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Le vaisseau avançait à bonne vitesse vers un des anneaux diagonaux, sur bâbord. L’ex-croiseur pirate était équipé d’un ancien convertisseur de lithium encore robuste et capable de parfaitement remplir son office permettant de pomper une part significative de combustible. Autour de lui volaient un chasseur lourd et deux chasseurs légers, en formation, lui servant de garde rapprochée, mais pas seulement: le croiseur pouvait très bien se passer d’anges gardien: la zone était généralement sure, une sorte tradition d’accalmie pour les marins de l’espace, où la neutralité de chacun était respectée, et il était quand même suffisamment armé pour faire face à une petite flotte!
Le politicien Junta, commandant du Transporteur numéro quatre, admirait sur l’écran de contrôle central “Vegas IV” dans son intégrité. La planète était difforme, certes, mais avec une certaine profondeur au niveau des couleurs: tel un tableau de Maître surréaliste ou des billes d’agates de différentes teintes seraient imbriquées les unes dans les autres, une lueur irradiant de l’intérieur. Ajoutez à cela les multiples anneaux brillants et clignotants, et le Maître surréaliste aurait pu vendre son tableau une petite fortune aux amateurs de visions étranges et futuristes.
D’ailleurs il lui semble que cela à déjà été fait il y a quelques années..
“ Regardez cela Junta!”
Les écrans secondaires montraient le chasseur lourd effectuant une pirouette suivie d’un looping serre, avant de se retrouver dans sa position initiale.
Junta soupira, le General Décembre était un enfant trop gâté, il lui manquait les sensations de vol que l’on a dans ces chasseurs, et il avait profité de la petite sortie pour se dégourdir les ailes.
“ Décembre à Junta: Je vous laisse poursuivre la visite du vaisseau, vous serez sur la zone d’extraction d’ici 20 minutes, je vais en profiter pour pousser un peu mes moteurs, nous nous retrouverons là-bas!
-Avec plaisir Général, amusez-vous bien!”
Et Décembre mis les gaz, partant avec son copilote en direction des anneaux pour certainement une petite virée pleine d’acrobatie..
Junta tourna des talons et sorti du centre de commande.
Les couloirs avaient été repeints, les tags ou symboles rayés ou frottés, le moindre signe du passé pirate de ce croiseur avait été tronqué ou effacé et on l’avait même rebaptisé “Reine Margat” en souvenir d’une ancienne souveraine de MaterOne. Déjà en soit, ce nouveau nom en référence à l’ancienne Royauté absolue, balayée par le Révolution Castiks était tout un symbole. Junta fronça les sourcils: Décembre était trop volubile, à la limite de l’impulsif, il risquait de poser plus de problèmes à résoudre que de solutions.
Montant un escalier en métal, le politicien ouvrit le sas de protection pour l’alcôve d’observation, une sorte de bulle placée au dessus des radars et destinée aux accostages sous Transition. Seule la vue optique fonctionne à peu près dans ces moments là, les radars étant trop brouillés par les interférences..
L’ouverture du dôme se déroula en douceur, tel un bel engrenage bien huilé et Junta se retrouva comme debout au milieu du vide.
Etrange sensation de solitude et de modestie devant la puissance et l’immensité de l’Univers.
Vraiment Vegas IV lui plaisait de plus en plus, à chaque regard elle semblait dévoiler à ses yeux un peu moins de pudeur.. Il y avait de la grâce dans ces anneaux, et son coté boursoufflé, mais nuancé de couleurs et de lumière, lui faisait penser à une opération chirurgicale destinée à assurer de belles formes.
Au loin, vers tribord, il voyait les traînées laissées par Décembre au milieu des morceaux de glace et des blocs de Lithium ou de diamants entre lesquels ils ondulait tel un enfant jouant dans l’eau.
A l’arrière on pouvait nettement apercevoir les deux transporteurs géants, ces masses de métal de millions de tonnes encore imposantes malgré la distance et destinées à emporter tant âmes vers un futur meilleurs.
Quelle ironie, lui qui avait tourné si souvent sa veste pour se placer du bon coté venait de choisir l’Exil. Il n’était pas certain de son choix, mais il pressentait que quelque chose de grave allait advenir à MaterOne et que l’inconfort -tout relatif- de son poste et sa fonction ici, valaient mieux à long terme qu’une situation de haut responsable sur la planète mère. Il était entré dans la politique depuis trop longtemps pour ne pas prêter attention à ses intuitions.
L’avenir dira qui avait raison.
Et enfin, presque au dessus de lui, alors qu’on pouvait voir les constellations du Globos et de Vatine, reconnaissables par leurs formes de casserole, apparaissait les sombres nuages rouges annonciateurs de la passe de Magellone.
Souvent utilisée lors des voyages spatiaux, plutôt risquée par la présence de pirates et les interférences multiples, la Passe est une sorte de faille dimensionnelle naturelle. Elle reproduisait en quelque sorte ce que l’on obtenait avec un compresseur, d’ailleurs elle avait un peu inspiré les recherches sur cette technologie en en démontrant les possibilités infinies.
Mais comparer la Transition aux phénomènes se déroulants dans le Passe revenait à mettre cote d’un éléphant des plaines, une croasouris des étangs..
La Passe était une puissance emportant à des milliards d’années lumières en quelques minutes, ce qu’aucune Transition ne saurait faire!
et enfin, une fois dedans, le Temps disparaissait…
Au propre.
Dans la passe, la notion même de Temps n’existait pas, et l’on pouvait parfois y avoir de mauvaises surprises.