Red Universe

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La plus grande saga intergalactique jamais racontée en podcast

raoulito

Des réfugiés vont découvrir les secrets enfouis sous des années d’oublis et de honte. Confrontés à des choix et des conflits sur leur modèle de société, ils avanceront vers leur but ultime, là où se concentrent leurs espoirs : la planète rouge. Chapitres entiers http://reduniverse-chapitres.podcloud.fr Chapitres spéciaux http://reduniverse-speciaux.podcloud.fr Et pour plus d’immersion, les livres illustrés http://reduniverse.fr/livres-numeriques/

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RedU T1 Ch29 Ep14

La DEUXIEME SAISON DE FORCES MENTALES EST DISPONIBLE SUR http://forcesmentales.fr!

Red Universe Tome 1 Chapitre 29 Épisode 14 : « Percée (3) »

Gouverneur ! Rapport des machines, le Compresseur répond enfin ! Sauf qu’ils précisent que plusieurs circuits primaires sont hors services, nous n’aurons qu’un saut puis il faudra au moins une semaine de réparation.
Ce n’est pas trop tôt ! Alerte jaune, je veux un retour aussi rapide que possible vers notre point d’origine !
Le professeur enrageait, simplement. Les coordonnées les avaient conduits ici, à quelques millions de kilomètres d’une supernova, grande génératrice de microondes qui perturbaient l’électronique embarquée. Le piège avait été savamment organisé et QuartMac doutait de retrouver la Flotte mentale là où il l’avait laissée, mais sans doute y trouverait-il des indices quant à leur nouvelle destination.
Il soutint sa tête d’un de ses bras sur l’accoudoir. À ses pieds, le blouson de cuir noir trainait par terre, piétiné autant de fois que possible par le vieux professeur. Une crise infantile, amplifiée par les efforts sans fin de ces dernières semaines, l’avait submergé. Le spectacle présenté à ses subordonnés ne jouerait pas en sa faveur plus tard, il devrait se charger de les faire taire d’une manière ou d’une autre. Les implications de la traitrise qu’il venait de subir l’exaspéraient autant qu’elles l’inquiétaient : tout le monde devait savoir, tous y avaient sans doute participé.
QuartMac laissa son regard se promener sur les têtes des opérateurs occupés face à lui : finalement, il devrait plutôt les choyer, car eux au moins avaient été honnêtes jusqu’au bout.
Un grondement se répercutant le long de la coque le fit se redresser : on y était.
« Préparez les armements, tout le monde à son poste de combat ! »
Devant l’étonnement qui s’installait sur la passerelle, il crut bon d’ajouter :
« Nous n’avons aucune idée de ce que nous allons découvrir là-bas. Nos ennemis ? Ceux qui nous ont trahis ? Je préfèrerais toujours être le premier à tirer que le premier à mourir ! Compte à rebours trois, deux, un… »
Le décor se transforma, abandonnant la lueur brulante d’une géante rouge pour celle, minérale, de l’obscurité étoilée. Rien, comme prévu. QuartMac scruta de ses yeux ce que les instruments sophistiqués à sa disposition avaient déjà analysé et classé, comme s’il pensait percer un secret dissimulé dans l’insondable néant de l’univers.
Mais non, rien de rien, sauf peut-être…
Monsieur, les balayages fins ont décelé plusieurs structures de l’ordre du mètre à une centaine de kilomètres à bâbord. Aucune présence vivante ni chaleur, mais c’est tout ce qu’il y a dans les alentours.
Qu’on les affiche sur l’écran ! grogna le savant.
Devant le spectacle de ses chimères de rechange congelées, irrémédiablement détruites, il se laissa tomber en arrière dans son fauteuil, les yeux obnubilés par l’image. Sa carte de secours, ses multiples vies… elles dérivaient maintenant, les cellules éclatées par le gel, leurs incubateurs débranchés sans le moindre scrupule.
S'il était un message, c'est que l'on se passait définitivement de ses services, tout simplement.
 Que… fait-on ? demanda avec une certaine inquiétude l’officier de pont.
Il reposa la question trois fois, devant le mutisme de son commandant, mais l’autre gardait toujours le silence, le regard embrumé.
Un avertisseur rugit soudain, traduit immédiatement comme plusieurs sorties de Transition par des engins inconnus. Lorsque les coques des Lan’huitl brisèrent les cylindres congelés et leurs composants dans leur élan, QuartMac s’éveilla de sa transe, ramené au présent par une réalité pressante.
Ce sont nos ennemis ! Préparez le Compresseur pour un saut d’urgence !
Impossible, lui rappela l’autre, les réparations débutent à peine, nous n’avions qu’un seul saut !
La fin.
C’était donc une nouvelle mort, véritable cette fois, qui l’attendait. Ses chimères anéanties, sa flotte enfuie, son vaisseau isolé, sans aucun espoir de survie. Lui, le Professeur QuartMac, celui dont la vie mériterait plusieurs ouvrages sur tous les bienfaits qu’il avait apportés à cette humanité si peu reconnaissante, se trouvait désormais au soir de son existence.
Les engins ennemis n’attaquaient pas immédiatement, se contentant de se séparer pour l’encercler. Ils étaient sept, comme les sept transporteurs qu’il avait reçu l’ordre de détruire, quelle pirouette macabre du destin !
Lui, le savant aux facettes multiples allait-il ainsi se laisser dévorer par les chiens de la fatalité ? Ou donnerait-il ce fameux dernier numéro, cet éclat de gloire étincelante qui resterait sinon dans les archives, au moins dans la mémoire de leurs adversaires ?
D’un geste sec, il se baissa et ramassa son gilet de commandement. Il l’enfila, prenant soin de fermer le zip et s’enfonça dans son fauteuil pour placer le rayonneur sur son front. S’il devait mener sa bataille finale, alors il allait offrir un spectacle inoubliable que personne n’attendait.
D’une pensée, il toucha les esprits de chacun des membres de son équipage :
« C’est votre Commandant QuartMac qui vous parle. Nous n’avons plus aucun espoir de replis, nos ennemis nous sont supérieurs en nombre et se préparent à l’hallali. C’est donc le moment de gloire que nous attendions : nous avons notre nouvelle arme, notre stratégie basée sur des centaines d’heures d’observation et un plan qu’ils n’anticipent pas.
Rassemblant tout ce que son âme pouvait trouver de courage dans sa colère contre ce destin injuste, il conclut :
« BRULONS ENSEMBLE LES DERNIÈRES MINUTES DE NOTRE EXISTENCE POUR GRAVER DANS L’ESPRIT DE CES DÉMONS LA PEUR DES MENTAUX ! SUS À L’ENNEMI, MES FRÈRES ! »
Ces hommes et femmes sélectionnés pour leur attachement à sa personne n’en demandaient pas plus pour lui offrir leur vie. Les retours psychiques fusèrent et une vibration monta en lui, un concentré de ferveur qui s’exprimait depuis les cœurs battant sur son vaisseau. Qu’il en soit donc ainsi :
« Chauffez le nouveau Canon mental, activez les grappins magnétiques, qu’ils soient prêts à sortir à la dernière minute… ET FEU DE TOUTES LES BATTERIES ! »
Les jets de lumière jaillissant du croiseur n’impressionnèrent évidemment pas les sept Lan’huitl qui s’empressèrent de glisser sur le tissu de l’éther. Les projectiles passèrent au travers d’eux et malgré les calculateurs intégrés — sachant faire faire demi-tour aux missiles — eux en face s’en amusaient. Ils se déplaçaient à la dernière seconde : des enfants riant, des soldats joviaux prenant quelque bon temps avec leur proie avant la mise à mort.
« Qu’ils s’amusent… », sourit QuartMac.
L’information qu’il attendait s’afficha dans un coin de la pièce, il donna l’ordre de détruire les fusées et transféra les commandes des trappes sur son esprit. Tout allait se jouer à la milliseconde.
Lorsque les charges détonnèrent, quelques tôles froissées des croiseurs ennemis volèrent, mais ils se placèrent surtout en position pour l’affrontement final. Juste avant qu’ils n’ouvrissent le feu à leur tour, QuartMac activa l’arme. Le Canon mental avait été amélioré, désormais son rayonnement n’était plus linéaire, mais radial, tout autour de lui. Si sûrs d’eux, si impatients d’assister à la curée qu’ils s’étaient bien trop approchés, les équipages Lan’huitl n’avaient pas compris que l’on ne cherchait qu’à les faire se regrouper à faible distance du vaisseau humain.
Les cerveaux nalcoēhuals grillèrent tous sous l’impulsion, leurs corps tombant, privés de leur substance nerveuse avant même de s’effondrer, avant même que le tir du canon ne s’atténuât. Immédiatement, des dispositifs magnétiques furent catapultés vers les Lan’huitl désormais dérivants. Les grappins solidement fixés, des treuils s’activèrent à leur tour, rapprochant les carcasses ennemies jusqu’à entrechoquer leurs coques. Une fois les échos sourds étouffés le long du fuselage, une accalmie pesante s’abattit sur la scène.
Cet amas informe de vaisseaux aux équipages décédés, agglutinés autour d’un appareil, tous feux éteints, paraissait bien incongru au milieu de l’immensité spatiale. Mais la seconde partie du plan allait bientôt prendre son élan, comme le prévoyait QuartMac depuis son fauteuil de commandement, goutant le silence percé de quelques bruits électroniques épars.
« Et maintenant, chuchota-t-il pour lui-même comme pour le reste de ses fidèles répartis dans le croiseur, l’expérience ultime ! »

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SOUTENEZ REDUNIVERSE ! Prod: podshows, Réa: Raoulito, Relecture : Gortozaran, TheDelta, CowboyE, Coles - Acteurs: Gortozaran: narration, Laurelian: AnyaK, QuartMac: DrWolf Derush/montage : Coles/Leto75, Musiques: VG, Ian, Cleptoporte, Pia

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RedU T1 Ch29 Ep13

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Red Universe Tome 1 Chapitre 29 Épisode 13 : « Percée (2) »

L’acharnement des équipes du professeur paya : drogués par un opiacé maison, ils installèrent les nouveaux systèmes expérimentaux sans faillir, dédiés à leur tâche telle des mères au chevet de leurs enfants. Désormais fin prêts, les quatre croiseurs améliorés se détachaient lentement du reste des vaisseaux de guerre. À bord, c’est un QuartMac fringuant, engoncé dans la veste de cuir noir des commandants qui se présenta sur la passerelle. Sur un signe de sa part à l’opérateur radio, la communication fut établie avec Laurelian… ainsi que toute la flotte. Ce moment s’inscrirait à jamais dans l’Histoire comme un retournement de situation. Du genre que l’on étudiera dans les académies militaires qui porteront son nom :
Amirale Laurelian, les quatre croiseurs de la controffensive sont prêts à appareiller. Nous recevons actuellement les dernières données concernant plusieurs positionnements possibles. Si les renseignements sont exacts, alors ils ne nous échapperont pas.
Il inspira profondément, puis reprit :
Je transmets le commandement absolu de notre flotte à l’amirale. La durée de notre mission ne devrait pas dépasser trois semaines standards, elle nous emportera dans les recoins cachés de l’espace où nos ennemis se tapissent lâchement. Nous irons les y frapper jusqu’à anéantir tout espoir en eux et nous vous ouvrirons une voie royale vers la victoire finale ! Avec vous tous, nous dominerons ensemble cette région de l’univers pour la plus grande gloire des Forces mentales !
Garde-à-vous ! lança Laurelian sur les ondes et, dans chaque appareil de la flotte, tous se dressèrent en saluant le départ des héros.
QuartMac se savait héraut de ce sentiment de fierté patriotique retrouvé qui avait tant manqué à ses troupes. C’était lui, le scientifique honni par une élite dédaigneuse, qui allait finalement porter le fer là où nul n’était encore jamais allé, lui qui allait permettre à l’humanité de révéler ses lumières à toute la galaxie !
Accompagné par tous les opérateurs de la passerelle, des hommes et femmes totalement dévouées à sa cause, il rendit le salut, filmé par les caméras internes qui diffusaient chaque seconde de cette glorieuse séquence. Les quatre croiseurs se regroupaient maintenant, chauffant leurs Compresseurs et laissant les dernières vérifications automatiques terminer leur œuvre. QuartMac n’en doutait absolument pas : l’esthétisme de la scène se transmettra de génération en génération, portant au pinacle son acte ô combien héroïque !
Compagnie ! Laurelian donnait finalement son aval officiel sur toutes les ondes. Vous êtes autorisés à partir au loin. Revenez-nous aussi vite que possible, nous préparerons la deuxième phase du plan en nous inspirant de votre esprit conquérant !
Messieurs… en avant toute, ordonna simplement le professeur, le doigt tendu vers les étoiles de l’écran principal.
Un dernier vrombissement interne et son croiseur disparut en Transition, traversant les dimensions pour atteindre sa destination… seul.
Des quatre appareils, uniquement le sien s’était volatilisé.

Dans son centre de commandement, Laurelian resta quelques instants muette, comme plusieurs membres de son équipe, puis elle donna ses consignes :
« Nous avons quatre heures avant qu’ils ne puissent revenir. Que la première division évacue vers la Passe. Prévenez les mouillages de mines qu’ils peuvent également commencer. Formation Zeta-Bravo, scindez la flotte. »
Dans les minutes qui suivirent, de gigantesques mouvements de croiseurs se produisirent, plusieurs vagues de départ en Transition s’effectuèrent alors que les rapports n’annonçaient, fort heureusement, aucune activité particulière de l’ennemi extraterrestre. L’amirale ne relâcha pas la pression, sachant pertinemment que chaque seconde comptait. Ils avaient beau protéger leur retraite par des mines magnétiques, cela demeurait un moment charnière où les troupes comblaient mal leurs points faibles.
Un nouveau rapport, psychique celui-là, confirma l’éjection dans l’espace des trois chimères du professeur. Leurs cellules de maturation, maintenant déconnectées d’énergie et soumises aux températures et rayonnements intersidéraux, périraient assez vite ou seraient congelées pour l’éternité, peu en importait à l’amirale. Son fantasme d’une arme absolue ne reposait pas sur grand-chose, au mieux pourrait-on faire durer le supplice, mais certainement pas renverser la situation. Ils perdaient chaque jour jusqu’à des dizaines de croiseurs et les ordres de ce fou anéantiraient les derniers, au détriment de l’indispensable protection de la patrie. Il ne s’était rendu compte de rien : le plan pour son éviction avait été préparé discrètement par un groupe restreint des plus hauts gradés, puis partagé dans le plus pur secret Mental avec tous les membres de la flotte… sauf QuartMac. L’idiot n’avait pas voulu voir combien la rancœur envers sa personne tenaillait les tripes de chacun, au point que cela avait été difficile de trouver une trentaine de volontaires qui croyaient encore en lui pour l’accompagner. Le reste ne consista qu’en une petite mise en scène dans son bureau où le naïf avait répondu à la virgule près aux projections psychologiques. Il se pensait si supérieur qu’il n’imaginait pas combien son profil — conçu de longue date — permettait de le manipuler aisément, domaine où les Mentaux excellaient.
« Un humain comme les autres, finalement, chimère ou pas… » conclut-elle.

*

L’attaque nalcoēhuale surprit la Flotte mentale à l’entrée de la Passe de Magellone. Une partie avait déjà sauté dans la déchirure spatiale quand ils apparurent. Non pas une poignée de croiseurs légers, comme à chaque fois, mais tous. Plus de deux-cents engins capables de « déplacement d’éther » et de « micro-transitions » ; cette fois ils surclassaient technologiquement, mais aussi numériquement leurs ennemis. Les mouilleurs de mines furent les premiers à se disloquer sous les tirs ininterrompus. Certes, on pourra louer l’acharnement de la défense, certes Laurelian adapta la formation en permanence et avec brio, certes les mines et les fusées causèrent des destructions… mais le carnage qui s’en suivit n’eut aucune comparaison dans l’histoire spatiale.
Lorsque l’amirale entra in extremis à bord d’un vaisseau endommagé dans la Passe, elle savait fermer le ban de la colonisation humaine — et Mentales — pour ce côté-là de l’univers. La semaine nécessaire à la traversé de la Passe lui permit de répondre aux multiples questions, de justifier les pertes, d’expliquer le surclassement technologique — les preuves ne manquaient pas. On dissimula la disparition de feu le gouverneur sous les pertes et les profits, surtout à la vue du nombre des rescapés. Leur estimation lui porta un coup au moral, malgré son expérience : au mieux, ce ne sera qu’une soixantaine de croiseurs qui réapparaitrait dans l’espace connu de l’homme… sur un millier au départ. La dernière attaque avait montré, si besoin en était, que leurs ennemis chauffaient des usines de fabrication à une cadence très élevée, modifiant en profondeur la composition de leur armée spatiale.
Dans l’intimité de son bureau, son inquiétude grandissait au fur et à mesure qu’elle passait et repassait les effrayantes scènes de batailles :
« Quelles que soient nos pertes, nous pourrons reconstruire avec le temps et cela ils le savent parfaitement. Pourquoi donc nous avoir anéantis, alors que nous partions ? Pourquoi avoir ciblé d’abord les mines ? »
Elle se prit le visage entre ses mains, massant ses tempes endolories par une trop forte concentration sur une trop longue durée. Elle devait se reposer, l’aventure de la colonisation touchait de toute façon à sa fin et le reste de l’armada rentrait à bon port. Sa veille actuelle n’avait qu’un sens purement personnel, sauf si…
Écartant les doigts, elle leva son regard sur l’écran où tournait toujours en boucle les images du carnage. Une seule conclusion permettait d’offrir une réponse à toutes ces questions. Une idée terrifiante, aux implications sans fin :

« Ils voulaient nous affaiblir et conserver la Passe ouverte. Leur objectif est de la traverser à leur tour… »

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RedU T1 Ch29 Ep12

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Red Universe Tome 1 Chapitre 29 Épisode 12 : « Percée (1) »

Retenez-les, lancez un contrordre ! Amirale, c’est inacceptable !
Monsieur le gouverneur, avec tout le respect dû à votre personne, la situation ne permet plus de choisir autre chose que la retraite.
Mais je refuse !
Que proposez-vous ? Nos pertes d’aujourd’hui sont moindre : seulement quatre appareils détruits et un endommagé. Il faut dire que la saignée des derniers jours nous aura couté plus d’une centaine de croiseurs, bientôt nos ennemis devront chercher leur proie.
Le Professeur QuartMac, nommé gouverneur des colonies humaines au-delà de la Passe de Magellone, réagit violemment en écrasant son stylo sur la surface déjà abimée de son bureau. Il ne dormait plus correctement depuis des semaines, découvrant ainsi d’étranges nouvelles facultés de son cerveau de chimère. Tels certains oiseaux ou mammifères marins, il avait trouvé le moyen de reposer un hémisphère sur deux par intervalles réguliers, l’endurance de son corps encore frais procurant l’énergie manquante. Tant pis s’il brulait trop vite l’existence de cette enveloppe, là n’était pas l’importance !
Laurelian, je vous veux dans mon bureau dans quinze minutes avec des propositions crédibles ! Et sursoyez immédiatement à vos directives pour la flotte. Nous restons de ce côté-ci de Magellone. C’est un ordre !
QuartMac rompit la communication psychique. Cette idiote, cette lâche ne connaissait rien à l’Art de la guerre. Les Mentaux ne comprenaient que les rouages de l’esprit — et encore en savait-il plus qu’eux sur le sujet.
Quinze minutes… comment tuer ce temps ? Lire les sempiternels pleurs sur les morts et destructions qui remplissaient les pages des rapports accumulés sur son bureau ? Réétudier, à s’en abimer les rétines, les options stratégiques d’après les maigres cartes spatiales à sa disposition ? Boire un thé ?
Non, il allait suivre son unique passetemps depuis des semaines consistant à rejoindre sa petite équipe restreinte du laboratoire. Car c’était là-bas que l’on préparait la contrattaque, là-bas où les vrais cerveaux des Forces mentales étaient regroupés pour réfléchir à de nouvelles techniques pour mener la bataille.
Et les résultats prouvaient le bien fondé de cette démarche.
Quinze minutes… il n’avait pas le temps de se rendre en personne dans le croiseur où l’on avait installé le laboratoire, fort heureusement ce n’était pas nécessaire. D’un geste, il déverrouilla une petite trappe située sous son accoudoir pour activer un interrupteur dissimulé. Plusieurs cercles argentés vinrent enserrer sa tête : une version du « rayonneur », spécialement conçue par ses soins, permettait de prendre le contrôle d’un bras mécanique autonome dans son officine. Même Laurelian ignorait son existence ou, en tout cas, ne pouvait en percer les codes de cryptage. Quant à son équipe, elle ne répondait qu’à lui-même, avec interdiction absolue de partager quelque information que ce soit avec le reste de la flotte, sans son accord au préalable.
La vibration du rayonneur se répandit en lui alors que son esprit traversait les kilomètres le séparant de ses collaborateurs. Le laboratoire s’illumina soudain sous le regard de sa « nouvelle » vue, assemblage de caméras, de lentilles microscopiques, de capteurs à différentes longueurs d’ondes ou de réalité augmentée. Certains des assistants les moins éloignés levèrent un sourcil puis le saluèrent d’un hochement de tête, avant de replonger dans leurs occupations. Plusieurs expériences touchaient au but tandis que d’autres ne faisaient que démarrer, mais le plan général était désormais bien établi. Tout en survolant les multiples ateliers, QuartMac se rapprochait d’une balustrade surplombant un large espace où le projet prenait finalement forme.
Des points noirs glissèrent sur son champ de vision. Son excitation provoquait malheureusement ces parasites dans la communication, sans doute dus à sa suractivité de ces derniers temps. Il souffla quelques secondes, puis stimula les suspenseurs du bras autonome. Ils lui permirent de franchir la barrière et de descendre dans la fosse. Plusieurs ingénieurs, parmi les plus qualifiés qu’il eut jamais sélectionnés, branchaient précautionneusement des câbles d’alimentation. Sur une impulsion mentale, ils lui résumèrent l’état d’avancement ainsi que les objectifs de cette expérience qu’il valida en retour. On sonna la petite alarme et tous ajustèrent sur leur nez des lunettes bleutées avant que l’on active le prototype.

QuartMac ouvrit les yeux dans son bureau du croiseur amiral. Le programme avait immédiatement rapatrié son esprit une poignée de millisecondes avant que sa pensée elle-même ne s’évanouisse à jamais, sécurité déjà utilisée lors des derniers tests du projet. Il ne put s’empêcher de sourire : oui, d’ici peu on entrerait dans la phase opérationnelle et cela inverserait enfin la marche de l’Histoire.
Il se redressa, massant sa nuque endolorie par trop d’immobilité, puis se leva. Un bon thé bien fort l’aiderait à se préparer avant la venue de Laurelian. Son estomac brulait encore des quantités précédemment ingurgitées, pourtant l’habitude et le besoin de se maintenir à la hauteur des défis prenaient le dessus sur la santé de son corps de chimère.
Mais au fait, combien lui restait-il avant qu’elle…
Un avertisseur annonça qu’un invité attendait désormais dans l’antichambre. Visiblement, il n’avait pas vu le temps passer.
« Entrez, Laurelian. »
La grande femme, serrée dans sa tenue de cuir noir aux insignes blancs, vint saluer son supérieur dans un garde à vous impeccable. QuartMac la laissa patienter le temps qu’il remplisse sa tasse, puis, tout en s’installant dans son fauteuil, il lui lança négligemment un :
« Repos, amiral. Prenez place, je vous en prie».
Autant essayer de mener cette conversation calmement, pour une fois, et éviter ainsi de reproduire leurs dernières rencontres houleuses.
Une gorgée du breuvage brulant descendit lentement le long de son œsophage. Sa colère précédente s’était apaisée, même s’il se savait dans un état de fatigue propre à toute perte de contrôle impromptue. Cela l’avait d’ailleurs bloqué quelques jours plus tôt lors d’une connexion à son bras autonome. Il n’avait eu d’autre choix que de se rendre sur place en navette, malgré une nouvelle attaque ennemie signalée en amont de la flotte. Bref, sa tension était à surveiller et son calme à cultiver. Mais trêve de sensiblerie, écoutons donc ce que cette femelle avait à dire :
Allez-y, que proposez-vous ?
Vous connaissez mon analyse de la situation. Cependant, selon vos ordres, voici trois directions stratégiques. Trois grands axes que nous pouvons suivre… quel qu’en soit notre destin.
Elle posa un petit disque sur le bureau et activa mentalement le projecteur holographique, avant de poursuivre :
Le meilleur choix consiste à faire reculer progressivement la flotte dans la Passe, libérant en arrière un nombre suffisant de mines magnétiques pour ralentir, sinon bloquer, l’avancée de nos ennemis.
Magnétiques, hein ? s’en amusa QuartMac. Nos adversaires se fondent en Transition comme moi dans mon bain. Que voulez-vous qu’ils fassent de vos mines magnétiques ? De plus, lorsque les renforts arriveront de MaterOne, ces engins représenteront un dangereux obstacle pour eux.
Quoi qu’il en soit, ajouta-t-il dans une grimace, je refuse la retraite.
Autre proposition ?
Le regard de l’amirale se déplaça, pilotant la projection comme si elle ne ressentait aucune sensation suite à la condescendance de QuartMac. Après tout, cette discussion était courante entre eux deux, elle s’y attendait certainement.
Une contrattaque massive. Mais, pour cela, il nous faudrait identifier au moins un lieu de regroupement ennemi.
Ces vaisseaux ne viennent pas de nulle part, ils doivent avoir un point de chute, un endroit où on les répare, les réapprovisionne, voire simplement une flotte comme la notre. Nous pensons que le plus gros de leurs troupes, auxquels nous avons déjà été confrontés au début, sont toujours probablement là. Les nouveaux croiseurs ne sont guère plus qu’une poignée, plus petits à construire, plus redoutables aussi… mais n’y revenons pas.
QuartMac se pencha sur le bureau, frottant ses yeux qu’il savait d’un rouge à faire peur.

Je vois l’idée, commenta-t-il simplement. En gros, il s’agit de reproduire leur stratégie initiale. Sauf que, sans information sur leur lieu de regroupement, votre stratagème risque de tomber à l’eau. Proposition suivante ?
Laurelian cligna des paupières, provoquant la disparition de la représentation, et récupéra son disque mémoire. Elle s’enfonça dans l’épais dossier de son fauteuil. Elle croisa même ses longues jambes, attitude inhabituelle, car l’officière exposait toujours une image d’elle-même la plus protocolaire possible.
Si, et seulement si, vous avez réussi à développer quelque arme d’attaque qui prendrait nos ennemis à revers, alors un petit groupe de vaisseaux aux équipages parmi les plus fanatisés, pourrait se projeter très loin en avant de nos lignes et tenter de frapper leurs arrières.
Était-ce une illusion ou les yeux de l’amirale brillaient-ils à l’énoncé de ce plan, ô combien audacieux ?
L’objectif serait de les occuper, nous avons besoin de suffisamment de temps pour que la flotte régulière nous rejoigne et reparte avec nous à l’assaut de cet univers.
Le gouverneur n’en revennait pas d’ouïr enfin quelques élans volontaires dans la litanie défaitiste habituelle. C’est trépignant d’intérêt qu’il répondit :
Ce plan me plait, Laurelian ! Il aura fallu une attente interminable pour obtenir cette idée, mais elle est excellente !
L’expression, à la limite de la foi, de son officière supérieure paraitrait presque suspecte au vieux savant, mais elle avait mis des mots sur ce qu’il désirait entendre et cette tactique pouvait enfin renverser la balance. Bien sûr que les vaisseaux de la flotte spatiale n’auraient aucune chance en cas de combat direct avec leurs adversaires, mais pour autant ils s’acquitteraient efficacement de la sécurisation des champs de bataille comme des mondes colonisés. Et puis, la destruction de l’Exode restant une priorité, cette tâche pourrait leur revenir ! Oui, Poféus n’hésiterait pas à fournir ce que le gouverneur lui demandera, du moment que la disparition des sept transporteurs représente le bout du tunnel.
Le vieux savant s’expliqua :
Je peux vous l’annoncer, nous avons en effet une arme bientôt prête au déploiement. Trouvez-moi quatre appareils, je me charge de les adapter en moins de deux journées standards.
Mais, qui supervisera le détachement, s’interrogea Laurelian ? Ce prototype nécessitera sans doute les réglages les plus fins… d’autant qu’il faudra quelqu’un pour motiver les troupes dans cette mission dangereuse.
Certes, elle avait raison. QuartMac fit pivoter son fauteuil sur lui-même réfléchissant aux implications de son idée. Personne d’autre que lui ne pourrait diriger cette expédition, mais il possèderait un atout : il pourrait se dupliquer à l’avance dans une des nouvelles chimères en maturation. De cette manière, il pourrait assurer son rôle des deux côtés.
Écoutez amirale, je le ferais ! JE commanderais personnellement ce détachement !
Monsieur ? Mais… c’est extrêmement risqué !
La sincérité de Laurelian désarmait presque. Elle n’imaginait toujours pas les possibilités que procurait le clonage ! Elle ne s’arrêta pas là et se redressa. Hésitant un court moment, elle finit par se lever et se raidit en un garde-à-vous académique. Sa voix tremblait-elle ou était-ce seulement une impression ?
« Ce sera un honneur pour les équipages que de vous accompagner dans ce combat, Monsieur ! Je vais définir les zones où vous aurez le plus de chance de croiser nos ennemis ! »
Sur un hochement de tête de QuartMac, elle effectua un demi-tour règlementaire et s’en fut vers la porte. Au moment de traverser celle-ci, elle se retourna, comme pour dire une dernière phrase d’encouragement.
« Laurelian, j’ai confiance en vous : nous y arriverons » lança le gouverneur en tendant son poing en un signe de victoire virile !
L’amirale esquissa un petit sourire et reprit son chemin, visiblement ragaillardie.

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RedU T1 Ch29 Ep11

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Red Universe Tome 1 Chapitre 29 Épisode 11 : « Visions (2) »

« Bonjour Fabio < ouf > ! Tu vois, chérie, je t’avais dit qu’il serait… serait… làààà  ! »
Ayant malencontreusement posé un sac un peu trop en déséquilibre sur le trépied de l’entrée, le contenu glissa, entrainant vers le sol le petit meuble et un second cabas. Sans réfléchir, Fabio en appela à ses pouvoirs pour ralentir la chute et éviter la casse du vase avec la fleur en plastique, mais rien ne se produisit. Au mieux, put-il entendre les mots d’oiseaux qui traversèrent l’esprit de Phil avant que le fracas n’égaille l’immobilisme de la pièce.
La réaction, et surtout le manque de résultat, du jeune homme n’échappa pas à Adénor.
Alors, ce que l’on nous a dit était vrai ? Vous avez perdu vos pouvoirs ?
Hem… je, en fait c’est…
Et merde ! La bouteille de parfum dans le sac s’est fendue, ça coule dans le linge ! Quelqu’un a un mouchoir, vite ? s’enquit Phil, interrompant le début de conversation dans son affolement.
Attends, j’en ai un là.
Fabio chercha une poignée de secondes dans la poche arrière de son pantalon et en sortit une pièce de tissu qu’il apporta. Au milieu de l’entêtante odeur qui montait, il pouvait deviner le regard que l’ancienne tueuse portait sur lui, telle une chaleur incommodante sur sa nuque. Phil extirpait les affaires du sac aussi vite que possible, enfermant le flacon fêlé pour tenter d’en retenir le contenu. Il le tendit à Fabio qui s’empressa de rejoindre la salle de bain. Avisant un verre vide, il y versa ce qui restait et le déposa dans l’évier pour éviter tout nouveau drame. Se retournant vers l’entrée, il fit face à Adénor :
Comment allez-vous, Fabio ?
Je… je devrais vous poser la même question, rétorqua-t-il en désignant son ventre du menton.
Le regard de la jeune femme se troubla tandis qu’une esquisse de sourire mourut immédiatement sur son visage.
Nous n’en sommes qu’au premier mois, le chemin est encore long, mais les médecins disent que pour l’instant tout va très bien. Par contre, il n’y a pas de spécialiste pour les Mentaux esseulés dans l’Exode, Fabio Ouli. Alors ? Comment vous sentez-vous ?
Son début de grossesse n’avait rien enlevé au caractère, ni à la pertinence, de l’ancienne tueuse de l’Armée royale.
J’essaye de faire le point.
Encore ? souffla malicieusement le Faiseur.
Et combien de temps cela vous prendra-t-il ? Des mois ? Des années ?
Je l’ignore… je ne vous attendais pas. Vu la quantité de bagages, j’en conclus que vous revenez vous installer ici ?

Oui, mais changer de sujet ne vous sera d'aucune aide. Godheim nous a prévenus qu’il vous serait désormais difficile sinon impossible de simuler vos « miracles » habituels. Par contre, il a été avare d’explications quant à ce qui vous était arrivé. Depuis quand êtes-vous au courant ?
Un peu moins d’une dizaine de jour. Écoutez, ce n’est pas que je souhaite éviter cette discussion, mais je vais récupérer mes propres affaires et vous laisser la place, alors si vous…
Elle se saisit du bras qui voulait l’écarter, sans brusquerie, mais avec fermeté :
J’ai aussi perdu ma raison d’être, par deux fois. On s’en remet toujours, Fabio. Il vous faudra chercher ce que vous êtes vraiment, au-delà de ce que les autres attendaient de vous.
Je n’aurais pas dit mieux, elle me plait cette petite, elle me plait de plus en plus !
Je… heu, merci, Adénor. Pardon, je dois passer.
La jeune femme s’écarta et il s’enfuit littéralement devant elle, poursuivit par la brulure de son regard. Le respect de sa souffrance pouvait-il être sincère ? Et, quand bien même, que pouvait-elle y comprendre ? Il avait perdu la clarté, il était devenu l’aveugle que l’on doit soutenir, l’obscurité était désormais son horizon, l’impuissance, son rayon d’action.
IL N’Y A QUE TOI QUI REFUSES D’Y VOIR, PASSEUR ! TON POUVOIR EST PLUS ÉTENDU QUE N’IMPORTE QUEL MENTAL, FÛT-IL OMNIPOTENT !
Quoi ?
Fabio manqua de tomber, il se rattrapa au fauteuil et observa Phil avec stupeur. Celui-ci se tenait debout devant l’encadrement de la porte, les pieds joints, le doigt de sa main droite tendue à l’extrême vers le Mental blond. Adénor comprit immédiatement que quelque chose n’allait pas, cependant, par réflexe, elle resta à plusieurs pas de distance, un bras en protection de son bas-ventre :
Chéri  ? Que se passe-t-il ?
TON FRÈRE VA DEVOIR AFFRONTER, SEUL, TOUT CE QUE L’ARMÉE NOIRE NALCOĒHUALE AURA DÉPÊCHÉ POUR ANNIHILER LES HOMMES !
Non ! ne put s’empêcher de crier Fabio.
TU N’AS PAS PLUS LE CHOIX DE TON DESTIN QUE L’EXODE OU ANTON MARENKOV, SOYEZ DÉMUNIS DANS LA DESTRUCTION OU UNIS DANS LA SURVIE.
Et, sans préavis, le doigt accusateur retomba et Phil s’agenouilla pour plier consciencieusement les habits sauvés du parfum. Il en renifla deux puis, visiblement satisfait se redressa en emportant son trésor. Devant la mine ahurie des deux autres, il s’arrêta net :
Heu… oui ?
Phil chéri ? Ignores-tu ce que tu viens de faire ?
J’ai ramassé les vêtements, c’est grave  ?
Tu as hurlé beaucoup de choses très intéressantes, en fait. Je crois que ce n’était pas toi qui parlais par ta bouche, suggéra Fabio, dans un coup d’œil discret vers le chat somnolant au creux des coussins du canapé.
Et j’ai dit quoi, demanda Phil ?

Quelques explications plus tard, tous trois se retrouvèrent à partager un thé à la menthe, préparé à l’occasion par Fabio, autour de la table de la cuisine. Phil regardait tour à tour ses deux voisins :
Le fameux Faiseur aurait parlé au travers moi ? Mais c’est incroyable !
Pas tant que cela, répondit Fabio. Il te connait bien, crois-moi. Je ne saisis pas le but de cette mise en scène, par contre.
Tu te souviens de notre dernière altercation avec Godheim sur Monte-Circeo, intervint Adénor, les coudes posés autour de sa tasse fumante ?   Lorsqu’il avait menacé de jeter un astéroïde et sa population en rebellion au travers d’un trou noir, tu avais prononcé quelques phrases qui n’étaient pas de toi non plus. Je me rappelle avoir été surprise… mais l’avatar de l’Empereur-Dieu avait d’emblée accepté de négocier, sans que l’on comprenne pourquoi.
Tous méditèrent cette information, tournant leurs cuillères pour refroidir les breuvages. Phil reprit :
Admettons. Donc j’ai — enfin, il a — parlé de ton frère, du destin et de destruction, c’est cela ?
C’est cela. D’après ce que l’on sait, une flotte de MaterOne est en ce moment aux prises avec les Nalcoēhuals. Il semblerait qu’elle n’ait pas beaucoup de chances de s’en sortir. Après tout, la dernière fois, les corvettes de Ragnvald nous soutenaient et ils nous avaient donné une partie de leur technologie.
Et vous étiez à l’œuvre, Fabio. Le Pope Titus Matrane nous a passé l’information et Gandhi l’a confirmé par la suite, compléta Adénor, montrant ainsi que le duo suivait les évènements au plus près.
Effectivement. Mais les Mentaux d’Angilbe n’ont que leurs vaisseaux et ce n’est pas suffisant face à nos adversaires.
Nouveau silence. Adénor gouta son thé, ajouta une touche de sucre, puis avala une autre gorgée. Phil n’avait visiblement pas soif, un air décidé peint sur son visage, il interrogea à nouveau Fabio :
Et que va-t-il leur arriver, maintenant ?
À qui ?
À cette flotte, pardi ! Fabio, ce sont tes anciens collègues, ce sont des humains comme nous, on va les laisser se faire massacrer sans rien faire ?
Hé bien, ils venaient probablement pour nous anéantir, nous. Le Mental but à son tour une gorgée brulante, puis continua.
De plus, l’Exode n’est pas une armée, ce sont des vaisseaux civils. Nous n’avons pas les moyens de combattre les nouvelles sortes d’engins nalcoēhuals, même Ragnvald semble démuni…
Et nous serions les suivants, c’est cela ? intervint Adénor, la voix sèche.
ILS VONT ATTAQUER MATERONE ! C’est cela que voulait dire le Faiseur ! Soit nous nous y mettons tous ensemble, soit on se fera rayer de la carte les uns après les autres par les Nalcoēhuals  !
Et maintenant, dis-nous ENFIN qui est ton frère !
Fabio prit quelque secondes pour rassembler toutes les pièces du puzzle et confirmer, autant que de possibles, l’évidence avant de répondre.
Il serait à la tête des forces humaines. Il aurait « récupéré » le pouvoir qui était le mien avant. Il devrait, en théorie, pouvoir les repousser et puis… ET MINCE !
Je ne peux rien y faire, NOUS ne pouvons rien y faire ! Vous croyez que ça me fait plaisir d’imaginer que Ralato va risquer sa peau tout seul face à ce qu’on a affronté là-bas  ?
… et tous les autres humains ! tonna Phil, le poing cognant soudain le plateau de la petite table. Ceux de MaterOne, de Talbot, Piñata et toutes les stations ou colonies de l’univers connu… TOUS vont y passer, si l’on ne fait rien !
Et que proposes-tu, chéri ?
Je… heu… je ne sais pas. Harceler les Nalcoēhuals comme on pourra ? Pilonner leurs bases arrière pendant que le gros de leurs troupes seront au loin, prévenir MaterOne qu’ils…
Ce point est inutile, le coupa Fabio. Ralato a déjà été prévenu, notre ami Loyal s’en est occupé.
LOYAL ?
LOYAL ? réagirent de concert Adénor et Phil.
Lui-même. Personne ne sait ce qu’ils manigancent, hormis le Faiseur, bien sûr. Mais ils sont derrière tout cela. La perte de mes pouvoirs, la préparation à l’ultime affrontement de Ralato, peut-être même influencent-ils les Nalcoēhuals. Ils veulent entrer dans notre dimension, mais quel est le rapport avec ce qu’il se passe maintenant ?
Phil se redressa brusquement.
Il faut qu’on mette Arlington au courant, l’Exode DOIT réagir ! On ne peut pas laisser arriver… ÇA. C’est un… un…
Un génocide, chéri, répondit Adénor, la voix glacée. On appelle cela un génocide. Je viens avec toi.

Ils étaient déjà partis depuis plusieurs minutes, Vivagel sur leurs traces, que la nuque de Fabio brulait encore du regard d’Adénor. Elle lui rappelait, entêtante, la culpabilité inavouée du Passeur, impuissant à comprendre quel pouvait être son rôle.

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RedU T1 Ch29 Ep10

La DEUXIEME SAISON DE FORCES MENTALES EST POUR SAMEDI PROCHAIN (http://forcesmentales.fr) PREPAREZ-VOUS !

Red Universe Tome 1 Chapitre 29 Épisode 10 : « Visions (1) »

La pièce était plongée dans l’obscurité, comme presque toujours ces derniers temps. En l’absence d’Adénor Kerichi et Phil Goud, leur vaste logement de fonction, offert au titre nébuleux de « personnalités invitées », brillait par sa froideur. Quand on connaissait les conditions d’hébergement désastreuses dans la Cité intérieure de Transporteur 3, il y avait matière à mécontentement, mais bon. Ils passaient de temps en temps ici récupérer quelques affaires et caresser le chat, si celui-ci daignait les accueillir. Les plaisirs de la « vie de divinité », dans un Exode arrivé à destination, pouvaient se résumer à ce logement.
C’était donc Fabio Ouli qui occupait et s’occupait des lieux, utilisant, nettoyant et nourrissant accessoirement Vivagel, le félin de Phil. Mais la plupart de son temps, lorsqu’il n’était pas en formation de son élève, Maeve Onawane, ou en discussions interminables avec l’Empereur-Dieu, il le vivait assit dans le canapé. Regarder la multivision, parfois, ou contempler Antares IV et les étoiles environnantes, souvent, furent ses principales activités… jusqu’à la disparition de ses pouvoirs. La situation se dégrada encore quand le groupe de Mentaux, guidés par l’ancien agent Stuff MacDone, arriva pour leur prêter mainforte. Les maigres talents de Fabio ne résistèrent pas une heure à l’inspection des nouveaux venus et la nouvelle de son infortune se répandit chez les dirigeants de l’Exode.
Fabio éprouvait désormais une profonde honte de son état. Cela faisait maintenant plus de sept journées qu’il restait cloitré dans cet appartement, ne recevant personne, n’assurant plus ni formation ni visite, rien. Que les membres du Conseil des Commandants s’abstiennent de leurs sempiternelles complaintes sur l’identité du Faiseur, que Godheim/Gandhi se débrouille pour réaliser ses « miracles » habituels !
Fabio voulait s’enfoncer plus petit que jamais dans ce trou de souris et ne plus jamais en être délogé.
Miaaaaoooww ! On parle de souris ? monta une voix dans sa tête.
Vivagel venait de sauter délicatement sur le dossier du canapé et il abondait les oreilles de Fabio de ronronnements plus voluptueux les uns des autres. C’était lui le mystérieux Faiseur, l’être mythique et réellement divin qui croisait la course de l’humanité lorsqu’elle coïncidait avec celle des Titans, de dangereux habitants d’une dimension parallèle.
Pas seulement, j’ai aussi beaucoup d’affaires à gérer, figure-toi !
Laisse-moi, fit Fabio sans même se retourner. Si c’est pour me faire la morale ou me montrer combien tu es supérieur, je n’ai aucune envie de le supporter.
Oh ? Monsieur boude ?
Non. Monsieur veut juste être tranquille pour faire le point. C’est sans doute un concept abstrait pour toi, mais pour moi cela compte.
Et combien de temps cela te prendra-t-il ? Parce que j’ai une facture à présenter en fin de service et j’aimerais savoir à qui la donner, tu vois ? Brrrrr miaw, miaw, Miaaaaoooww !
Fabio ne répondit pas, laissant l’autre se gargariser de son propre humour décalé. La perte de ses pouvoirs avait profondément touché le jeune Mental blond, bien plus qu’il ne l’aurait jamais imaginé. Il avait pratiquement passé toute sa vie avec cette aura de puissance psychique sans commune mesure avec ce que l’on connaissait sur MaterOne. S’en retrouver dépouillé si violemment revenait à arracher ses vêtements en pleine rue sous les rires des badauds.
Il avait déjà vécu plusieurs disparitions de ses facultés, souvent dues à des difficultés physiques, épuisement, maladie, ou à des traitements médicamenteux comme lors des mois où il était emprisonné sous les montagnes par Angilbe. Avant leur entrée dans la Passe de Magellone, les Titans avaient semblé incapables de le suivre pour lui procurer leur puissance. Cela s’était évanoui une fois éloigné de ce lieu si particulier. Mais aujourd’hui, pour d’obscures raisons qui lui échappaient, il sentait que c’était bel et bien terminé. S’il apercevait toujours ses petits amis, ils ne s’approchaient plus de lui qu’à grand renfort de concentration de sa part, en moins grand nombre que pour un Mental comme Stuffy par exemple, comble de la déchéance. Il lui semblait clairement les voir hésiter, la majorité refluant à ses appels, et seuls certains le frôlaient pour prodiguer puissance et pouvoirs. Le détestaient-ils, souhaitaient-ils le punir ?
Ou plutôt : « ont-ils un autre chouchou » ? intervint le Faiseur, alors que Vivagel prenait plaisir à pomper de ses pattes avant l’épaisse mousse du dossier.
Que veux-tu dire ?
Que tu es idiot ! Tu as toutes les informations entre tes mains, mais tu ne les recoupes pas. Je t’accorde que les autres ne sont pas mieux, mais tout le monde n’est pas Passeur.
Fabio se redressa et croisa les yeux du semi-hypnotique félidé. Vivagel lui montra sa satisfaction en enfonçant ses griffes dans le tissu.
Salut ! Brrrrr, tu daignes enfin me regarder. J’ai donc réussi à attirer ton attention, à ce que je vois.
Assez. Que m’arrive-t-il ? Tu le sais, n’est-ce pas ? Les Titans se sont lassés de m’apporter leur soutien ?
Tu te poses les questions superficielles, mon loulou. Les vraies seraient plutôt : « qui suis-je » et « que devient mon frère » ?
Ralato ? Oui… Ralato ! Godheim a dit qu’il revenait de Talbot et qu’il avait impressionné les…
Fabio fut traversé d’une brusque intuition. Fut-elle provoquée ou pas par le Faiseur, il en était coutumier, elles se répandaient dans son esprit en d’interminables conséquences et d’innombrables interrogations.
… Ralato ?
Ils l’ont choisi lui, c’est cela ?
Bingo ! Et crois-moi, ils n’y sont pas allés de main morte. Monsieur relativise à lui seul toutes les prestations dont tu as pu faire preuve par le passé. J’avoue que sa maitrise de toute cette puissance m’impressionne. Il a un talent certain, ce garçon.
Arrête, on penserait entendre Godheim. Au moins, il ne risque rien pour l’instant. Et pourquoi les Titans ont-ils changé d’avis ?
Tu le saiiiiis, répondit le Faiseur en un miaulement bien compris.
Parce qu’ils ne pouvaient plus me manipuler à leur guise ?
Voilà ! Leur plan demandait un réel engagement de ta part. Ce que, visiblement, tu n’étais plus prêt à leur offrir, mais ils avaient leur joker : Ralato Ouli, ton frère jumeau. Il a été imprégné par ton rayonnement depuis sa naissance, il maitrise les techniques Mentales et est à la tête de l’humanité, un met de choix pour nos requins transdimensionnels.
Imprégné ? La… tête de l’humanité ? Je croyais qu’Angilbe était devenu chancelier. Godheim parlait de perte de raison, à son sujet, c’est ce que tu essayes de dire ? S’il te plait, arrête avec les cachotteries, soit clair ! .
Le félin s’étira longuement, prenant son temps, puis s’assit. Il se lavait la patte avant lorsqu’il répondit  :
Il est mourant. De mon point de vue, son état ne change pas grand-chose à ce qui arrive. Ç’aurait, de toute façon, été à ton frère de mener la guerre, il n’aurait été qu’un soutien arrière, sans plus.
La guerre ? Quelle guerre  ?
Le chat leva la tête vers Fabio, écarquillant ses yeux à vouloir l’engloutir dedans, un quelque chose d’attristé émanant du puit sans fond de ses pupilles. Souhaitait-il partager une peine ? Un dieu pouvait-il être peiné ?
Au même moment, la porte de l’appartement s’ouvrit sur Phil Goud, les bras chargés de sacs et tirant deux grosses valises, et Adénor Kerichi, le bassin un peu plus en chair que dans les souvenirs du Mental blond.

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