Viggi s’était aperçu de la disparition de Stuff MacDone, il avait alerté ses connaissances les plus loyales. À la suite d’un jeu de patience pour récupérer, décoder et trier les journaux de bord du navire de QuartMac, ils avaient pu relever l’éjection d’une capsule de sauvetage, peu avant une précédente Transition. Le trouble déclenché par cette découverte avait amené une petite troupe à faire sécession... la goutte de trop pourrait-on dire. De nombreux partisans restaient dispersés dans les centaines de vaisseaux, mais il n’avait pas été possible de les regrouper sans éveiller l’attention. Charge à eux de s’enfuir, quand ils le pourraient. C’est ainsi qu’ils se matérialisèrent ici, immédiatement attaqués par ce bâtiment inconnu... et redoutable.
« Déplacement en six, huit, vingt-cinq, poussée fois quatre. Refermons le piège... » pulsa-t-il, un rien d’excitation perçant dans ses ordres.
Le schéma était clair dans son esprit, comme celui des autres commandants. Malgré cette fantastique faculté à se mouvoir… non, se transférer sur de courtes distances, l’adversaire tombait droit dans le piège tendu par les Mentaux. Le signal du canon mental enfin opérationnel était déjà arrivé depuis quelques secondes et l’ennemi se déplaçait dans la bonne direction, sans se rende compte qu’on le manipulait.
Une déflagration se produisit alors à sa base et un petit objet en sortit pour s’éloigner doucement sous l’effet du souffle. Mais Viggi n’eut pas le temps de s’y intéresser plus : le rayon psychique bleuâtre traversa soudain l’assaillant, dans un tourbillon d’éclairs et d’énergie radiante. Quelques décharges électrostatique s’échappèrent encore puis... le silence.
Les secondes défilèrent.
Lui et les autres commandants, synchronisés d’une manière toute « Forces mentales », patientaient dans l’observation des conséquences du tir.
Rien ne se produisait et les minutes s’écoulaient lentement.
Rapidement, ils eurent la certitude que les hôtes du vaisseau ennemi étaient au moins sévèrement sonnés, encore fallait-il le prouver. C’est là que l’explosion du sas inférieur devenait intéressante : elle permettait de contourner la barrière de cette coque si étrange, imperméable aux sondes psychiques (et dont on ignorait la capacité à contrer le canon mental).
« Placez-nous en dessous, nous devrions pouvoir scanner l’intérieur. Que donnent les senseurs sur l’objet qui a été expulsé ? »
Il perçut le sentiment de surprise de ses collaborateurs avant même l’information : il s’agissait d’une capsule de sauvetage standard, modèle mental ! Immédiatement, il focalisa son amplificateur sur le point clignotant de l’écran et lança un appel mental :
Ici le capitaine Viggi des Forces mentales libres de MaterOne, identifiez-vous.
Bordel ! Viggi, content de t’entendre, lui répondit la voix de Stuffy. J’ai une fuite d’oxygène et l’ordinateur de bord ne fonctionne plus. Venez me chercher !
Pas d’inquiétude, on est sur vous dans quelques secondes ! Heureux de vous revoir, Chef !
On se bécotera plus tard, fais vite !
Alors que, d’une manœuvre aussi fluide que précise, le croiseur mental « avalait » la capsule de sauvetage endommagée, ce fut dans un flash que l’appareil nalcoēhual disparut en Transition.
Le commandant, mort comme tous les autres membres à bord, n’avait plus appuyé sur le bouton de sécurité depuis peu, le vaisseau avait donc basculé en pilotage automatique et amorcé le voyage de retour à sa base.

Trois quarts d’heure plus tard, ce fut un Stuffy lavé à la cheville bandée qui vint frapper à la porte du bureau du premier officier. Une simple pensée lui répondit :
« Entrez, Agent MacDone ! »
Alors qu’il passait les battants, il eut la très agréable surprise de découvrir huit Mentaux hauts gradés parfaitement alignés se tendre en un strict garde-à-vous. Un peu étonné, il rendit le salut en se tournant vers Viggi pour une explication. L’autre sourit et précisa d’une voix où pointait une réelle fierté :
Agent MacDone... nous vous offrons le commandement général de notre... modeste flotte libre !
Oh... « Flotte mentale libre » tu disais tout à l’heure ? Vous avez tous décidé d’abandonner le train de Poféus et QuartMac, c’est ça ?
Oui, Monsieur. Nous et nos équipages. Et nous sommes à vos ordres, que fait-on maintenant ?
Stuffy observa chacun des hommes. Ces soldats avaient choisi de sortir des sentiers battus pour venir le chercher, quitte à renier leur serment, dans un lieu inconnu de l’univers et loin du premier avant-poste. Il ne pouvait que les admirer en retour, même si ce n’était pas ce qu’ils attendaient de lui. L’Agent mental se redressa, adoptant un ton plus martial, comme le moment en convenait :
« Alors, messieurs, prévenez vos navigateurs : nous allons rejoindre l’Exode le plus vite possible. Notre mission est désormais d’éviter un génocide d’une ampleur inédite dans notre histoire...
... aussi, laissez-moi vous serrer la main à tous, bande de génies ! »
Et Stuffy embrassa chaleureusement chacun d’eux, entre rires et accolades. D’une manière incroyable, s’il était encore en vie, c’était d’abord grâce à eux...
...et aussi un peu de chance, il fallait l’avouer. N’avait-il pas un jour raconté à Ralato qu’il s’agissait de la force la plus puissante de l’univers ?

Fin du Chapitre


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FORCES MENTALES - Juillet 2018
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