Red Universe

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La plus grande saga intergalactique jamais racontée en podcast

raoulito

Des réfugiés vont découvrir les secrets enfouis sous des années d’oublis et de honte. Confrontés à des choix et des conflits sur leur modèle de société, ils avanceront vers leur but ultime, là où se concentrent leurs espoirs : la planète rouge. Chapitres entiers http://reduniverse-chapitres.podcloud.fr Chapitres spéciaux http://reduniverse-speciaux.podcloud.fr Et pour plus d’immersion, les livres illustrés http://reduniverse.fr/livres-numeriques/

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RedU T1 Ch25 Ep09

Red Universe Tome 1 Chapitre 25 Episode 9 " AllocutionS (2)"

À bord de la corvette de Ragnvald, qui ramenait Artoc sur Monte-Circeo.
Votre Majesté, je sais que vous êtes tout et partout... mais depuis que j’ai le plaisir de vous servir, j’ai pu développer une sorte de... conviction, lorsque des soucis trop importants vous accaparent.
Si je peux vous apporter mon aide, n’hésitez jamais !
Mon brave Artoc, répondit simplement le Gandhi à ses côtés.
Le nalcoēhual reconnut cette sensibilité dans la voix artificielle, une émotion diffusant au travers de l’électronique, quelque chose… d’humain.
« Je suis votre obligé, Sire. » se contenta-t-il d’ajouter, tandis que la corvette effectuait un nouveau saut de Transition, légèrement plus rapide que d’accoutumée.
Quelle raison aurait-on d’accélérer ?

*

Parlement nalcoēhual.
« QUI SOMMES-NOUS ? Qui sont-ils ? Et, encore plus que cela, mes amis élus de la république, que désirons-nous devenir au plus profond des fibres de nos êtres ? »
Loxa, la civière flottante installée devant le pupitre précédemment occupé par l’avatar de Godheim, tenait un discours d’autant plus passionné que son état le rendait poignant.
« Suis-je la seule à penser que dans l’attente du jour où notre armée projettera enfin son ombre sur les plaines de Veora, nous devons nous sacrifier dans l’accomplissement de cet objectif ? Qu’il en allât de notre existence, de notre raison d’être ou, au moins, du respect de nos ancêtres ?
Ragnvald nous a aidés par le passé, parait-il. D’accord... même si aucune preuve ne soutient cette assertion, la géographie spatiale autorise à en tenir compte. Mais alors... plutôt que de nous imposer la proximité de cette race humaine abjecte, plutôt que de restreindre notre propre expansion, pourquoi l’Empereur-Dieu ne nous assisterait-il pas dans la reconquête ? »
Au pied de l’estrade, à quelques mètres du siège de Ci’chi qui suivait le discours, tétanisée, Azala, Melba et Gandhi attendaient. Les traducteurs automatiques effectuaient leur office, à partir de la synthèse vocale des pensées de Loxa, et la princesse sentait bien que quelque chose dans l’air respirait le coup politique. Pas besoin d’être une habituée des Nalcoēhuals pour analyser l’ambiance d’un hémicycle parlementaire. Ce fut Melba qui se pencha vers elle la première, chuchotant à son oreille :
Madame. Des soldats épaulent les greffiers aux entrées. Je n’aime pas ça : nous serions facilement encerclées et nous avons laissé toutes nos armes dans le croiseur.
Je vois... murmura Azala. Merci, mon amie, de toute façon nous ne sommes pas venus combattre, pas comme tu l’entends. Maitre Gandhi ? ajouta-t-elle sans hausser le ton.
Princesse ?
Les Nalcoēhuals communiquent par ondes mentales. Je suppose que l’on ne parle à voix haute que de manière secondaire... Comment pourrais-je prendre la parole ?
Vous ne le pouvez pas, répondit-il en souriant. Enfin, pas légalement. Ils ont des systèmes permettant aux signaux psychiques de se propager et ce sont les greffiers qui s’occupent de sélectionner l’orateur.
Allons, Maitre Gandhi, ne me dites pas que ce serait quelque chose d’insurmontable pour vous ? ajouta-t-elle, espiègle.
Laissez-moi quarante-trois secondes et quelques dixièmes...
Parasiter le fonctionnement des amplificateurs fut simple, les panneaux de contrôle traversaient dans la paroi derrière eux. La demande d’aide rapide à Fabio le Passeur pour se synchroniser avec les pensées de la princesse fut accueillie favorablement par celui-ci et, donc :
Dès que vous serez prête, le signal court-circuitera Loxa. Je vous conseille la prudence, ce genre d’action n’autorise pas de second essai, prévint l’Empereur-Dieu.
J’en suis consciente. Une dernière question : « Veora » serait-elle la planète MaterOne ?
...
Empereur-Dieu ?
En effet, Princesse. Veora était bel et bien « à eux », avant l’arrivée des humains. Nous n’avons pas encore trouvé... l’occasion d’en parler.
Nous l’aurions eu si vous l’aviez désiré. Mais c’était de toute façon inutile : les archives royales le sous-entendaient souvent ; merci donc pour la confirmation. Maintenant, préparez-vous...

*

Depuis sa grotte au cœur de Monte-Circeo, Godheim recevait les premières analyses de ses corvettes en patrouille. Des traces de Transition, mais d’une signature énergétique nouvelle. Quelque chose de plus fluide que la technologie nalcoēhuale œuvrait ici, quelque chose qui se déplaçait selon une trajectoire dont la destination devenait évidente.
Il prévint Artoc à bord de l’appareil les ramenant.
Mon fidèle ami, je crains que nous ne soyons suivis par quelque chose. Nous pourrons lui échapper à condition d’accélérer les périodes d’intersaut. Ce n’est cependant pas conseillé, tu le sais.
Si vous le jugez nécessaire, alors je l’accepte.
Bien... ah, trop tard !
Une salve détruisit l’étambot de la corvette, obstruant sa propulsion standard et ses réserves de carburant. Dans une ultime manœuvre d’évitement, Godheim réussit pourtant à activer la Transition et pousser l’appareil dans son avant-dernière étape avant la planète mère et ses redoutables défenses.

*
Parlement nalcoēhual.
... et j’ai encore plusieurs informations que je compte partager avec vous en temps et en heure pour étayer ma position, mes chers compagnons. Je vous demande cependant de faire bien attention : certains parmi nous cachent, sous des apparences de modération, une pure complicité que je me ferai fort de qualifier de trahison ! Et...
... et nous nous excusons !
La voix de la princesse prit soudain possession de tous les esprits, résonnant au travers de la salle comme dans les têtes. La stupeur se dépeint sur le visage de certains, la surprise sur d’autres. Gandhi traduisait à la volée tandis que les synthétiseurs exprimaient automatiquement les pensées d’Azala.
« Je viens représenter devant vous la race qui a chassé vos ancêtres de leur monde. Je suis la descendante directe du premier roi humain à la tête de MaterOne, la planète que vous connaissez sous le nom de Veora. Fille de Phoméus Archibald Magnam IV, arrière-arrière-petite-fille de Magnam I, je suis la Princesse Azala Lanik Magnam V.
Je... je ne suis pas capable de vous rendre votre terre natale. Je n’y ai plus aucune influence depuis qu’une révolution a balayé les restes d’un pouvoir corrompu pour le remplacer par un autre, dictatorial. Je doute d’ailleurs que celui-là vous soit favorable d’une manière quelconque.
Mes amis et moi-même, à bord de sept transporteurs que vos forces ont tenté de détruire, avons aussi été chassés de Veora. Le nouveau gouvernement nous avait donné le choix entre partir ou périr, à plus ou moins longue échéance, dans ses geôles. Alors, suivant vos traces sans le savoir, nous nous sommes élancés à bord de ces vieux engins désarmés pour traverser l’univers et rejoindre, de l’autre côté, une petite planète à peine habitable. C’est ainsi que nous avons découvert votre existence et tenté de prendre contact, car nous venions en paix. »
Sans hésiter, Azala gravit les marches de l’escalier une à une, soulevant sa robe du bout des doigts tandis que Melba bloquait sans ménagement le passage à quelques huissiers, affolés par cette entorse au protocole.
Lentement, la princesse se plaça face à Loxa. Les yeux nalcoēhuals étaient aussi expressifs que ceux des humains et, malgré la profusion de bandages, le regard haineux de la députée ne laissait aucun doute. De borborygmes et de tremblements, la chef extrémiste extériorisa par son corps ce que sa voix ne pouvait formuler, faute de muscles du visage viables ou de télépathie ouverte sur les autres. Elle tenta même de pousser la princesse hors de l’estrade en usant de son fauteuil flottant, mais celle-ci n’eut qu’à avancer sa longue et fine jambe pour bloquer l’engin.
Encore une chose que la « nouvelle » physiologie nalcoēhuale, trop tassée, n’autorisait qu’avec difficulté, contrairement à celle des humains.

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RedU T1 Ch25 Ep08

Red Universe Tome 1 Chapitre 25 Episode 8 " AllocutionS "
Le Parlement nalcoēhual grouillait aujourd’hui d’une excitation toute nouvelle. Les élus échangeaient à voix haute tandis que l’espace psychique était empli de conversations que les amplificateurs soutenaient difficilement. Les quatre-cents parlementaires (présents physiquement ou mentalement) s’impatientaient dans l’attente de ce moment historique : la première rencontre de l’illustre assemblée avec un représentant humain depuis tant de cycles que l’on en disait le compte exact perdu. La présence de l’Empereur-Dieu de Ragnvald passait presque inaperçue à côté de la première annonce et pourtant ce serait lui qui introduirait la séance par son discours. Pas question pour Godheim d’utiliser cette fois la puissance du Passeur pour impressionner les élus, ce serait du plus mauvais effet.
L’hologramme géant du drapeau nalcoēhual emplit l’hémisphère signalant l’ouverture des débats. Un des huissiers lui fit signe et Gandhi, l’avatar petit-vieux de l’Empereur-Dieu, monta douloureusement jusqu’au pupitre les marches proportionnées à ce peuple. Il ne ressentait pas vraiment de douleur, mais la programmation de cet androïde incluait certains automatismes simulant la souffrance d’après les conditions de pression aux articulations. Cette apparence maligne, voire chétive, réduisait toujours les sentiments agressifs de ses interlocuteurs, enfin... chez les humains. Les Nalcoēhuals ne seraient pas aussi réceptifs à ce genre d’astuce, d’autant que les rumeurs captées par-ci par-là sur l’immense toile de l’Empereur-Dieu confirmaient les dires de la parlementaire Ci’chi. Loxa avait survécu et son bilan prêtait à l’optimisme. Elle avait reconnu la main de Godheim dans l’attentat de Pepapaltec et cette politicienne enragée risquait de rapidement poser des problèmes.
Obligation était donc faite à la princesse Azala et à lui-même de faire bonne impression.
« Hum... Représentants de la glorieuse nation nalcoēhuale, c’est pour moi un honneur infini que d’être autorisé à m’exprimer officiellement devant cette assemblée. Le simple fait que vous m’ayez ouvert ce droit me pousse à croire que quelque chose est en train de changer, quelque chose que je vois comme bien et encourageant. »
Petite pause. Le silence de l’hémicycle en devenait presque assourdissant, au niveau des meilleurs cérémonials en son nom dans l’empire, se dit Godheim.
L’Empereur-Dieu se plaisait à présenter sa personne comme divine, il s’appuyait pour cela (entre autres) sur le réseau d’informations le plus dense de l’univers connu. C’était une profusion de stations-relais, de censeurs, d’intelligence artificielle dissimulée même dans les boutons de porte qui se croisaient le long d’immenses tunnels de transmission quantiques. Multiplexées, regroupées puis triées, elles aboutissaient au cœur de la planète Monte-Circeo, centre de l’empire, dans la spectaculaire caverne où se dressait la statue phallique vivante du cyborg nommé Godheim. Alors qu’il pilotait son avatar devant le parlement nalcoēhual, il échangeait avec son fidèle Artoc dans la corvette bientôt de retour ; mais il surveillait également la distribution de nourriture dans les cantines communales de plusieurs colonies et modifiait la composition des patrouilles à la périphérie de Ragnvald. Tout cela simultanément, bien entendu.
Sur Ti’ltchiti, il reprit la parole.
« Certains murmurent que je serais une sorte de dictateur qui tendrait des pièges dissimulés dans d’autres pièges à mes voisins, dont vous êtes. Ces mêmes personnes semblent me prêter de mesquines volontés expansionnistes contre la République nalcoēhuale et le Cercle de Khabit...
Que cela est mal connaitre la morale inhérente à Ragnvald ! Que cela est oublier qu’il y a trois-cent-vingt-quatre cycles et douze décades, JE vous ai aidé à franchir ce qui était DÉJÀ l’Empire de Ragnvald, allant jusqu’à prêter assistance à vos blessés et vous fournir nourriture et protection après vos traversées épiques de la Passe de Magellone.
Demandez donc à vos archives, vos traditions orales ou, simplement, à vos anciens... tels que la parlementaire Ci’chi ici présente, qui soutient le principe de l’évènement que nous vivons actuellement.
Mon intervention en ce lieu est, à mes yeux et j’espère aux vôtres, un gage de nature divine à votre jeune république. Je vous reconnais, je vous respecte et je veux que vous prospériez dans le respect de tous : vous, moi... et nos nouveaux voisins ! »
Un brouhaha s’éleva alors que Gandhi ponctuait ces derniers mots, entrainant l’émission d’un « dong ! » psycho-sonore depuis l’hologramme du drapeau : on réclamait un retour au calme. Les Nalcoēhuals avaient du mal avec la notion de partage. Leur installation dans cette zone inhospitalière avait été longue et rude et l’on pouvait comprendre que la proximité de nouvelles races leur soit difficile à accepter. Mais il venait d’en ouvrir la voie et s’était mis en retrait ; la charge revenait maintenant à la jeune princesse de prouver sa capacité à se faire une place.

Dans sa caverne sur Monte Circeo, Godheim étudiait également les dernières informations en provenance de ses espions et sondes implantés dans l’espace humain. Les nouvelles arrivaient en fréquences régulières avec un décalage de quelques semaines, compte tenu de la traversée de la passe. Pour l’instant, rien d’intéressant à signaler. En fait, c’était d’abord la Flotte mentale qu’il surveillait avec attention. Elle venait de franchir Magellone et faisait route vers Antarès IV (destination de l’Exode), sans se douter que ce chemin croiserait les lignes nalcoēhuales. Et ils allaient vite, aussi vite que les rapports de ces dernières années l’avaient prévu.
Soudain, une trentaine de stations d’écoute disposées avec régularité le long d’une voie discrète entre Ragnvald et Khabit stoppèrent toute émission. Il mesura un décalage d’une virgule vingt-sept secondes entre chaque arrêt, dévoilant la progression de quelque chose. Godheim ordonna immédiatement à plusieurs corvettes proches de cette zone de se rendre sur place. Une tempête électromagnétique pouvait avoir entrainé cet incident, mais aucun autre écho hors de cette région ne lui était parvenu. Étrange.

« ... et c’est ainsi que j’ai préféré non pas poursuivre le statuquo, mais simplement montrer à deux peuples que le dialogue prévaut toujours en première instance. Et c’est dans ce but que je me suis présenté humblement devant vous... accompagné de celle que vous attendez certainement avec impatience. »
Nouveau brouhaha, cette fois plus sourd, plus révérencieux. Une civière flottante, inclinée vers l’avant, pénétrait en flottant dans l’hémicycle, par l’entrée principale réservée aux élus. Un grand tableau lumineux annonça la retardataire : « Député Loxa, Extrême haut ».
Du fond de sa caverne, l’Empereur-Dieu grommela tout seul, mais son avatar ne se décontenança pas.
Je me permets donc de céder la place à celle qu’il serait juste de considérer comme... le début d’une ère de prospérité mutuelle. Mesdames et messieurs les parlementaires, merci encore pour cette occasion qui, j’en suis sûr, ne sera que la première d’une longue nouvelle histoire commune.
Je réclame l’instauration d’un vote pour modifier l’ordre du jour !
Le message psychique avait fusé de tous les amplificateurs, en priorité, preuve qu’il était prévu au moins par les huissiers responsables des systèmes. Tous en reconnaissaient évidemment la voix, s’étant même préparés à l’entendre à un moment ou à un autre. Sur un des bancs du premier rang, Ci’chi se leva, adressant un regard plein de reproches à Loxa dont le corps bandé de toutes parts se dressait en haut de l’escalier central. Elle l’interpela psychiquement comme ce genre de situation le requérait :
Parlementaire Loxa, nous sommes heureux de voir que, malgré vos lourdes blessures, vous pouvez venir assister à cette séance. Cependant, et tout en respectant votre condition actuelle, je réclame à la présidence de sursoir à toute intervention avant la fin du programme tel qu’il a été accepté préalablement. Loxa aura tout loisir de...
Quand nous avez-vous trahis, Ci’chi ? la coupa la voix, sèchement. Mais que faisaient les huissiers assignés aux amplificateurs ?
Je ne vous permets pas de lancer de telles accusations, Loxa. Votre état semble incompatible avec une bonne tenue de nos...
Qui veut que je prenne la parole immédiatement et que nous votions avant que le perfide venin de Godheim, de Ci’chi et de cette... humaine ne se répande dans nos oreilles ?
LOXA ! VOUS DÉPASSEZ LES BORNES ! hurla mentalement Ci’chi, outrée par le comportement surréaliste de sa collègue. J’en appelle à la présidence pour interrompre le déplorable spectacle que nous donnons en ce moment à nos invités !

Les trois intelligences artificielles qui présidaient à la bonne tenue des séances de l’assemblée des élus nalcoēhuals ne semblaient rien trouver à redire à cette monopolisation parfaitement abusive du règlement... ajouté au comportement biaisé des greffiers, Ci’chi éprouvait la désagréable sensation qu’un complot ourdi à l’avance se déroulait en direct.
L’hologramme central se transforma alors pour le décompte des voix, stupéfiant la parlementaire.
Sous ses yeux ébahis, elle vit une écrasante majorité de l’assemblée se concentrer pour activer les votes.
« Mes... mes amis ? Mais par les dieux, que faites-vous ? »
Le compteur afficha rapidement les résultats :
POUR : 294 voix,
CONTRE : 102 voix,
ABSTENTION : 4 voix
La mention : « La modification de l’ordre du jour est acceptée. La parole est à la parlementaire Loxa », apparut sur toute la largeur de l’hémicycle, tandis qu’une voix automatique l’annonçait dans l’esprit de tous.
L’avatar de Godheim descendit lentement de son pupitre, rejoignant Azala et Melba qui saisissaient sans trop de difficultés que la situation évoluait très mal.

Quelque part entre les deux grandes civilisations de Ragnvald et de Khabit, plusieurs corvettes sortirent de Transition à quelques centaines de mètres des restes de trois transpondeurs. Sur les débris, d’évidentes brulures d’impacts ne laissaient aucun doute quant à l’origine de leur interruption d’émission.


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RedU T1 Ch25 Ep07

Red Universe Tome 1 Chapitre 25 Episode 7 " Fantôme "

Poféus cligna des yeux, incapable de réagir.
Les yeux mi-clos, la capitaine Fakir l’observait en retour, une expression de gêne remplaçant progressivement l’extase. L’entrée de son intimité se resserrait et de petits mouvements involontaires des hanches montraient que le corps commençait à le rejeter.
« ... hem... Fakir, je... »
Ce n’est pas elle...
Il retira sa main, sans doute un peu trop vite, déclenchant un fugitif spasme de douleur sur le visage de la jeune femme.
« ... Excusez-moi, Capitaine, je dois y aller. R... restez là, »
marmonna-t-il en s’enfuyant littéralement. Ce n’est qu’en claquant la porte du salon privé qu’il se rendit compte de sa nudité. Fort heureusement, seul le majordome se trouvait dans l’étroit passage attenant à ces quartiers de la chancellerie, il fit signe à Poféus qu’il revenait immédiatement avec une tenue adéquate pour le maitre des lieux.
Que s’est-il passé ? Calande ?
La fraicheur de ce couloir ne faisait qu’amplifier la désagréable sensation de se sentir ainsi dans la plus pauvre des conditions humaines. Il chercha la chaleur de ses bras sur son torse, son sexe baveux pendouillant lamentablement sous un vieil abdomen ridé et enrobé de graisse. Faire quelques pas ne s’avéra pas une meilleure idée. Dans la lumière crue du jour, un des larges miroirs lui renvoya c…
Mais qu’attend cet idiot de majordome ?
Des doigts apparurent soudain sur son épaule, suivis d’une fine main féminine. Il la voyait dans le reflet de la glace, la sentait explorer lentement sa peau. Une seconde main se glissa à l’opposé, sur sa hanche droite ; des seins et un ventre plat et chaud se lovèrent enfin contre lui alors que l’image du visage bien connu de Calande Rorré se montra à sa gauche.
Tu te sens mieux comme cela ? demanda-t-elle simplement.
Calande... non, j’hallucine !
Oui, peut-être...
La paume sur sa droite descendit le long de son bassin et, d’un tour de main précis, emprisonna les testicules. Le regard gourmand de la jeune femme fit place à... autre chose.
« Et si je serrais, cela donnerait quoi, mon amour ? Rien, puisque je ne suis qu’une illusion, n’est-ce pas ? »
Un violent pincement remonta de son entrejambe, quelque chose de douloureusement tangible !
C’est impossible, elle est morte, j’ai vu les restes de son corps !
Le sourire carnassier s’étira sur les lèvres de Calande et la douleur s’accentua, obligeant Angilbe à se contracter et à porter sa propre main en protection sur... sur du vide. Rien, rien ne touchait son sexe.
« Viens, »
déclara simplement la jeune femme, dont l’expression devenait singulièrement inquiétante. Dans le miroir, il la suivit, elle l’entrainait par les testicules vers la grande baie vitrée derrière eux. La souffrance qu’il ressentait l’empêchait de résister, ou était-il choqué de sa présence ici et maintenant ? Pourquoi lui faisait-elle du mal ? Il observa cet entrejambe que rien sauf la douleur et le miroir ne semblait distinguer.
« Regarde-moi ! »
ordonna-t-elle sèchement, serrant si fort qu’il ne put retenir un cri. De la sueur lui pointait sur le front malgré le froid ambiant, ses mains ne rencontraient rien, ses yeux ne percevaient rien et pourtant elle était bien là ! Une pression soudaine sur son torse le plaça de profil à la fenêtre et il put confirmer d’un coup d’œil au miroir qu’elle se tenait bien face à lui, nue également. Elle y croisa son regard, la pointe de ses seins le frôlant comme pour que son toucher atteste la vision du reflet. Mais elle ne le lâchait pas.
Je n’ai jamais compris ce que je te trouvais, Angilbe. Tu es repoussant, vieux et faible... Je te déteste, le sais-tu ?
Moi ? Tu me...
La pression augmenta, lui arrachant un autre cri.
« NE ME RÉPONDS PAS. OUVRE LA FENÊTRE » lui cracha-t-elle au visage.
La situation dérapait à un point inexplicable. D’où venait cette Calande ? Existait-elle seulement ailleurs que dans son imagination ? La douleur montait, difficilement supportable, ses testicules viraient sans doute au bleu, mais il ne pouvait le confirmer. Angilbe n’arrivait pas à se libérer de ce regard de serpent qui l’envoutait tout en lui prodiguant une souffrance abrutissante. Devant son incrédulité, Calande fit glisser sa main libre de la nuque à ses seins, puis à ses hanches, puis vers son pubis, puis...
Se caressait-elle réellement devant lui ? Sa bouche, son expression soudain trouble et sa respiration plus rapide l’indiquaient. Les ongles de sa maitresse fantôme s’enfoncèrent brusquement sans sa chair, arrachant à Poféus un nouveau hurlement bien plus rauque que le précédent. Il dut s’accrocher au verrouillage de la fenêtre qui s’ouvrit aussitôt, alors que le bassin de la jeune femme ondulait de plus en plus et que ses yeux se fermaient de plaisir.
« Cal... Calande arrête, ça… Arrête ça ! ARGH ! »
hurla-t-il ! Simultanément, elle se cambra la tête en arrière, compressant plus encore l’entrejambe d’Angilbe. Celui-ci tomba à la renverse sous la douleur, le buste pendant désormais en dehors du bâtiment. Les sons de la rue montaient de plusieurs étages plus bas, tandis qu’on entendait au loin les puissants moteurs d’un quelconque cargo spatial s’arracher à l’atmosphère de la planète. Les yeux embués de larmes, il regarda le lointain reflet la jeune femme, seul le sommet de son magnifique dos apparu dans le miroir. La pression sur ses testicules se relâchait un peu, alors que celle qu’il aimait se redressait lentement à mesure qu’elle reprenait son souffle.
Une brise glacée lécha sa peau nue, ondulant le reliquat de chevelure grise qui parsemait l’arrière de son crâne. Au même instant, deux mains lui saisirent les épaules pour le pousser dans le vide. Une bouffée d’air lui caressa les oreilles, froide comme la température extérieure :
« Et maintenant, saute ! »
Il résistait à la pression physique, utilisant ses doigts dans les fentes de l’ouverture pour se retenir, ses orteils collés à la vitre.
« SAUTE ! » lui ordonna-t-elle sèchement contre son lobe.
« Monsieur, ne faites pas ça ! » vociféra le majordome qui préféra l’enlacer et profiter du contrepoids pour arracher son maitre à la tentation du néant. Les deux tombèrent à la renverse sur le carrelage du couloir. Le chancelier clignait des yeux, regardait son serviteur, ne parvenant pas à reprendre ses esprits. Il toucha son sexe, ses oreilles, ses épaules... Pour la première fois depuis longtemps, Angilbe Poféus sentit la peur monter en lui. Une vraie frayeur comme il n’en avait plus éprouvé depuis son adolescence, précisément depuis l’altercation entre son père adoptif et Méhala. Le majordome se précipitait déjà pour refermer la fenêtre à double tour, affolé. Ce n’est qu’une fois certain que le mécanisme était verrouillé qu’il aida le chancelier à se relever et à revêtir la robe de chambre épaisse et chaude qu’il avait apportée.
Pas à pas, le serviteur le soutint en direction de l’infirmerie. Malgré un entrejambe douloureux, Poféus ne pouvait ignorer cette voix lancinante qui lui murmurait perfidement dans le tréfonds de son esprit : meurs, meurs, meurs..


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RedU T1 Ch25 Ep06

Red Universe Tome 1 Chapitre 25 Episode 6 " Elle "

MaterOne Centrum, Complexe financier.
On appelait cette petite voie large d’à peine deux véhicules terrestres « La rue du Mur ». Elle sillonnait sur moins d’un kilomètre les bâtiments parmi les plus anciens de la vieille ville, protégés pour certains par une loi qui contredisait le principe d’interdiction de l’archéologie. Quelques pans de béton armé appartenant au mur original (ayant donné son nom à la voie) trônaient par-ci par-là sur des socles aux inscriptions glorifiantes et invérifiables. Historiquement, les premiers commerces des nouvelles colonies minières s’étaient ouverts ici et, les siècles passants, les grands instituts financiers et leurs puissantes filiales spécialisées dans les mouvements de capitaux avaient remplacé les grossistes et leurs balances plus ou moins trafiquées. Les majestueux gratte-ciels s’élançaient de partout et le prix du mètre carré dépassait dorénavant l’imaginable. Ne traversait plus cette rue que la haute société, arborant les derniers gadgets luxueux et les tenues protocolaires, tandis que la rue du Mur représentait maintenant le lieu de la réussite sociale.
Conçus par les meilleurs architectes, deux immenses immeubles de verre et d’acier s’y imposaient : la place boursière et la Tour M de la toute puissante banque souriante Maha’dong. À la sortie est de la station de métro située sous le bâtiment, deux vigiles surveillaient ce matin-là un jeune cadre dynamique apprêté pour une journée de travail habituelle dans ce quartier. Seule incongruité, une valise plus épaisse que la norme et... un arrêt brusque, au milieu de la voie. Plusieurs taxis se trouvèrent d’ailleurs bloqués par cet hurluberlu n’acceptant visiblement pas de céder le passage. Les deux hommes décidèrent de régler le problème à l’amiable et s’approchèrent du malandrin. Au même moment, un message de la police crépita dans leur transmetteur : des scènes identiques se déroulaient en plusieurs endroits de la rue du Mur et l’on demandait aux agents de sécurité de rapporter tout incident et de surtout ne pas intervenir. La terrible vague d’attentats mutualistes était encore suffisamment fraiche dans les mémoires pour qu’ils réagissent immédiatement.
Le « golden boy » sourit mystérieusement devant la mine soudain paniquée des deux vigiles et, tranquillement, se pencha vers sa valise. Composant un code qui l’ouvrit, il en ressortit une boule métallique dont plusieurs parties pulsaient d’une inquiétante lueur qu’il scruta avec attention. Les agents de sécurité criaient tout autour à l’évacuation de la rue.
Le jeune inspira puis leva l’objet au-dessus de sa tête en hurlant  :
« GLOIRE À LA MUTUALITÉ ! »
À partir de cinq différents emplacements dans le quartier, des hommes et des femmes activèrent simultanément les micros charges d’antimatière : en moins d’une seconde, plus de cinquante-mille personnes et une quarantaine de bâtiments primordiaux pour le système financier de l’humanité furent réduits à l’état d’atomes épars. Les cercles concentriques de l’implosion, issus du contact entre la matière et son opposé physique, tranchèrent sans discernement tout ce qui se trouvait à leur limite d’influence. On assista à d’atroces scènes : des badauds et des enfants mutilés, des tours habitées s’écroulant dans le vide à cause de leurs fondations disparues où plusieurs métros jaillissaient de leurs conduits pour s’écraser plus bas, sur d’autres convois.

Dans les cinq minutes qui suivirent, alors qu’au cœur de MaterOne Centrum les ravages se poursuivaient, une crise sans précédent bouleversa le système financier humain. Des capitaux absolument dantesques s’évanouirent dans la nature, des organismes prêteurs firent faillite entre le café et le croissant de leur directeur. Pire encore, l’état de MaterOne se retrouva en cessation de paiement, déclenchant automatiquement des procédures de blocage dans tous les services publics de l’univers connu.

Jamais, oh grand jamais, un attentat n’allait causer autant de pertes et de dommage en moins de neuf minutes. L’humanité était désormais à genoux, blessée plus gravement qu’aucun scénario catastrophe ne l’avait prédit.

*

Le phallus d’Angilbe pénétrait et s’extirpait du sphincter à un rythme accéléré, tandis que son diamètre gagnait quelques millimètres à l’approche de l’apothéose. Il besognait un fessier masculin — estimait-il à la lueur des chandelles, mais il ne pouvait le certifier à cause de la quantité de coussins et du nombre de participants à cette orgie — et il se concentrait sur la recherche de son plaisir. Lorsque la vague le submergea, il hurla, s’enfonçant jusqu’à la garde dans le postérieur ce qui produisit un croassement... féminin sous la couverture. Visiblement, il s’était trompé. Sans doute était-ce l’effet des poudres aphrodisiaques et hallucinogènes dont on emplissait l’air de la pièce dès le début de ce genre de soirée.
S’extrayant de sa partenaire, il s’écroula sur sa partie de couette, tête contre le fessier, au milieu des autres grognements qui retentissaient un peu partout. Les brumes du plaisir se dissipaient, malgré ses efforts pour s’y maintenir... il aimait à se sentir porter tel un vieux tronc flottant sur l’océan de la volupté.
Que fais-je ici, déjà ?
Ah oui : il venait de prendre cet anus, dont quelques gouttes de liquide ressortaient sous ses yeux. Sans doute pas le sien, vu le nombre d’orgasmes qu’il accumulait ce soir...
... ou était-ce hier ?
Ses absences, ses « sautes de réalités » ne se comptaient plus, seul le sexe le plus débridé, les coups de hanches les plus osées dans les orifices les plus improbables lui permettaient de garder pied dans le monde réel.
Ai-je peur de m’enfoncer dans mes rêves...
... à tout jamais ?
La porte du fond s’entrouvrit discrètement et un majordome portant un petit mouchoir sur le nez chercha le chancelier du regard. Lorsqu’il le trouva, il contourna des groupes plus ou moins enlacés pour le rejoindre et lui tendre une note pliée en quatre. Poféus s’en saisit, tentant de recouvrer ses esprits. Il dut s’y reprendre à trois fois avant que les quelques lignes ne s’impriment dans sa conscience, révélant leur effroyable contenu.
Restant plusieurs secondes sans réagir, il rendit le papier au majordome :
« J’arrive dans quelques minutes. »
L’autre n’insista pas et retourna sur ses pas.

L’effondrement du système financier de l’humanité, une annihilation pure et simple du centre des affaires et un bilan humain au-delà de l’imaginable qui empirait chaque seconde. L’impact de cet attentat allait être d’un tel niveau que son gouvernement, son poste... l’État dont il était la tête pourrait ne pas survivre, emporté peut-être par une nouvelle révolution, qui sait ?
Les conséquences incalculables réveillèrent lentement des parties ensommeillées de son esprit. Sa main parcourut mécaniquement les collines de chair lui servant d’oreiller, cherchant sans doute à toucher une réalité plus agréable que celle le rattrapant. La peau satinée était douce, sans irrégularité ni excédent qui retiendraient ses doigts. Délicatement, il les glissa de plus en plus haut et de plus en plus bas.
Les Mutualistes ne devaient plus organiser d’actions aussi graves. Les ordres du Stuffy à leur tête étaient clairs : maintenir une pression minimum sur la société de MaterOne, quelque chose d’angoissant qui justifiait l’état d’exception.

Mais pas ça, pas ce carnage !
Cette déclaration de guerre allait forcement appeler une réaction comparable, pourquoi entrer dans un tel engrenage au risque de déstabiliser le calme relatif ? Le départ de la flotte était-il lié à ce chronométrage macabre ?
Quelle flotte ?
... LA flotte ! Oui, la flotte... je me souviens.
Le doigt d’Angilbe tourna mécaniquement autour de l’orifice anal, mais ne s’y attarda pas, préférant continuer son voyage sur les lèvres humides qui patientaient plus bas. Les fines peaux intimes se gorgeaient de sang à chaque caresse et se révélaient certainement encore plus sensibles pour leur détentrice.
Visiblement, la dame apprécie.
Ralato approchait de Talbot à la suite de la demande d’un des Stuffy. Il serait mis au courant de la situation très rapidement, si ce n’était déjà fait... était-il conscient du risque couru ? Sans aucun doute. Le professeur QuartMac avait bien évidemment rapporté aussi à Poféus ses inquiétudes concernant la possible déviance de chimères non matures, telles les enveloppes utilisées par les Stuffy. Pourtant, si nous en vivions ici les conséquences, alors c’est que le problème avait été très largement sous-estimé.
Bien trop... une perfidie de QuartMac ?
La petite touffe pileuse dissimulait un clitoris gonflé qu’Angilbe ne perdit pas de temps à titiller. Il enfonça son majeur dans le sexe ouvert et, devant l’acceptation évidente de sa partenaire qui se cambrait, il y joint plusieurs autres doigts, puis la main. L’entrée tendue ne se contractait pas, le corps ne le rejetait pas, bien au contraire, les hanches ondulaient pour lui permettre d’avancer. Angilbe sourit : les réactions de cette femme lui plaisaient, cela le changeait de Fakir, son assistante mentale dont il avait trop abusé. Il s’autorisa donc un ultime oubli avec celle étendue là, avant le déferlement de fureur qui s’annonçait au-dehors. Prenant appui sur la cuisse de sa partenaire, il avança la main, s’enfonçant encore plus loin jusqu’à enserrer le trésor du col dissimulé au tréfonds du vagin offert. C’est en agaçant avec doigté le petit orifice caché qu’il entraina la tempête d’orgasmes multiples et les hurlements de plaisir de dessous le coussin.
Cette voix ?
Il s’arrêta brusquement, recevant par là même un grognement de désapprobation, mais... ce timbre, cette manière dont tout cela se déroulait faisait soudain refluer en lui des souvenirs à jamais enfouis.
Ce n’est pas possible !
Sans se retirer de l’intimité de sa partenaire, il écarta vivement les traversins qui la dissimulaient, dévoilant progressivement le corps allongé.
Ce buste... ce cou... Ce menton...
La tête se dégageât enfin et la vision de ce visage paralysa le chancelier Poféus. Soulevant un sourcil, Calande Rorré lui dit simplement dans un sourire presque carnassier :
« Alors Angilbe, tu ne sais plus finir convenablement nos petits moments ? »


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RedU T1 Ch25 Ep05

Red Universe Tome 1 Chapitre 25 Episode 5 " Chilico "
Système de Chilico, à l’extrémité de la zone de Khabit.
Comme la majeure partie de l’espace nalcoēhual, les territoires de Chilico se composaient exclusivement de petits corps célestes, météoroïdes et nuages de gaz. Tous tournaient à des vitesses relatives autour d’un minuscule trou noir dont l’origine, comme pas mal d’incongruités astronomiques de Khabit, demeurait inconnues pour la science nalcoēhuale. En raison de leur emplacement, ils ne furent colonisés que tardivement par quelques familles égarées ou rejetées des sociétés principales. La découverte du « minerai rayonnant », cette pierre dont les filons sillonnaient Chilico et qui permettait une interaction psychique de haut niveau, changea la donne. Raffinée et utilisée dans l’électronique des amplificateurs, mélangée au métal des croiseurs et autres chasseurs, elle dominait la technologie nalcoēhuale, lui apportant cette maitrise mentale incomparable, de l’interface aux communications en passant par les procédures d’attaques.
La planète naine Cuitliē, astre majeur de ces territoires, abritait le centre préfectoral et économique. À la surface de l’hémisphère nord, on pouvait apercevoir la partie émergée de la cité, celle présentant le minimum nécessaire aux contacts avec l’extérieur telles les pistes de l’astroport, les grandes antennes et les tourelles de défenses. Le reste de l’agglomération était immergé dans le sous-sol, car le danger de chute de météorite (au mieux) était omniprésent et rendait une hypothétique bulle d’atmosphère trop précaire.
L’agent des mines Xopilat’l manœuvrait son petit véhicule tout-terrain, slalomant entre les dunes et les cratères, évitant crevasses et trous à poudreuse. Officiellement, sa mission du jour consistait en une visite technique de plusieurs sondes implantées à une dizaine de kilomètres vers le sud. Compte tenu du météoritique quotidien, les volontaires ne se bousculaient pas et, bien entendu, la redoutable police de Ti’ltchiti ne risquait pas de le suivre. Elle soumettait les territoires de Chilico à un contrôle strict, résultat d’au moins deux conflits ayant éclaté avec les descendants-mineurs des premières familles. La république n’avait jamais reconnu de statut particulier à cette extrémité de la zone de Khabit ni de droits aux mineurs, vivant difficilement d’un dangereux travail loin des leurs. Car, si l’on trouvait du minerai rayonnant un peu partout, c’était surtout le long d’une des ceintures proches du trou noir central que l’on trouvait les plus riches filons, souvenirs probables d’une origine planétaire maintenant disparue. L’influence de la gravitation et la multitude des météorites rendaient les accidents bien trop fréquents, alourdissant un cout humain déjà bien trop important.
Xopilat’l lança le signal à la latitude voulue et une lumière verte clignota en retour sur sa droite. Le lieu de la nouvelle réunion était donc sûr. Il gara son véhicule au pied d’une des sondes (pour sa couverture) et rejoignit à pied l’excroissance du terrain d’ou provenait la réponse. Une petite heure de marche en lourd scaphandre ne représentait rien pour ce mineur à la corpulence flatteuse, s’il ne lui eut manqué le bras gauche et l’extrémité de ses deux antennes. Plus musclé que la normale, plus grand que ses congénères et avantagé d’un goitre plus large que la moyenne surmonté d’un regard perçant, Xopilat’l imposait les interlocuteurs de sa présence. Sa survie miraculeuse, lors d’un effroyable accident sur la ceinture d’extraction, lui avait valu d’être retiré du travail des mines pour assurer des fonctions administratives sur Cuitliē. On avait sans doute aussi voulu le garder à l’œil, Xopilat’l faisant partie des nationalistes-clés fichés par la police.
Deux amis à lui l’attendaient à l’entrée d’une petite cavité creusée dans la roche, il les salua selon la méthode de Chilico (bras croisés sur le torse) et les accompagna à l’intérieur. Au cas où une patrouille survolerait le coin, elle ne verrait rien, alors que tout le nécessaire pour émettre en multicanal psycho virtuelle était prêt à l’utilisation. Les trois hommes s’assirent en combinaison à même le sol, entourant un étrange appareil dont plusieurs câbles s’enfouissaient dans la poussière planétaire. Ils tirèrent de la base de leurs casques un petit fil qu’ils branchèrent sur le plateau supérieur et se concentrèrent sur la connexion psychique.
Immédiatement, le décor changea. Xopilat’l se trouvait maintenant seul sur l’estrade d’un immense Colisée, face à une foule de plusieurs milliers d’habitants de Chilico, descendants des premières familles ou de ceux ayant rejoint la cause. Partout, on était venu assister au discours du chef, le président de la République cachée de Chilico. Le mineur s’accorda quelques secondes pour observer ses frères et sœurs avides d’entendre ses paroles. Les visages étaient tous brouillés, les voix transformées, car on ignorait combien d’agents infiltrés par la police se glissaient parmi les spectateurs. Seuls les cryptages utilisés confirmaient les personnalités présentes, ceux-ci étant verrouillés à la barbe des services de sécurité.
Xopilat’l leva les bras, la mine grave. La grande nouvelle que tous espéraient ne serait pas encore pour maintenant.
« Mes amis, mes voisins, mes concitoyens ! Je ne peux vous annoncer aujourd’hui ce que nous désirons tous. En tant que responsable du devenir de notre communauté, j’ai le devoir de ne pas décider du grand moment si j’estime que nous ne sommes pas prêts... et ce n’est toujours pas le cas. Nous le serons un jour, soyez-en certains, comme moi j’en suis certain !
L’oppresseur de Ti’ltchiti est encore bien puissant et trop soudé. Nous nous sommes déjà attaqués deux fois à lui et pour quels résultats ? Plus de morts, plus de sévérité et plus de contrôles. Nous savons l’importance que notre « pierre qui chante » représente pour lui, il ne nous libèrera jamais autrement que contraint et forcé. Précédemment, je vous ai fait part de ma réflexion sur ce sujet : tant qu’il aura la possibilité de concentrer ses forces contre nous, nous n’aurons aucune chance de l’emporter. Or en ce moment, un groupe de réfugiés humains... oui, je vous entends bien : des humains... donc ces réfugiés humains résistent pour la première fois à l’armée noire. Ses gigantesques croiseurs n’ont pas réussi à les détruire et, pire pour Ti’ltchiti, l’Empereur-Dieu de Ragnvald s’est joint à eux... Quelque chose se prépare et nous devons rester avertis, mais ne pas intervenir. Je vous tiendrai au courant de l’évolution de la situation. »
Xopilat’l se ménagea quelques secondes avant de poursuivre. Il allait tenter un double message, quelque chose que seuls les vrais descendants des premières familles pourraient comprendre.
« Mes concitoyens, je vous demande d’encore supporter le poids de la servitude. Courbez la tête, ne vous levez pas — pas encore — et conservez dans votre regard la flamme de la liberté qui était, est, et sera, notre guide. Nous avons invariablement su nous relever, quel que soit le bâton qui nous y aidait. Cela s’est produit il y a longtemps, cela arrivera encore. Accepterons-nous de saisir l’instant sans nous poser de questions ? C’est à vous de me le dire, je suivrai alors votre choix comme celui de notre glorieuse communauté souveraine.
Merci, mes amis, de renouveler la confiance que vous m’apportez, j’espère être digne de la tâche que vous m’avez assignée.
Longue vie, et prospérité. »
Et toute la foule répondit, croisant bras contre torses :
« Longue vie et prospérité ! »

Alors qu’ils lançaient l’autodestruction du relai psycho virtuelle, le voisin de gauche de Xopilat’l, son vieil ami Telma’k, ne put s’empêcher d’ouvrir un canal mental et de demander :
« Les humains peuvent-ils devenir ce bâton qui nous aidera à nous libérer de Ti’ltchiti ? C’est ton idée, Président, mais je suis mal à l’aise rien que d’y penser. »
L’autre regarda son compagnon, puis lui posa une main sur l’épaule. Malgré la combinaison, on pouvait sentir la pression s’exercer au travers des épaisses protections et cela avait toujours eu le don de rassurer. Xopilat’l pouvait humer la peur diffuser au milieu des émanations psychiques comme chez tous ceux ayant subi la propagande cyclique de leur ennemi, Telma’k vivait d’aprioris.


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