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La plus grande saga intergalactique jamais racontée en podcast

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Des réfugiés vont découvrir les secrets enfouis sous des années d’oublis et de honte. Confrontés à des choix et des conflits sur leur modèle de société, ils avanceront vers leur but ultime, là où se concentrent leurs espoirs : la planète rouge. Chapitres entiers http://reduniverse-chapitres.podcloud.fr Chapitres spéciaux http://reduniverse-speciaux.podcloud.fr Et pour plus d’immersion, les livres illustrés http://reduniverse.fr/livres-numeriques/

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RedU T1 Ch29 Ep04

Red Universe Tome 1 Chapitre 29 Épisode 04 : « Déroute »

« Rapport de l’Amirale Laurelian,
Trente-sixième jour après le départ de la Flotte mentale de MaterOne.

À mon grand regret, j’ai dû ordonner ce matin la retraite de notre armée hors de la zone ennemie. Nous nous regroupons en ce moment en un point situé à mi-distance entre notre ancienne position et la Passe de Magellone. Plus d’un tiers de nos croiseurs sont détruits ou hors d’état de combattre, au point que nous ne nous donnons même plus la peine de récupérer ce qui pourrait être utile dans les carcasses, une torpille achevant ce qui tiendrait encore debout. Le moral des troupes s’élève au diapason de cette déroute et sans le maillage sans faille de nos commissaires politiques, je ne pourrais garantir la survenue d’une possible mutinerie.
Et pourtant, si les soldats mentaux maitrisent l’art de la discipline entre tous, ‹ l’incident Stuff MacDone › a laissé des traces. Ce n’est pas un hasard si le prometteur Capitaine Viggi l’a suivi en emportant d’autres officiers dans son sillage, il... »
Le petit communicateur de son bureau clignota, signe d’une transmission. Elle avait monté ses barrières psychiques bien haut pour se concentrer sur l’écriture du rapport et plusieurs demandes se pressaient contre elles. La Flotte était finalement regroupée, trois appareils manquaient à l’appel comparé au moment de l’ordre de retraite. Trois de moins, encore...
On procédait en ce moment à une répartition des armements, les stocks de certains se trouvant désormais au plus bas. On possédait enfin une documentation crédible sur les nouveaux engins ennemis et le Gouverneur QuartMac voulait en discuter personnellement avec l’amirale.
Laurelian soupira. Le scientifique à la tête de l’armada soutenait que la réponse à apporter serait technique et il y engouffrait toute son énergie et les ressources disponibles en ingénierie. Sauf que Laurelian savait compter, le gouffre technologique entre les deux civilisations s’avérait un peu plus abyssal à chaque perte. La Flotte mentale emportait avec elle le summum de la technicité humaine, aucun appareil de l’univers connu n’égalait les immenses et surpuissants croiseurs du Chancelier Poféus. Les processus de synchronisation psychiques étaient poussés au sommet de leur art et certains armements comme le « canon mental » n’existaient simplement nulle part ailleurs.
Malgré tout cela, les premières confrontations avec leurs adversaires avaient révélé un quasi-statuquo. « Quasi », car Laurelian doutait déjà de leur supériorité, tout au plus espérait-elle opposer une farouche résistance et abuser des pouvoirs mentaux pour rééquilibrer la balance.
Mais maintenant...
Elle se rendrait dans le bureau du gouverneur une fois achevé son rapport. D’un doigt, elle enclencha la reconnaissance mentale du terminal d’écriture et celui-ci poursuivit l’enregistrement de ses pensées.
« Ce n’était pas un hasard si le prometteur Capitaine Viggi avait déserté en convainquant d’autres officiers de le suivre. On analysait cela par la notoriété de MacDone et celle-ci prenait une portion non négligeable dans l’origine des faits. On oublie pourtant un peu vite que tous les soldats mentaux ont d’abord juré fidélité au chancelier, celui qui est à leur tête depuis maintenant près de vingt ans et qui ne les guide actuellement plus. Nous naviguons très loin de celui qui a structuré toute cette organisation depuis des décennies, lui insufflant une part de lui-même dans chaque rouage. Or, même si QuartMac pouvait prétendre à une certaine sympathie de la part des Mentaux, il n’est pas Poféus.
Quand tout allait à peu près bien, ce genre de remarques restaient étouffées, mais maintenant que le doute de notre supériorité est profondément ancré dans l’esprit de chacun, elles refont surface. On remet en cause les décisions originelles, on trouve que sa charge de travail n’est plus assez mesurée ou spécialisée, on se demande pourquoi son voisin semble moins impliqué... bref, on commence à chercher des responsables à tout cela. Et qui de mieux qu’une vieille chimère, au demeurant immortelle, pour tenir ce rôle ? Un scientifique peut-il prétendre pouvoir diriger des soldats de terrain ?
Une icône a disparu, accusée de maux insensés, le chef n’était assez reconnu par ses troupes et une série de défaites finit de rogner une arrogance par trop suffisante ; voici ce que les équipages en proie aux affres du doute ont dû traverser de tout temps.
Mais le moral de mes subordonnés ne saurait, à lui seul, justifier notre échec, mon échec devrais-je dire, face à cet insaisissable ennemi. Contre la perte de plus de deux-cent-soixante-douze de nos croiseurs, il n’eut à en déplorer qu’une petite dizaine... une dizaine ! Ils attaquaient vite, ces nouveaux appareils se déplaçant avec célérité, non pas comme le ferait une quelconque navette rapide, non, ils ‹ glissaient › dans l’espace comme les dauphins-termites dans l’océan. De la même manière que ces colonies de prédateurs, ils ne harcelaient qu’en groupes, de plusieurs endroits à la fois, en fondant sur les bancs de poissons.
Dès qu’ils avaient dévoré leur proie, ils s’enfonçaient sans scrupules entre nos lignes puis disparaissaient pour se regrouper bien loin, quant ils ne vidaient pas leurs arsenaux sur quelque appareil qui serait sorti de sa formation... »
Une notification apparut en haut de son écran de contrôle : le gouverneur s’impatientait.
Laurelian soupira et se leva de son fauteuil, elle ordonna à son terminal d’archiver le rapport qu’elle conclurait plus tard. De toute façon, elle venait d’écrire le principal et cela ne reluisait pas d’optimisme.
Clignant des paupières, elle envoya une courte réponse psychique à la demande du chef suprême de l’Armée mentale et tira un des tiroirs de son large bureau. Parmi les premiers documents, elle en sortit une petite carte mémoire contenant ses projections et stratégies pour faire face à la crise (on pouvait parler de déroute) de leurs unités. Elle tenait à les présenter personnellement et en tête à tête à QuartMac, car celui-ci n’allait pas manquer de hurler sa réprobation. On pouvait les résumer en quelques mots simples : se regrouper avec la flotte spatiale humaine de l’autre côté de Magellone et fermer la Passe à grand renfort de mines. Laurelian ignorait si leurs ennemis allaient les poursuivre aussi loin, mais son unique certitude résidait dans l’impossibilité de résister à ce harcèlement constant. Il fallait sauver ce qui pouvait encore l’être et elle ne croyait pas que, déconnectés de toute base arrière, ils pourraient y arriver.
L’amirale apposa la paume de sa main contre le carré luminescent qui jouxtait la porte de son bureau et celle-ci se verrouilla sur un chuintement à peine audible. Ses talons résonnèrent, eux, durant les quelques mètres qu’elle parcourut jusqu’au gouverneur.

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RedU T1 Ch29 Ep03

Red Universe Tome 1 Chapitre 29 Épisode 03 : « Debriefing »

« Poféus devenu chancelier et une grande flotte de colonisation avec pour but principal de nous rayer de la carte », résuma Sterling-Price dans la salle de réunion.
Sa voix résonna bien plus longtemps que lors des Conseils des Commandants de Transporteur 1, preuve des dimensions hors normes de ce croiseur. Ils étaient tous installés dans de confortables fauteuils de cuir synthétique, répartis autour d’une large surface de travail arrondie dont ils n’occupaient qu’un petit quart-de-cercle. Le lieu regorgeait de ce qui se faisait de mieux en matière de gadgets utiles pour les démonstrations ou explications. Stuffy en usait actuellement pour afficher les enregistrements vidéos et des fiches techniques sous le verre de la table.
Oui, colonel. Voici les images de notre départ, d’ailleurs... là, sur l’estrade, on voit Ralato qui représente le chancelier, le Président du conseil Wolf et... un autre moi-même.
Et tout ce voyage qui nous a pris plus de huit mois ne vous aura couté que... quoi ? Quelques semaines ? Nos transporteurs ne sont pas de toute première jeunesse, c’est vrai, mais tout de même !
Quatre pour être exact. C’est que la Flotte mentale n’a pas été conçue de la même manière que des vaisseaux commerciaux ordinaires, ni même que des vaisseaux de guerre. Viggi, s’il te plait, les plans... voilà, regardez.
Poféus a détourné pendant des années des quantités hallucinantes de matériels et de personnel. Les schémas sont osés, voire visionnaires et totalement axés vers les pouvoirs psychiques ! Déjà bien avant la révolution, des unités de constructions produisaient les parties de ces navires, dissimulées à l’intérieur d’un anneau d’astéroïde interdit à la navigation... ne me zieutez pas comme ça, je sais ce que je dis ! réagit-il devant les regards dubitatifs autour de lui.
Ralato et moi y sommes passés, par hasard, à notre retour de Talbot. J’ignore ce qu’il en est advenu, mais les docks de montage semblaient s’étendre à l’infini, vus du porte-conteneur.
Hé bien, soupira Sterling-Price en se laissant aller dans son fauteuil. Ce contramiral... enfin, Poféus je veux dire, aura mené en bateau beaucoup de monde durant pas mal de temps. Reste à en connaitre la raison. S’il avait commandité cette flotte depuis tant d’années, ce n’était évidement pas contre nous et je l’imagine mal avoir des prétentions colonialistes. Si nous admettons qu’il ambitionnait de renverser la royauté avec, pourquoi alors l’envoyer ici et maintenant ?
Je dirais qu’il a eu ce qu’il voulait, intervint le Capitaine Viggi. Il lui fallait une nouvelle utilisation à toute cette armée.
Nan, infirma Stuffy, pensif. Les Forces mentales lui sont dévouées corps et âme ; or il vient de se séparer de son meilleur atout. En une fois, hop, plus de Mentaux et plus de flotte ! conclut-il d’un claquement de doigts.
Personne n’y trouva à redire pendant quelques instants, jusqu’à ce que le Gandhi assit dans un des fauteuils, le deuxième androïde debout derrière lui, n’ajouta son eau au moulin :
Il est connu au travers de l’histoire qu’une armée puissante sous-exploitée risque de se retourner contre le pouvoir en place. Ceci étant dit, j’ai une seconde théorie.
Il est possible que le Chancelier Poféus poursuive un autre but : il aurait une priorité toute particulière à réduire en cendres l’Exode. Une raison suffisamment impérieuse — à ses yeux — pour envoyer toute sa force militaire, sous couvert d’élimination d’opposants et d’élargissement de l’espace humain.
Azala est sa demi-sœur, lança Fabio, soudain intéressé par la conversation. Et cela, quand on le connait, c’est déjà un motif valable.
La stupeur traversa le petit groupe devant l’affirmation, seuls les Gandhi demeurèrent impassibles. Celui qui était assis poursuivit :
C’était en effet ma théorie, bien que je n’eusse aucune preuve tangible. Je le soupçonne d’avoir fait taire définitivement le roi Magnam IV et de n’avoir eu de cesse de se débarrasser de la princesse. J’étaye cette idée d’un faisceau de présomptions, Fabio Ouli, mais je pense que vous devez avoir vos propres indices en tant que conjoint.
Ex-conjoint, Godheim, ne faites pas comme si vous l’ignoriez, répondit l’autre sèchement, mais en effet c’est cela. Les archives sur la disparition du roi ont été réécrites et les rapports modifiés. J’ai personnellement sondé les esprits de ceux présents ce jour-là dans les orthoptères. Ils avaient reçu l’ordre de raconter la belle fable de Magnam IV qui aurait préféré le peloton d’exécution plutôt que la déchéance. Sauf que, lorsque je creusais, eux-mêmes ignoraient ce qui était arrivé ; tout ce qu’ils savaient, c’était que l’appareil d’Angilbe et du roi avait piqué vers la surface des eaux et coulé. Il n’y eut qu’un seul survivant, vous connaissez la suite.
Sterling-Price esquissa une moue en plissant sa lèvre inférieure, semblant chercher de ses yeux quelque araignée au plafond. Les explications de l’avatar comme celle de Fabio apportaient une nouvelle lumière sur les évènements actuels, qu’il exprima simplement :
Un hasard... un malencontreux concours de circonstances qui va mettre face à face deux puissantes armées spatiales. Et l’Exode est au milieu de tout cela. Il se frotta quelques secondes les joues fraichement rasées puis se redressa, s’adressant aux androïdes :
Maitre Gandhi, ces messieurs nous ont donné leur appréciation du rapport de force entre les deux, pourrait-on connaitre la vôtre ? Quelles sont les chances de la Flotte mentales face à l’Armée nalcoēhuale ?
Les deux avatars courbèrent l’échine une petite poignée de secondes, puis se tournèrent simultanément vers le colonel. Celui qui était assis répondit, l’air plus curieux que navré :
« J’estime à quatorze virgule vingt-sept pour cent que les croiseurs résistent à un assaut des nouveaux appareils de la flotte noire. Contre les anciens modèles, il aurait pu y avoir une forme d’équilibre, les avancées et lacunes se neutralisant plus ou moins, mais, désormais, ce n’est plus le cas.
L’empire de Ragnvald lui-même est menacé et j’engage en ce moment toutes les capacités des dix-mille soleils à la recherche d’une parade. »
La lumière de la pièce changea subtilement à mesure que le groupe de vaisseau s’approchait d’Antarès IV. Elle reflétait la faible chaleur de la naine rouge CCCP et retouchait les couleurs de la scène de tons orange et ocre.
Gandhi poursuivit :
J’ajoute cette nouvelle estimation : quatre-vingt-douze virgule soixante-quinze pour cent de possibilités — probabilités à ce stade — que la république nalcoēhuale ne se contentera pas de repousser l’invasion.
C’est à dire, souffla Stuffy, le regard sombre et la voix inquiète ? Il traduisait l’inquiétude soudaine de tous les autres participants à la réunion.
Il est vrai qu’ici peu d’entre vous ont une expérience de la culture nalcoēhuale présente dans le Cercle de Khabit... et vous ignorez la réalité de votre propre histoire. Je peux vous aider en cela : apprenez que rien ne leur ferait plus plaisir que de bouter les humains hors de cet univers et particulièrement de la planète MaterOne, qu’ils nomment Veora... et qu’ils considèrent comme leur.
Et, d’après ce que je sais du gouvernement actuellement en place, ils n’hésiteront pas une seconde.
Viggi et Stuffy se levèrent brusquement de leur fauteuil, Price écarquilla les yeux tandis que Fabio observait l’avatar, associant les informations éparses. Stuffy s’exclama :
Ils voudraient ENVAHIR notre espace ?
Nous avons bien fait de même chez eux, après tout, intervint Sterling Price en calmant les deux soldats mentaux d’un signe de la main. Ceci dit, si les croiseurs mentaux ne font pas le poids, alors ceux de la flotte régulière n’auront pas la moindre chance. Laissant le tacticien prendre le dessus sur le diplomate, il conclut simplement :
Ce sera un carnage.
Fermant de nouveau les paupières, les Gandhi les rouvrirent bien vite pour partager les résultats de leurs computations :
J’envisage vingt-sept pour cent de possibilités que l’humanité tienne MaterOne et résiste à l’invasion. Notez cependant que je n’ai pas toutes les informations en ma possession. Il me faut quelques semaines pour recevoir les dernières transmissions, mais je viens d’apprendre par exemple que Ralato, le frère de notre ami Fabio ici présent, a fait sensation en écrasant un complot sur Talbot. Ce jeune garçon est une des promesses du futur, si les Nalcoēhuals lui en laissent l’occasion.
Viggi, surprit, se pencha pour croiser le regard de l’avatar divin :
Monsieur, c’était mon affectation avant de rejoindre la flotte. Il y a là-bas le clone de l’agent MacDone et jamais celui-ci n’aurait accepté quelque chose du genre... d’autant qu’à la tête des Triades Souriantes, rien ne lui échappait.
Exact, c’est un de mes doubles, ajouta Stuffy. C’est pas pour rien qu’on a été répartis à la tête des organisations sensibles : Mutualistes, Souriants et Forces mentales. Vous êtes certains de vos informations ?
Ce fut le Gandhi debout qui répondit, amplifiant le malaise de communiquer avec un être présent plusieurs fois dans cette pièce, mais également au travers de son empire et dans l’univers humain.
« Agent Stuff MacDone, j’ai le regret de vous annoncer que vous êtes le dernier Stuffy encore vivant du groupe des quatre. Les chimères non matures peuvent devenir déviantes sous certains environnements et c’est ce qui est malheureusement arrivé à vos doubles. »
Stuffy absorba l’information, se rasseyant doucement dans le fauteuil dont le cuir gémit. Le premier Gandhi reprit la parole, poursuivant un rapport pessimiste sur l’autre côté de la Passe de Magellone.

En plus d’une crise financière majeure, une guerre secrète a été livrée entre les clones, affaiblissant d’autant les marges de manœuvre du gouvernement en place. J’ajoute que des rumeurs très inquiétantes circulent sur la santé psychologique du chancelier. On le dit en proie à des délires sévères et à une incompétence des plus criardes.
En fait, je crois qu’il ne reste plus beaucoup de monde capable de concentrer les maigres chances humaines de survie.
Sauf Ralato... murmura Fabio, plus pour lui que les autres, il y a Ralato, mon frère. Devant les regards interrogateurs de ses voisins, il bredouilla l’explication :
Le... le Faiseur m’a expliqué, il y a quelque temps, que son vrai rôle dans tout ceci allait bientôt... apparaitre sous les lumières et que c’était peut-être pour notre malheur à... tous.
Le Faiseur te parle, Passeur ? l’interrogea Gandhi, visiblement plus intéressé par cette partie de l’intervention. Quand certains doutent de ma sincérité dans le partage d’information, se pourrait-il que d’autres s’en affranchissent totalement ?
Un reproche ne saurait être plus clairement exprimé. Fabio se recroquevilla un peu, ajoutant un ton plus bas :
« Il m’a... aussi... incité à sonder l’esprit d’Azala. C’est comme ça que j’ai pu confirmer... définitivement... la filiation entre Azala et Poféus... »
Il laissa sa phrase en suspens alors que la porte automatique ouvrait le passage à la Lieutenante-colonelle Onawane, suivie d’Edmund Tristo. Les deux n’eurent pas besoin d’explication pour sentir la lourde atmosphère planant sur la pièce. Sterling-Price leur résumait le contenu de la réunion, assisté par Viggi qui pianotait sur la table pour afficher photos et compléments d’information, quand Stuffy contacta Mentalement Fabio, le ton sec et les mots tranchants :
Cessez de jouer avec nous, Fabio. Votre frère va être seul à la tête de l’armée spatiale pour contrer une flotte d’invasion redoutable. Mais VOUS, vous avez des pouvoirs capables de faire la différence ! Utilisez-les, bordel !

Je n’en ai plus, désolé.
Quoi ?
Sans prévenir, Stuffy, frappa de toute ses forces contre les barrières mentales de Fabio et celles-ci... volèrent en éclat, pour la première fois dans la vie du jeune homme. Il cria et tomba dans son fauteuil, comme projeté par une attaque physique. Tous se tournèrent vers le Mental blond et Onawane se précipita même pour l’aider. Stuffy, choqué, déclara à haute voix pour l’assistance :
« Notre dernière chance vient de se volatiliser. Le grand Fabio Ouli n’est plus... qu’un Mental comme les autres. »

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RedU T1 Ch29 Ep02

Red Universe Tome 1 Chapitre 29 Épisode 02 : « Regroupement »

La petite navette emportant la fine fleur du commandement de l’Exode coupa ses réacteurs après un long quart d’heure de vol. Poursuivant sur sa lancée, l’espace n’autorisant aucun frottement qui la ralentirait, on eut pu croire qu’elle dérivait si ses feux de position ne clignotaient pas avec régularité.
Le Colonel Sterling-Price soupira en se penchant vers son hublot. Sans même un regard pour son voisin immédiat, il l’interrogea :
Maitre Gandhi, étions-nous obligés de venir en comité dans ce petit appareil pour accueillir nos invités ?
Ils ont traversé de bien rudes épreuves et perdus de très nombreux compagnons, répondit posément l’androïde. Il sera judicieux de les rassurer en ne montrant ni puissance ni dédain à leur égard, colonel.
Certes, certes, mon bon ami. Ce sont pourtant des soldats de Forces mentales, ils sont entrainés à vivre ce genre d’aventures... quoique l’on pourrait dire pareil de nous et pourtant...
Gandhi se tourna vers leurs voisins de la rangée d’en face.
Et vous, Fabio Ouli, vous ne semblez pas de la meilleure humeur alors que vous allez retrouver certains de vos anciens collègues ?
Il est comme ça depuis quelques jours, répondit la Lieutenante-colonelle Onawane à la place de l’intéressé, morose et perdu à souhait dans ses pensées.
Disons que j’ai mes propres réflexions à mener, se contenta de murmurer Fabio à l’attention du groupe, les yeux égarés dans les étoiles.
Un silence plana quelques minutes sur la scène, alors que l’infini de l’espace semblait en attirer certains et que Gandhi observait avec une attention toute particulière le fameux « Passeur », Fabio Ouli. Onawane pensait vraiment que celui-ci avait sensiblement changé depuis leur dernière séance d’entrainement, peut-être n’était-ce que passager, mais peut-être pas ? Elle avait eu la sensation de presque percer ses défenses durant l’ultime exercice. La puissance de ce Mental était renommée dans les milieux militaires et Onawane n’ignorait pas que son niveau d’apprenti ne lui permettrait jamais de ne serait-ce qu’intimider un tel être. Pourquoi donc cette sensation ?
Le silence se poursuivait, devenant presque assourdissant pour la Mentale. La jeune voix d’Edmund Tristo monta alors, comme une délivrance, de derrière le fauteuil de Sterling-Price. Le spécialiste des technologies numériques de Transporteur 5 faisait également partie du voyage.
Hé bien moi, ça me fait tout bizarre de rencontrer un groupe entier de vrais Mentaux. De toute ma vie, je n’en avais jamais croisé avant Madame Onawane et rien que l’idée de me faire farfouiller les méninges par eux me gêne beaucoup, M’sieur Price.
Monsieur Tristo, figurez-vous qu’en ce qui me concerne je suis tout impatiente de les connaitre, s’enhardit Onawane, tout sourire. J’en avais rencontré lors de réunions de travail à l’état-major de MaterOne, mais les circonstances actuelles rendent cette visite passionnante.
Vous dites ça parce que vous savez vous protégez, moi c’est pas pareil. Je suis normal et j’ai aucune défense contre eux.
Edmund, intervint Sterling-Price, toujours attendri tel un vieil oncle envers son jeune assistant. Souvenez-vous des conseils que je vous ai donnés lors de notre première confrontation avec les Nalcoēhuals : récitez un morceau de chanson dans votre tête, cela perturbe les lectures psychiques.
Oui M’sieur, mais je pourrais pas rester dans la navette et juste étudier les capteurs plutôt que de vous accompagner là-dedans ? Vous savez, moi, les grands vaisseaux j’y connais rien.
Ce n’est pas « un » grand vaisseau, informaticien Tristo, dit alors Gandhi en se retournant pour croiser le regard du jeune homme. Ils sont deux et de taille comparable à votre transporteur. Les humains de MaterOne ont regroupé à l’intérieur le meilleur de leur technologie, quel que soit le domaine de compétence. Et j’ajoute que c’est le summum de l’interface psychoélectronique qui sillonne toutes les communications, internes comme externes.
Il leva un doigt vers le plafond et conclut :
Considérez ces engins comme les plus beaux jouets qu’il vous soit donné d’étudier, les Mentaux ne seront d’aucun danger pour vous. D’ailleurs, ils arrivent... maintenant !
À moins de cinq-cents kilomètres d’eux, un vortex bleu marine se matérialisa dans un flash. Le tissu de l’espace-temps se courba une fois de plus aux injonctions de la technologie de l’Empereur-Dieu, l’ancien Passeur Marenkof, laissant traverser des distances conséquentes à deux vaisseaux eux-mêmes gigantesques. Les deux derniers appareils survivants de la Flotte rebelle mentale parvenaient donc enfin sous la protection, toute relative, de l’Exode et d’Antarès IV.
« Nous pouvons y aller, reprit Gandhi. Vos instructions doivent apparaitre en ce moment, nous nous dirigerons vers celui de tête. »

« Gaaaaarde à vous ! »
rugit Stuffy dans le large corridor d’entrée alors que s’avançait vers eux le petit groupe d’arrivants. À ses côtés se trouvait le Capitaine Viggi, remis de sa difficile aventure cérébrale durant le combat précédent, et, derrière lui, presque tout l’équipage du navire sauf certains postes nécessitant une surveillance permanente. Plus de vingt-cinq soldats Mentaux et une dizaine de techniciens non-Mentaux se figèrent, l’index collé au front et le regard perdu au loin. En face, les colonels Sterling-Price et Onawane rendirent le salut quelques secondes, puis s’approchèrent pour serrer la main des principaux officiers. Pendant ce temps, le Gandhi du Croiseur mental s’approcha doucement de l’avatar arrivant. Il se plaça à ses côtés, sans un bruit, piloté à distance par la même personne.
« Colonel Price, lança Stuffy, je vous connais de nom, c’est un honneur de vous rencontrer. Voici le Capitaine Viggi, les Lieutenants Hernandez et Ma-Chao et leurs assistantes, Mesdames Humbaco et Stanford, ainsi que... »
Sterling-Price serrait des mains comme lors d’un meeting électoral, le sourire facile et le regard franc. Onawane, derrière lui, complétait et fermait le défilé : Fabio, les Gandhi et Tristo restant en retrait. Stuffy les observa quelques secondes, puis se dirigea vers eux, commençant par le moins dégourdi :
Agent Stuff MacDone, Monsieur... Tristo, c’est cela ?
Vous avez lu ça dans mon esprit ! s’exclama le jeune homme
Heu... non en fait, c’est le colonel qui vous a présenté. Vous êtes du genre inquiet face aux Mentaux, hein ? Rassurez-vous, on peut se la jouer normal de temps en temps.
Fabio Ouli, je vous avoue que c’est assez incroyable de vous rencontrer ici ! Vous ne vous souvenez peut-être pas de moi, mais je suis un bon ami de votre frère, Ralato. On a déjà eu des missions où j’ai travaillé indirectement avec vous.
Désolé, répondit l’autre, la tête ailleurs. Ma mémoire... défaille après toutes les aventures qui nous sont arrivées. Et arrêtez de tester mes murailles ou celle de mon élève, s’il vous plait.
Hé, hé, hé ! Navré, mais les fois où Ralato me parlait de vous, il ne pouvait pas cacher sa frustration de ne jamais vous égaler. Du coup, j’ai... enfin bon, vous comprenez.
Oui. Dites-moi, pourquoi vos capacités sont-elles nettement supérieures à la normale ? Vos coups de tambour contre mes barrières résonnent étrangement fort, je trouve.
C’est un des avantages de posséder un corps fabriqué sur mesure. Le vieux Gandhi nous a expliqué quelques petites choses à ce sujet.
Ah, Viggi, voici LE Fabio Ouli, mon gars ! Il n’était plus en activité quand vous avez connu vos premières missions, mais je suis certain que vous en avez entendu parler.
Le capitaine approchant s’empressa de serrer la main du Mental blond, dédaignant Edmund le temps de réaliser sa présence et de le saluer à son tour.
« Vous êtes le frère du ministre Ralato. Considéré comme le plus fabuleux Mental de tous les temps, classé parmi les défenses stratégiques de MaterOne ! Vous étiez même l’assistant personnel du Chancelier Poféus !
Fabio Ouli. Oui, monsieur, vous êtes connu. C’est vraiment un plaisir de pouvoir vous rencontrer  ! »
Fabio rendit le compliment et Sterling-Price proposa de passer à l’étape suivante : le débriefing entre officiers. Tandis que Tristo et Onawane s’éloignaient avec plusieurs techniciens pour une visite du bâtiment, Stuffy et Viggi échangèrent télépathiquement au sujet de la lieutenante-colonelle :
C’est une Mentale, mais pas encore opérationnelle. Je dirais qu’elle est prometteuse, qu’en pensez-vous, Monsieur ?
Loin d’être moche en plus, sourit Stuffy. Ses défenses sont incomplètes, on peut lire plein de choses à la surface de son esprit. Ça confirme ce que nous avait raconté Gandhi, leurs aventures ont été assez fabuleuse et... oh, la vache !
Ce n’était pas une des commandantes de l’Exode dont elle vient de se souvenir, heu... l’ancienne rebelle ?
Ouaip, la Commandante Benkana. Quand on est Mental, il faut toujours s’attendre à voir des trucs imprévus à l’intérieur de la tête des gens... en tout cas, cette image et ce point de vue risquent de me hanter un bon moment !
C’est quoi çà... Azala ? La Princesse Azala, l’ancienne héritière du trône a disparu chez les Nalcoēhuals ? Vous avez perçu ça aussi, Viggi ?
Non, monsieur, ils sont un peu trop loin pour moi. Gandhi se serait-il gardé encore quelques informations sous le coude ?

On dirait bien, oui. Tu surveilleras les pensées de Sterling-Price pour confirmer ses dires pendant la réunion. J’interrogerai Fabio à part, pendant ce temps-là. Ils nous attendent, allons-y.
Tout en accompagnant le petit groupe vers une salle prévue pour les rencontres, Stuffy ne put s’empêcher de ruminer quelques réflexions. Les défenses de Fabio Ouli, qu’il avait tâté de quelques piques psychiques, ne semblaient pas si robustes que cela. De la même manière, celui-ci aurait dû réagir lorsque les deux agents avaient fouillé l’esprit de son élève. Déjà à l’université, les enseignants détestaient que l’on touche à la psyché de leurs étudiants, c’était une tradition chez les Mentaux.
Ici rien, aucune réaction. À croire que le frère de Ralato n’avait pas remarqué ce qu’il se passait. C’était impensable concernant un être tel que lui et pourtant...
La porte de l’ascenseur se referma derrière eux, laissant l’appareil de transport les emmener au travers des entrailles du vaisseau.

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RedU T1 Ch29 Ep01

Red Universe Tome 1 Chapitre 29 Épisode 01 : « Tremens »

REVEILLE_TOI, ANGILBE !
Que... où... où suis-je ?
Tu es bêtement attaché dans une chambre capitonnée. C’est pathétique.
Je suis... mais...
TAIS-TOI, espèce de MINABLE !
Calande Rorré, d’une nudité absolue, remonta le lit et enjamba la tête du Chancelier Angilbe Poféus pour s’accroupir sur son visage. Entravé et totalement soumis, il exécuta les désirs de sa partenaire, tandis qu’elle ondulait des hanches en ponctuant chaque coup de langue d’un feulement réprobateur ou consentant.
Angilbe ouvrit les yeux et regarda devant lui, soulevant le drap léger étendu sur ses chevilles. Le tissu glissa et il put admirer le magnifique corps de sa maîtresse vu de dos, ses épaules fines et musclées, ses poignées d’amour sensuelles entrainant une croupe hypnotique.
Mais comment pouvait-il être au bout de chaque extrémité du lit en même temps ?

Le buste de Calande se raidit soudain, vibrant de l’intérieur telle la corde d’un arc trop bandée, puis elle se laissa retomber dans sa position précédente, le souffle court. Quelques secondes secondes plus tard, l’amante se retourna négligemment vers lui, une chose sanguinolente dans la main droite qu’elle lui tendit. D’une voix masculine qui n’était pas la sienne, elle demanda simplement dans un sourire  :
« Encore un morceau de foie ? »
« Encore un morceau de foie ? »
Poféus ouvrit les paupières en criant. Il se trouvait dans une petite pièce, attaché sur un lit incliné, plusieurs appareils reliés à lui par des capteurs multiples. Sa tête était entravée, une sorte de cale l’empêchait de fermer totalement sa bouche et sa langue semblait bloquée par un étau. Quatre gardes du corps patientaient à chaque angle des murs et, à leur attitude, ils ne redoutaient visiblement pas un problème venant de l’extérieur. D’ailleurs, l’un d’entre eux voyant Poféus réveillé, abaissa momentanément ses paupières puis les rouvrit, concentrant à nouveau son regard sur le chancelier.
« Des Mentaux, pensa-t-il.
Ralato.
Che... che veux... AMENEZ-MOI CHRALATO ! Enlevez-moi ches encraves ! » ordonna-t-il d’une voix bien plus pitoyable qu’il ne l’eut imaginé.
Aucune réaction de ses anges gardiens. Étaient-ils sourds ? Il ne pouvait bouger réellement que ses yeux, la rotation autorisée de sa tête se limitant à quelques degrés.
« Che — veux — qu’on — m’amène — le — minichtre — Ouli — IMMÉDIATEMENT  ! »
Pas un bruit, pas un mouvement, rien que ces yeux aux larges iris qui l’observaient en silence. Le chancelier comprit que quelque chose n’allait pas, ces hommes-là prenaient leurs ordres ailleurs que de lui, pire, ils avaient visiblement comme instruction de le surveiller. Comment était-ce possible ?
« Traitement spécifique destiné aux patients représentant un danger pour eux ou les autres... »
murmura une voix féminine bien connue aux tréfonds de sa tête, la psychologue parlait. On ouvrit alors la porte, dégageant le passage à une femme médecin et à deux infirmiers aux carrures impressionnantes. Pourquoi n’était-ce pas Ralato ? Les assistants prirent place de chaque côté du lit, tandis que la docteur prenait le pouls et la pression sanguine du chancelier. Celui-ci tenta de se libérer de son carcan, mais il ne réussit qu’à gigoter et les deux hommes en blanc se ruèrent pour le maintenir. Visiblement satisfaite des résultats, la médecin se tourna vers lui.
Chancelier, je suis le Docteur Ahalya. Nous sommes navrés d’avoir dû vous entraver de la sorte, mais c’était pour votre bien et... celui de votre entourage. De quoi vous souvenez-vous  ?
CHE N’AI PAS A VOUS REPONGRE ! CHE-VEUX-RALA...
Le ministre est en route, mais il vient de loin m’a-t-on dit, le coupa-t-elle sèchement. Son arrivée est prévue au plus tôt demain dans l’après-midi. On va vous faire une injection pour vous aider à vous reposer en attendant.
Elle adressa un hochement de tête à un des infirmiers qui se tourna et sorti une seringue hors de la vision du chancelier. Il l’enfonça dans l’un des cathéters de glucose relié au corps d’Angilbe et en pressa lentement le piston pour y mélanger un liquide jaunâtre.
CHE SUIS LE CHANCEYE CHUPREME DE L’HUMANITE ! JE VOUS ORDONNE DE...
Tu ne m’ordonnes rien du tout. Ta petite saucisse toute molle ne m’intéresse plus, reste donc dans ton lit à digérer les morceaux de ta maitresse.
CA... CALANDE ! cria Angilbe. Elle venait de prendre la place de la docteur, tout simplement, sous ses yeux !
Allez mes beaux mignons, venez me baiser à côté. Ne t’inquiète pas, tu seras trop dans les choux pour m’entendre crier.
CALAN... ça...
Tu as toujours été pitoyable, Angilbe, maintenant comme avant. Même si, désormais, c’est devenu plus évident.
Te... tuer... dois...
Ha, ha, ha ! Avec la dose de cheval qu’ils viennent de te mettre, j’en doute. Allez, bonne nuit !

Ahalya se pencha et prit à nouveau la tension du chancelier, puis elle lui souleva les paupières, confirmant la dilatation de l’iris. Sur un signe de sa part, les infirmiers remirent le drap en place, changèrent le coussin et la couche du patient pour uriner et déféquer. Se tournant vers un des gardes Mentaux, elle attesta :
Nous pourrons le faire tenir comme cela encore le temps nécessaire. Cependant, un traitement serait plus indiqué pour...
Restez-en au plan prévu, monta une voix dans sa tête. Le ministre Ouli arrivera bientôt, ne vous inquiétez pas. Merci, docteur.
Dans un soupir, elle attendit que ses assistants terminent le travail puis ressortit à leur suite en fermant la porte derrière elle.

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RedU T1 Ch28 Ep12

Red Universe Tome 1 Chapitre 28 Épisode 12 : « révélations »

La parlementaire nalcoēhuale reprit la parole :
Il sera de nouveau opérationnel d’ici quelques cycles, notre république sait engager les moyens nécessaires à l’accomplissement de ses plans.
C’est aussi cela « la Frayeur » ? interrogea Azala, ayant déjà une idée de la réponse.
Loxa considéra la princesse quelques secondes, comme si elle complétait petit à petit un profil psychologique en vue de monter un dossier.
C’est un concept politique qui consiste à mettre en accusation ceux que l’on appelle « les ennemis de la république et les suspects ». Notre patrie est en danger à la suite du passage de vos amis, à la trahison de l’Empereur-Dieu de Ragnvald et à l’invasion de ces humains mentaux. Plus personne ne peut être neutre, chaque citoyen se doit de tout donner pour la survie commune !
Je vois, commenta pensivement Azala. Donc, être absent à son travail...
... est considéré comme un acte de rébellion contre la cause ! s’enhardit soudain Loxa en frappant du poing sur la table. L’Amiral Huate est auprès des armées afin de purger le haut commandement et de lutter contre les accapareurs ! Il y a trop de rumeurs et de défaitisme dans notre grande nation, nous DEVONS réagir et nous ressaisir. Mais pour cela, les espions, les menteurs et les traitres à la solde de Ragnvald doivent être DÉBUSQUÉS ET ÉCRASÉS sans aucune pitié.
IL EN VA DE NOTRE SURVIE !

Melba et la princesse échangèrent un regard. À un moment de l’Histoire où il aurait fallu le sang froid d’une personne comme feu la Parlementaire Ci’chi, c’était l’exact opposé et la pire configuration possible qui se présentait. Une folle, totalement délirante, se trouvait à la tête de la République nalcoēhuale, elle avait à sa botte une formidable armée et des kilomètres de paranoïa à calmer dans le sang et la fureur. En face, les soldats humains les plus fanatisés, à la tête d’une gigantesque armada, avançaient inexorablement au contact, dirigés par un ambitieux mégalomane, régicide et... parricide.
Azala nota que Loxa semblait trop dépassée par sa propre hargne pour tenter de suivre leurs pensées. C’était plutôt une bonne nouvelle, vu que leur existence à Melba et elle dépendaient entièrement de la politicienne.
Et donc, comment pourrions-nous vous aider ? demanda-t-elle aussi négligemment que possible.
Vous serez nos intermédiaires avec les humains. Lorsque nous voudrons les informer d’une décision, ce sera votre voix qui sera entendue.
Je suis heureuse que vous acceptiez de négocier avec...
Qui parle de négocier ? la coupa sèchement Loxa. Sous la menace récurrente des humains, j’ai jugé qu’il était temps de reprendre ce qui nous était dû.
Un froid glacial remonta l’épine dorsale des deux femmes assises face à la Nalcoēhuale. Celle-ci se leva de son fauteuil et se tourna vers le miroir. L’image d’une petite portion de la coque du Calcatli grossissait, révélant au centre un espace interne d’atterrissage aux multiples éclairages. Vu d’Azala, la silhouette en tenue militaire noire se découpait sur les lumières des projecteurs. Cela lui rappela une série de cauchemars qu’enfant, elle avait eu le malheur de connaitre. C’était à la suite de la lecture d’un ancien recueil religieux conservé au cœur de la bibliothèque Royale, d'un texte parlant de sceaux, de chevaux et d’une bête. Cela disait... disait quoi, déjà ?
Un petit avertisseur clignota et Loxa se retourna presque par dépit pour le presser. Une voix monta alors des hautparleurs aux angles du bureau, immédiatement traduite par les dispositifs que portaient en permanence Melba et Azala.
Ici Huate.
Amiral, c’est une bonne surprise, s’exclama Loxa. J’ai justement face à moi nos deux invitées à qui je venais d’expliquer, à grands traits, nos projets concernant... Veora. Pouvez-vous nous confirmer que les lignes de production fonctionnent ?
Oui, madame, j’appelais à ce sujet. Les crédits ont été multipliés par deux et je suis fier de vous annoncer que les ouvriers font preuve d’un patriotisme exalté au vu du danger que nous courrons. Les cadences n’ont jamais été aussi élevées et j’ai devant moi la quatrième unité de fabrication des Lan’huitls.
Parfait ! Vous entendez ? chuchota Loxa à ses deux hôtes sous le ton de la confidence. Quatre unités de production, conçues en moins d’un cycle et demi !
Et... pouvez-vous expliquer à nos invités en quoi cela consiste, Huate ? Je vois sur leur visage qu’elles ont hâte d’en comprendre les implications.
D’ici deux cycles ce seront quarante Lan’huitls qui seront prêts à partir au combat, puis quatre-vingt dès le cycle suivant, puis encore cent-vingt unités. Finalement, cent-soixante nouveaux appareils sortiront à chaque cycle, lorsque nos lignes de production tourneront à plein régime.
On sentait clairement que le haut gradé vivait son rêve d’enfant à aligner ainsi les chiffres vertigineux. Loxa poursuivit le questionnement dans une sorte de comédie préparée à la seule intention de Melba et Azala ; tous deux semblaient y prendre une satisfaction qui paraitrait puérile, s’il ne s’agissait de personnages si importants. Et les réserves suffiraient-elles compte tenu des évènements de Chilico ? Réponse : oui. Et les marins expérimentés supervisaient-ils la formation des nouvelles recrues ? Réponse : oui, bien sûr, etcétéra, etcétéra...
« Deux des quatre. »
Cette remarque jaillit de l’esprit d’Azala telle une murène-cigale des profondeurs, suivie par le fameux paragraphe qui l’avait tant traumatisé durant sa jeunesse, en entier.

« Alors je vis que l’Agneau avait ouvert un des sceaux, et j’entendis l’un des quatre animaux qui disait d’une voix de tonnerre : Viens et vois.
Je regardai donc, et je vis un cheval blanc, et celui qui était monté dessus avait un arc, et on lui donna une couronne, et il partit en vainqueur, pour remporter la victoire.
Et lorsque l’Agneau eut ouvert le second sceau, j’entendis le second animal qui disait : Viens, et vois.
Et il sortit un autre cheval qui était roux ; et celui qui le montait reçut le pouvoir de bannir la paix de la terre, et de faire que les hommes se tuassent les uns les autres ; et on lui donna une grande épée.
Et quand l’Agneau eut ouvert le troisième sceau, j’entendis le troisième animal, qui disait : Viens et vois. Et je regardai, et il parut un cheval noir, et celui qui était monté dessus avait une balance à la main.
Et j’entendis une voix qui venait du milieu des quatre animaux, et qui disait : La mesure de froment vaudra un denier, et les trois mesures d’orge vaudront un denier ; mais ne gâte point ni l’huile ni le vin.
Et quand l’Agneau eut ouvert le quatrième sceau, j’entendis la voix du quatrième animal, qui disait : Viens, et vois.
Et je regardai, et je vis paraitre un cheval de couleur pâle ; et celui qui était monté dessus se nommait la Mort, et l’Enfer le suivait ; et le pouvoir leur fut donné sur la quatrième partie de la terre, pour faire mourir les hommes par l’épée, par la famine, par la mortalité, et par les bêtes sauvages de la terre. »

Alors que les battants extérieurs se refermaient sur les deux navettes dans un lourd roulement d’engrenages puissants, Azala s’escrimait vainement à effacer cette question de son esprit :
« Deux sur quatre, deux sur quatre... qui sont les deux autres ? »

*

Planète MaterOne,
Palais de la chancellerie, 3 h 15 du matin.

« RALATO, VIENS M’AIDER ! RALATO  ! »
La voix de Poféus se répercuta le long des couloirs vides du grand bâtiment. La souffrance tiraillait chacune des syllabes prononcées suffisamment fort pour entrainer le réveil en sursaut du premier cercle de secrétaires particuliers.
« RALATOOOO ! hurla encore Poféus, RA-LA-TOOOOO ! »
Rapidement, un branlebas de combat illumina toute l’aile du palais, on accourait, armé ou non, vers la chambre centrale où résidait le maitre de ces lieux. La serrure était fermée à clé, mais personne ne répondant aux appels et les hurlements se poursuivant, on décida d’enfoncer la porte.
« LAISSE-MOI CALANDE, LAISSE-MOI ! RALATO, AU SECOURS  ! »
Sous la pression de plus d’une dizaine de personnes, le battant céda dans un craquement déchirant et tous pénétrèrent dans la pièce. Il faisait sombre, seuls des pleurs à demi étouffés indiquaient la position du chancelier, mais une étrange odeur âcre emplissait l’air ambiant à le rendre suffocant aux nouveaux arrivants. Lorsque le premier secrétaire activa le contacteur près de l’entrée, l’horreur de la scène les frappa brutalement. De larges flaques rouges tachaient les tapis, les murs étaient trempés de sang et, au centre du lit, une vision d'épouvante. Un corps gisait, abominablement mutilé, les bras en croix, s'offrant à la vue de tous tel une fleur écarlate. Sa peau avait été arrachée, ses viscères déchirés à coups de dents, certains organes pendaient sur les côtés, ses intestins étaient étendus jusqu’aux pieds du sommier. Ceux qui ne s’enfuirent pas immédiatement de terreur, ou pour vomir à l’extérieur, tournèrent leurs regards vers la forme recroquevillée dans l’angle, à demi caché sous une partie du drap gorgé de sang. Le Chancelier Poféus, nu, les yeux grand ouverts à la limite de l’affolement, mastiquait nerveusement un morceau du foie de la Capitaine Fakir.
« C’est elle, c’est... c’est CALANDE ! Elle me veut du mal... beaucoup de mal ! Elle a dit...
Non, vous... vous ne comprenez pas, elle est terrible !
... vous ne comprenez pas, non, vous ne pouvez pas...
... Ralato... amenez-moi Ralato...
JE VEUX RALATO, MAINTENANT  ! »

Fin du chapitre 28

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