Red Universe Tome 1 Chapitre 28 Épisode11 : « dévoilement »
Azala et Melba s’arrêtèrent passée l’entrée de la double porte. Elles se retrouvaient de nouveau dans le bureau de la Parlementaire Loxa, pour un second tête à tête. Cette fois-ci, pas de petit déjeuner prévu, la maitresse officieuse de la République nalcoēhuale les attendait assise dans son fauteuil, le dos droit, sanglée dans une tenue sombre seyante totalement différente de celle de leur précédente rencontre. Les deux femmes notèrent immédiatement les petits symboles géométriques sur les épaules et le torse, même son foulard bien ajusté arborait une marque colorée sur le côté gauche. Cette tenue faisait furieusement penser à un uniforme militaire : de responsable d’un parti extrémiste, Loxa se transformait en chef de guerre.
« Ne sous-estime jamais l’orgueil et la cupidité des hommes, ma chérie. Ils font partie des plus puissantes variables de nos sociétés, d’où qu’elles viennent », lui avait un jour soutenu en aparté son père, le roi Magnam IV, alors qu’un groupe de Représentants barbanes venait quémander des subsides. Visiblement, ce trait n’était pas particulier aux humains...
Mon amie, l’ambassadrice de l’Exode, et son assistante. Soyez les bienvenues ! déclara la politicienne, faussement enjouée.
Parlementaire, c’est un plaisir toujours partagé. Nous ne nous attendions pas à vous revoir si tôt étant donné que notre dernière rencontre date d’hier seulement. Les journées de Ti’ltchiti ont beau être plus courtes que sur Veora, la symbolique reste la même.
Tss, tss, tss, fit l’autre en levant un index en signe de négation. Ne me parlez pas de notre bien le plus précieux que vos ancêtres nous ont dérobé il y a bien trop longtemps. C’est d’ailleurs une partie du sujet pour lequel je voulais vous recevoir, mais installez-vous donc...
Elle présenta d’un signe les deux fauteuils face à son bureau et patienta qu’Azala et Melba soient assises pour poursuivre.
Nous avons beaucoup réfléchi à vos remarques et conseils et nous avons d’ores et déjà tenté d’en appliquer quelques-uns.
Ah ? Veuillez m’excuser une petite minute...
La parlementaire ferma les yeux, communiquant visiblement avec l’esprit d’une personne extérieure à la pièce. Azala en profita pour noter les changements depuis leur dernière visite. La table à déjeuner n’était plus là, ni les chaises, et l’on avait réparé le miroir derrière Loxa. Le plus remarquable fut les tableaux holographiques qui n’affichaient désormais que des cartes spatiales, des positions d’armada et des tracés délimitant zones et trajectoires. Les scènes nostalgiques avaient cédé la place aux batailles bien concrètes. Du coin de l’œil, la princesse surprit Melba à détailler également une des représentations, plus particulièrement un des coins inférieurs droits où brillait un petit point rouge. Azala tenta de le situer par rapport au centre — représentant Ti’ltchiti — selon l’inscription à côté ; la distance était grande avec la position qui intéressait Melba, de quoi pouvait-il s’agir ? Soudain, elle comprit : c’était une planète qui tournait autour d’une étoile à faible intensité, d’après les quelques informations qu’elle pouvait traduire. Antares IV, nommée Calpalco par les Nalcoēhuals, se trouvait donc en bordure de la zone que la république considérait comme dépendant plus ou moins d’elle. Cela représentait un mauvais point pour l’avenir même si, présentement, aucune escadre ou aucun bâtiment quelconque ne semblait se diriger ou surveiller cet endroit. En fait, toutes les Forces nalcoēhuales se regroupaient plus haut, à faible distance d’une masse lumineuse de multiples positions qui s’enfonçaient telle une flèche dans la moitié gauche de la carte.
L’armada de Poféus...
Donc...
reprit Loxa en ramenant brusquement Azala autour de la table. Depuis combien de temps avait-elle cessé son message et les observait-elle ? Elle tentait certainement de décrypter encore et toujours les pensées de la princesse. Semblant ne pas remarquer la réaction d’Azala, la parlementaire poursuivit :
... je vous ai fait venir, car nous considérons que vous aurez un rôle à jouer dans la suite du plan que nous avons établi. Je dois d’ailleurs vous féliciter, le Comité de salut public s’est révélé sensible à votre discours prononcé devant la représentation nationale. Vos capacités d’oratrice, ainsi que votre fidélité à Madame Melba, vous ont même valu des éloges !
Vous m’en voyez flattée, répondit prudemment Azala. Et quelles sont les grandes lignes de votre... « plan » ?
Chaque chose en son temps, vous l’apprendrez assez tôt. Par ailleurs, on m’avertit que la séquence de séparation est prête à être exécutée. Verrouillons donc nos ceintures — c’est une simple mesure règlementaire, nous ne devrions rien ressentir.
Melba fut la première à extirper les deux lanières de chaque côté de son assise. Une fois les attaches magnétiques refermées, elle se pencha pour aider sa voisine, lui murmurant tout bas :
« Regardez les supports de nos fauteuils ».
Azala remarqua qu’en effet, ils se retrouvaient comme fondus dans le sol, alors qu’ils étaient mobiles, sur des dispositifs de lévitation à leur arrivée. Au même moment, une infime secousse parcourut la pièce... puis ce fut tout. Face à elle, Loxa demeurait imperturbable, un discret sourire de façade affiché pour la forme, elle profitait de ce qu’elle considérait comme un temps libre pour ranger quelques documents et dossiers sur sa table. Ce ne fut que lorsqu’elle referma le tiroir sur les petits blocs mémoires qu’Azala posa enfin la question :
Que se passe-t-il ? Des ceintures, une secousse, cet uniforme... Loxa, nous avions décidé de nous parler honnêtement, je pensais. N’est-ce plus le cas ?
Oh ? Je ne croyais pas avoir besoin d’apporter des explications, c’est quelque chose d’assez commun sur Ti’ltchiti, déclara-t-elle d’une voix faussement compatissante. Laissez-moi vous éclairer.
Que de mesquinerie, se dit Azala, mais elle n’eut guère le temps de creuser plus le sujet que la Nalcoēhuale appuyait sur un petit bouton caché sous son bureau. Immédiatement, le miroir et les deux grandes représentations s’effacèrent pour laisser place à l’espace extérieur. La princesse se raidit, ce qui eut pour effet d’accentuer le sourire de Loxa, avant de comprendre. De chaque côté, on pouvait voir s’étendre l’immense capitale administrative et économique de la république. Des bâtiments amassés les uns sur les autres, dans une logique d’emboitement plus que d’esthétisme, clignotaient de mille feux face à l’infini d’où quelques lumières fugitives pulsaient parfois, à l’occasion de sorties de Transition.
Melba posa des mots sur ce qu’elle parvenait à comprendre :
Nous nous déplaçons, votre bureau est-il une forme de... navette spatiale ? Bien pratique, dites donc.
En fait, répondit Loxa en maitresse d’école, tout Ti'ltchiti est conçu ainsi depuis les origines. Si nous en avions eu le temps, je vous aurais personnellement fait visiter la vieille ville, le centre historique de la cité. Vous auriez pu admirer les vaisseaux de nos ancêtres qui avaient servi de structure de base pour rapprocher Citlalincue et Citlaltonac, les deux astéroïdes sur lesquels s’est construite la capitale.
Malheureusement, notre programme est trop chargé dorénavant.
Azala nota, avec une certaine appréhension, qu’il n’était plus question de revenir sur place pour une future séance touristique. Que projetaient donc leurs hôtes ? Les yeux de la Nalcoēhuale s’agrandirent tandis que le chatouillement dans les tréfonds de l’esprit de la princesse reprit de plus belle. L’autre lisait en elle comme un livre ouvert, viendra un jour où la structure des pensées humaines serait finalement accessible à ceux de sa race et alors...
Loxa poursuivit, ayant visiblement compris la thématique générale des réflexions de son invité :
Vos effets ont d’ores et déjà été transférés sur une navette qui nous accompagne. Vous serez installée proches de mes quartiers sur notre destination, nous aurons tant de choses à partager...
Pourquoi cette dernière phrase fit-elle frémir Azala, était-ce le sourire carnassier de la politicienne ?
Et cette destination, intervint Melba, quelle est-elle ?
Normalement, vous devriez la voir derrière moi. Elle se trouve sur une partie de nos chantiers de rénovation — les autres se situant ailleurs dans le Cercle de Khabit.
Je n’aperçois que quelques lumières, nous sommes encore loin, constata la Lakedaímōn.
Certes. Oh, tenez, quand je disais que vos effets nous suivraient ! s’exclama-t-elle en pointant du doigt quelque chose sur leur droite, un peu en retrait.
La navette en question n’avait absolument rien d’exceptionnel, il s’agissait d’un modèle standard de la taille d’un chasseur, mais sans le profil de ce dernier. Le spectacle derrière les deux appareils, par contre, donnait la pleine mesure des dimensions de Ti’ltchiti. La mégapole éclairait littéralement tout ce qui traversait l’espace environnant avec l’intensité d’une petite lune réverbérant le soleil. Ses plus hautes tours ne représentaient rien de plus que de légères excroissances dans sa masse, au même titre que les immenses docks spatiaux où plusieurs croiseurs de Poféus pourraient se poser côte à côte. La ville géante poursuivait d’ailleurs son expansion, comme en témoignaient les constructions aux pôles encore dénudés des deux astéroïdes.
Le « bureau » de Loxa vira sur bâbord, suivi par la seconde navette et l’écran miroir projeta alors une tout autre image de ce qui se trouvait face à eux. La vision troubla Azala et sa garde du corps qui murmura à son intention :
Madame, ça ressemble énormément à ce que décrivaient les rapports des premières rencontres de l’Exode avec la République nalcoēhuale.
Est-ce ce gigantesque vaisseau vers lequel nous nous dirigeons ? demanda la princesse, aussi simplement que la situation le lui permettait.
Tout à fait, répondit orgueilleusement Loxa. Nous le nommons le Calcatli, c’est la fierté de notre flotte. Il va désormais être notre nouveau lieu de vie à toutes trois. C’est une forteresse plus à même d’assurer notre sécurité en cette période de « Frayeur ».
On dirait qu’il a rencontré tout de même quelques problèmes récemment, nota perfidement Melba.
En effet, sur tout le flan avant droit fourmillaient de très nombreux systèmes automatiques de réparations. Plus elles s’approchaient du géant de l’espace — de la taille de deux, voire probablement trois transporteurs — plus les cicatrices prenaient, elles aussi, des proportions dantesques. Même Azala, peu rompue à l’étude des structures de coques, savait reconnaitre les parties remises à neuf de celles d’origine et ce qu’avait subit ce « Calcatli » dépassait les dommages communs. Les dimensions étant ce qu’elles étaient, d’immenses projections de soudures et autres découpes ne représentaient, à l’échelle du formidable engin, que de petites étincelles dans un feu de cheminée. La princesse estimait à vue d’œil qu’un tiers des chantiers de rénovation avait été réquisitionné pour les réparations de ce monstre, avec tout ce que cela engageait comme ressources...
« ... c’est un travail titanesque... »
ne put-elle s’empêcher de reconnaitre à faible voix. Melba hocha positivement de la tête, quant Loxa se redressait légèrement sous une nouvelle bouffée de fierté.
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SOUTENEZ REDUNIVERSE ! Prod: podshows, Réa: Raoulito, Relecture: iGerard,TheDelta,Coles - Acteurs : Tristan: narration, Azala : Elioza, Loxa : Eloanne, Melba : RanneM, Derush/montage : Guilitane/Destrokhorne, Musiques: VG, Ian, Cleptoporte, Pia
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