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La plus grande saga intergalactique jamais racontée en podcast

raoulito

Des réfugiés vont découvrir les secrets enfouis sous des années d’oublis et de honte. Confrontés à des choix et des conflits sur leur modèle de société, ils avanceront vers leur but ultime, là où se concentrent leurs espoirs : la planète rouge. Chapitres entiers http://reduniverse-chapitres.podcloud.fr Chapitres spéciaux http://reduniverse-speciaux.podcloud.fr Et pour plus d’immersion, les livres illustrés http://reduniverse.fr/livres-numeriques/

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RedU T1 Ch23 Ep05

Red Universe Tome 1 Chapitre 23 Episode 5 "2eme phase"

Avec l'apparition de Transporteur 4 tracté à travers l’ouverture dimensionnelle par les corvettes de Ragnvald, l’Exode était finalement regroupé. La dernière fois, cela remontait au départ pour la Passe de Magellone.
Parmi les derniers arrivés, un homme s'impatientait de pouvoir étudier la technologie de leur mystérieux allié. Le professeur Schwarzkof attendait l’ouverture du sas de secours avec le second et les chefs de section ; une navette de transport venait d’accoster de l’autre côté et le mécanisme de pressurisation était en cours. Vernek Junta pénétra en premier, comme il seyait au commandant du vaisseau, et salua l’équipe. Il signifia « sa joie de revenir chez lui » en serrant les mains qu'on lui tendait : son absence pour raisons diplomatiques sur Transporteur 1 prenait fin… après un fiasco mémorable. On lui résuma autant que possible les avaries en l’entrainant vers le centre de commandement. Le reste du groupe en provenance de la navette entra et Schwarzkof se focalisa sur eux : des techniciens et ingénieurs du transporteur d’Arlington, des membres de cet empire de Ragnvald et le capitaine Carrillo.
Bonjour officier et bienvenue. Je suis le professeur Schwarzkof, responsable scientifique de ce transporteur. Quand pensez-vous que nous pourrons commencer ?
Bonjour professeur. Oui, je suis au courant que vous voulez tout savoir. L’installation des équipements estampillés Ragnvald prendra un peu plus d’une semaine, mais les ressources de… de cet empire sont vastes et les réparations de tous les transporteurs débuteront conjointement.
Schwarzkof débordait de joie, tel un enfant devant de nouveaux jouets.
Formidable ! Alors par quoi commençons-nous ? Avez-vous des plans, des concepts ou quelques formules ? Je suis vraiment impatient, impatient, im-pa-tient !
Hé, hé… Je vous renvoie dans ce cas vers les ingénieurs de Ragnvald ici présents, professeur. Ils sauront vous renseigner, je ne suis qu’un facilitateur, mon travail est de faire profiter votre équipage de mon expérience avec ces matériels.
Carrillo serra la main des autres responsables et la petite troupe se dirigea vers le plus gros des défis : l’installation des nouveaux Compresseurs dimensionnels de Ragnvald.

*

Quand je pense que me voici promu spécialiste des technologies de Godheim.
Moi… Andro Carrillo. C’est risible. Le partage du Yesmaïl et la dispersion, l’intégration par la dissolution de l’Exode dans un ensemble plus vaste, tel était le plan original de Godheim. Spéculez comme vous voulez, mais je ne l’aime pas du tout cet « Empereur-Dieu » d’opérette. Qu’il soit notre allié de circonstance n’enlève pas à mes yeux qu’il nous ait kidnappés avec Transporteur 3 pour nous imposer Sa Loi.
Dès le lendemain de l’orgie, je me réveillais dans les bras d’une… enfin de plusieurs… enfin bref, je me réajustais et revigorais les derniers indolents à coups de pied. Je ne décolérais pas : nous étions tombés dans un piège. Subtil, certes, vicieux même, mais réel : quelque chose nous avait tourné la tête, mais quoi ? Tout ce que je savais, c’était que Fabio, le Mental qui nous accompagnait, avait été emmené à l’infirmerie, souffrant d’une violente migraine.
Ce genre d’évènement risquait d’émousser les certitudes chez certains des nôtres, favorisant l'acceptation de la dispersion et du « recyclage » de notre transporteur. On s’était tous laissé aller et on risquait maintenant d’en payer le prix.
Avec Arlington, je supervisais le retour de tous à bord et l’interdiction de ressortir du vaisseau durant les prochaines vingt-quatre heures. Je veillais personnellement à ce qu’aucun membre de Ragnvald ne pénètre dans ce qui était, hélas, notre ultime sanctuaire. Pas question de « Mais je l’aime ! » ou de « Laissez-nous, c’est notre droit ! », je demeurais inflexible, allant jusqu’à user de la force.
Pour le coup, j’avais choisi des gardes adeptes de Phil et Adénor : ces deux-là avaient montré une voie dans notre sens, restant entre eux et retournant au transporteur parmi les premiers. Leurs adeptes rouleraient donc dans la même direction que moi. Ce choix allait porter à conséquence, mais je l’ignorais encore.
Lorsqu’Arlington nous rejoignit, je pensais qu’il allait nous sermonner pour notre zèle à la limite de l’activisme, mais il n'en fit rien. C’est ce que j’apprécie le plus chez lui : aux côtés d’une façade humaine se dresse un militaire pragmatique et intelligent. Il nous comprend et nous soutient sans réserve.
Cependant, c'était une autre raison qui le poussait à nous tenir compagnie ce matin-là :
Dites à vos hommes d’accélérer, Carrillo. Fabio m’a contacté depuis l’infirmerie, « IL » arrive.
Pardon ? Quoi… une attaque ? répondis-je, réfléchissant déjà à remonter le pont et élever une barricade.
Mais non.
Plus futé que cela, mon ami. Regardez là-bas : le voici…
Une centaine de petits avatars de l’Empereur-Dieu approchaient doucement, clopinclopant, tous avec ce sourire serein et ce corps émacié.
Quelle hypocrisie ! Des androïdes recouverts de chair synthétique, voilà ce que Godheim appelait ses « représentations divines » : des choses bourrées de senseurs qu’il pilotait à distance. Je méditai quelques secondes devant cette forme de « petits vieux » humbles et compatissants… encore un autre piège de ce pseudo dieu.

Nous avions quelques minutes. Je pressai les derniers contrôles en ouvrant un sas secondaire et ainsi libérer l’entrée principale. Arlington, fin stratège, prit les devants et descendit au pied du pont d’embarquement où il accueillit les premiers avatars. Je me précipitai à ses côtés, plusieurs gardes armés sur mes talons. Le petit vieux le plus proche commença :
Bien le bonjour, colonel Arlington. Vous êtes-vous bien remis de cet Yesmaïl ? J’ai personnellement félicité les organisateurs, ce fut un excellent cru.
Bonjour également, Votre Grandeur. Je pense qu’il est inutile de vous résumer ce que vous savez déjà, n’est-ce pas ? Seriez-vous, cependant, disposé à m’éclairer en retour ? Je suis très intrigué par votre présence… maintenant et en si grand nombre. Pourrais-je en connaitre la raison ?
Bien évidemment, Colonel. Nous venons promouvoir la prochaine dispersion pour vous et vos exodés. Il est parfaitement normal que ce concept rencontre une certaine résistance, nous allons donc simplement répondre aux questions qui se poseraient.
Pas de trace d’Artoc ou d’un quelconque soldat de Ragnvald. Bien évidemment, c’était la seconde phase d’un processus bien rodé. Après avoir abattu les dernières barrières morales lors de la sauterie, il envoyait ses gentils petits vieux à la voix douçâtre enjôler, dans un « pacifisme » étouffant de fausse naïveté, les plus récalcitrants. C’était simplement machiavélique.
J’échangeai un regard avec Arlington. Il saisissait, bien sûr, tout aussi bien que moi, ce qui se jouait ici. D’un signe de tête envers les gardes restés plus haut, je confirmai l’option armée et tous se préparèrent. Et tant pis si cela représentait un futur incertain.
Arlington décida de gagner du temps. Il fit quelques pas face à la foule d’avatars, longeant ces clones qui lui répondaient l'un après l'autre, comme un seul interlocuteur qui se serait promené avec lui. Je l’accompagnai, laissant les gardes sur le pont d’embarquement, prêts à tirer.
Vous savez, Éminence, lança-t-il l’air un peu ennuyé, je me disais que la perspective d’un nouveau long voyage pourrait contrecarrer le projet même de la dispersion. Peut-être devrions-nous repousser l’idée encore de quelques jours ?
Ne vous inquiétez pas pour cela, Colonel. Tout point de Ragnvald se situe à environ une semaine de Transition de Monte-Circeo. Cela dit notre technologie est bien supérieure à la vôtre, sans vous froisser.
Hmmmm… je vois, répondit Arlington, dubitatif. Mais si j’étais un de mes exodés, j’hésiterais à me séparer des miens pour aller me perdre dans un quelconque tunnel de planétoïde. Malgré, bien sûr, Votre Auguste Présence protectrice.
Il me sembla percevoir une sorte de ricanement parcourir la foule d’avatars. L’avais-je imaginé ? Toujours est-il que Godheim ne se lassait pas de cette conversation, ô combien sous-entendue.
Les communications sont parfaites entre les mondes de Ragnvald, vous avez pu vous en rendre compte hier soir avec les holoprojections. Et il y a plus d’espace dans nos « tunnels » que dans votre transporteur. Combien de douches êtes-vous autorisé à prendre chaque semaine, Colonel ?
Les familles ne seront bien évidemment pas séparées, elles resteront unies, c’est un voyage volontaire. Ragnvald n’est pas une dictature.
Non, pas exactement, murmurais-je. Arlington me lança un regard réprobateur tandis que quelques avatars me dévisageaient.
Capitaine, la religion qui lie notre empire n’est en rien comparable à une dictature, elle est le ciment qui nous unit.
Arlington leva rapidement la main alors que je m’apprêtais à rétorquer. Il reprit :
Cette démonstration de force, même sous une forme non violente, reste une démonstration de force, Sire Godheim. Je pourrais vous empêcher d’entrer et vous attendriez des lustres avant d’abandonner la partie.
En emprisonnant vos exodés à l’intérieur de ce transporteur ? Allons, colonel Arlington, vous n’êtes pas comme cela, nous le savons tous deux.
Je sentis une sorte de fatigue s’abattre soudain sur nous. Le colonel donnait des signes en ce sens également, comme les gardes de l’entrée que notre ballade nous avait fait rejoindre. Cela me fit tout de suite penser à l’orgie. Quelque chose de diffus pesait sur nous, à nouveau.
J’allais proposer de riposter en transformant quelques avatars en Roubiano, quand Arlington prit la parole :
Ne nous méprenons pas, Votre Majesté. Je vous donne, bien entendu, libre accès à Transporteur 3, mais pour trois heures seulement. Au-delà, je vous demanderai de vous retirer, et… j’ajoute que votre petit jeu de pression psychique ne me plait pas du tout. Veillez à ne plus y avoir recours, si vous désirez de nous une collaboration franche, merci par avance.
Les dieux n’ont pas la nécessité d’artifices pour convaincre, cher Momumba. Votre proposition est sage et je l’accepte, malgré vos remarques frisant l’hérésie.

Trois heures plus tard, à la minute près, l’armée d’avatars débarquait. Elle entrainait à sa suite de nombreux exodés, bien plus que je n’avais osé l’imaginer. Je serrai les dents.
Lorsque Phil Goud apparut à l’entrée, mon sang se glaça. Lui aussi ? Mais il ne faisait qu’accompagner la petite Catherine, une de ses groupies octotes. Ainsi la secte avait choisi la dispersion, mais qu’espérait-elle à s’éloigner de son « sauveur » ? J'observai les mines inquiètes de mes hommes à l’entrée et leur soulagement, voire une nouvelle motivation, lorsque Goud retourna vers sa cabine sur un dernier salut pour la jeune fille.
Mon contacteur vibra, c’était Arlington.
Mon colonel ?
Carrillo, je pense qu’une visite de la Cité intérieure de Transporteur 3 s’impose pour donner suite au départ de tant des nôtres. Il y a surement des structures que l’on pourrait améliorer ou réparer, voire de la place à gagner. Je vous propose de nous retrouver dans une heure au quartier tropicalien, pour commencer.
Je… bien, Mon colonel. J’y serai.
Très bien ! Nous allons inviter à… l’étude des cas, nos amis spécialisés en mécanismes des sas et communications de toutes sortes. Passez le mot ! À tout à l’heure.
Phil Goud et Adénor Kerichi étaient tous deux rattachés aux sections d’ingénierie des sas et « Communications de toutes sortes » me faisait penser aux Mentaux, donc à Fabio Ouli.
Le colonel préparait quelque chose. On allait lancer la controffensive et je m’en félicitais.


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Les génériques de début et de fin de ce chapitre ont été exceptionnellement créés à partir de "Grasslands" de "Ramzoid"
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RedU T1 Ch23 Ep04

Red Universe Tome 1 Chapitre 23 Episode 5 "2eme phase"

« Yesmaïl » ? C’est quoi ? me demanda Phil dans son registre d’incrédule permanent.
Il s’agit de quelque chose comme une fête en l’honneur des nouveaux arrivants, si j’ai bien saisi.
Pas besoin de fête, lança-t-il sèchement, on repart dès que possible et on les emmerde.
Cela risque d’être difficile, mon chéri. D’après Carrillo, nos compresseurs dimensionnels refusent simplement de s’activer et le Lithium de nos réservoirs semble… comment dit-il déjà ? Figé ?
Phil ne répondit pas, il se contenta de hocher la tête, comme toujours lorsqu’il n’aimait pas reconnaitre que quelque chose le dépassait.
Je m’appelle Adénor Kerichi, je suis une exodée, une déracinée. J’ai grandi dans l’armée royale et j’étais devenue une de leurs meilleures tireuses d’élite. Un jour, ils ont pris mon père en otage pour que je neutralise une personne que je respectais, c’était le père de la commandante Benkana. J’ai… beaucoup d’assassinats sur la conscience et je devrai vivre avec ça pour le reste de mes jours. Quand Phil m’a trouvée (en fait, il m’avait sauvée auparavant, sans le savoir, à la Forteresse Castiks), nous nous sommes plu immédiatement. Et bien que j’étais « de l’autre côté », il m’a acceptée comme telle, avec mes défauts. Je l’aime et je mettrai toutes mes forces pour l’accompagner, le soutenir et le protéger. Il représente ma rédemption et l’Exode notre avenir.
Nous suivions, avec tout un groupe de nos supporteurs, un avatar de l’Empereur-Dieu venu nous chercher. En fait, nous arrivions les derniers pour la fameuse invitation du « Yesmaïl », une célébration impossible à définir. Pour une raison de notoriété et probablement de politique, les exodés devaient se regrouper dans plusieurs stades souterrains, dispersés un peu partout sur la planète. Carrillo et Arlington avaient exigé que des gardes armés accompagnent systématiquement chaque groupe et qu’un système de communication radio fonctionne jusqu’à leur retour. Cela avait fait sourire l’avatar face à eux, mais l’accord avait été donné.
Nous avons pénétré dans une pièce visiblement conçue pour l’attente, dont la seule sortie était une large et lourde porte décorée d’épaisses moulures et dorures. Arlington et toutes les personnalités importantes de Transporteur 7, ainsi que quelques gardes et deux avatars de l’Empereur-Dieu, nous attendaient. Le colonel n’aimait pas les retardataires :
Ha, il ne manquait que vous. Nous sommes au complet, maintenant. Empereur-Dieu, est-il prévu de commencer un jour ?
Oui, Commandant. Un peu de patience, certains préparatifs terminent de se mettre en place. Ce n’est plus que l’affaire de quelques minutes.
Je jetai un œil sur les gardes de Ragnvald postés aux quatre coins de la pièce. Ils ne semblaient pas spécialement anxieux ni même lourdement armés, en tout cas clairement moins que nos propres soldats.
Étrange ambiance.
Mon Phil trépignait, mais simulait correctement un calme attentif. Ce matin, nous avions croisé Catherine, sa groupie personnelle, elle venait d’intégrer la religion des Octotes et psalmodiait avec les adeptes sur notre passage. Phil, comme à son habitude, lui offrit son plus beau sourire et cela la ravit. Les mecs sont tous des imbéciles, ils ne savent pas mettre fin clairement à une relation, même ténue, avec une femme. Ils passent leur temps à la relancer en croyant y mettre un terme. Je ne pensais absolument pas que mon homme puisse se laisser aller à profiter de la situation. Ce n’est pas dans son genre et nous sommes suivis et épiés en permanence entre Fabio, les miliciens d’Arlington, les journalistes et nos adeptes Octotes (ou d'autres encore : la liste s’allonge tous les jours).
Peu de place pour l’intimité, même entre nous deux.
Le vieil avatar prit la parole, sa voix résonnait en imposant le silence parmi les convives.
 Nous allons bientôt sortir. Il ne s’agira que de quelques mètres à faire puis nous trouverons nos emplacements. Attention, le Yesmaïl requiert la position debout, du moins au début. C’est un signe de révérence envers les nouveaux arrivants, faites tous de même.
« … au moins au début » ? reprit Arlington vivement.
Oui, vous comprendrez le moment venu. Ne vous inquiétez pas des projections géantes, le Yesmaïl se déroule simultanément sur tous les mondes de l’empire. C’est une communion importante pour notre société.
Je regardais Fabio, ce Mental avait d’habitude toujours une longueur d’avance. Je le trouvais serein, mais un peu fatigué. Il n’avait pas été très clair sur le contenu de sa discussion en tête à tête avec l’Empereur-Dieu « Godheim ». Nous cachait-il quelque chose ?
Lorsque la porte s'ouvrit, la vague de chaleur nous enveloppa. On avait sans doute ajouté plusieurs degrés, au point que je dégrafai mon chandail malgré les regards gourmands sur ma poitrine, principalement des gardes de Ragnvald.
À la suite des empereurs-dieux, nous avancions sur un balcon assez large, séparé par quelques marches des gradins. N’importe qui pouvait aller et venir n’importe quand, la sécurité n’était donc pas assurée sinon par nos gardes. Quant au stade, il devait s'étendre sur plusieurs centaines de mètres de diamètre et plusieurs dizaines de hauteur, encadré par de larges écrans holographiques. J’estimai la foule à vingt-mille spectateurs, au moins. Au centre s’élevait un décor composé de formes géométriques simples, de tremplins et autres accessoires sportifs. Étrangement, l’agencement évoquait une sorte de poitrine féminine stylisée.

Phil s’approcha de moi, passant son bras autour de mes hanches. Je me lovai contre lui et croisai son regard. Il était empli de désir. Malgré les circonstances, j’éprouvais étrangement des sentiments semblables. Pourtant, d’habitude, nous savions tous deux faire la part des choses entre nos envies et les situations. Je n’ai pas de souvenir d’un manque ou d’une incompréhension entre nous à ce sujet. Pourquoi alors, aujourd’hui quelque chose semblait-il si… exagéré ?
Beaucoup de femmes et d’hommes du public allaient jusqu’à s’embrasser sans retenue… et cela donnait des idées à leurs voisins qui résistaient difficilement à l’envie de les rejoindre.
Les grands écrans faisaient la part belle à des scènes semblables se déroulant dans d’autres lieux de l’empire. Si l’on s'en tenait aux dires de l’Empereur-Dieu au sujet des dix-mille mondes, il y avait une quantité incalculable de scènes à retransmettre.
La chaleur venait-elle de monter encore d’un cran ou était-ce moi ? Soudain, l’intérêt du public se focalisa sur le centre de la piste.
« Je rêve ? C’est pas vrai ? » réagit Phil, sous la surprise.
Au sommet d’une des boites les plus hautes, était apparu… Monsieur Loyal. Aucune erreur possible, c’était bien le même costume noir et blanc en queue-de-pie, le même bonnet ridicule et…
« OOOOooooooooYYYYOOOOOOOOOOOOO ! »
… la même voix stridente et incompréhensible qui retentissait dans les hautparleurs ! Et la musique, celle du cirque du Positron, monta doucement, envoutante, traversant les esprits et les corps. L’illusion était parfaite… car il s’agissait bel et bien d’une mascarade :
Ce n’est pas « notre » Loyal, Phil. Celui-là est un humain normal jouant un rôle. Nous sommes bien dans notre dimension et on peut voir le ventre de celui-là rebondir quand il bouge.
Tu as raison, confirma-t-il. Regarde comme il sautille plus lourdement que celui de là-bas. L’autre pouvait faire dix mètres d’un pas. Mais la coïncidence est frappante.
OOOOOOOuuuuuuuuuuiiiiiiiIIIIIIIIIII !
Des danseuses et des jongleurs envahirent la piste, chacun s’exerçant sur un instrument, un emplacement ou multipliant simplement les poses suggestives. Certains étaient habillés d’un juste au corps arlequin, d’autres d’un collant noir et blanc ne cachant aucun muscle, aucune courbe.
Le désir monta encore en moi, comme s’il irradiait du fond de mon ventre pour saturer mon âme. Phil m’embrassa le cou, ce qui ne m’aida pas à conserver mon calme. Je lui serrai plus fortement la main, cherchant à comprendre ce qu’il se passait. Je surpris Fabio à porter sa paume en visière, comme s’il tentait d’échapper à une lumière trop forte. Pourtant nous étions éclairés par des sources indirectes qui emplissaient l’immense lieu d’une coloration rougeâtre. Aucune clarté n’aveuglait les spectateurs.
Dans le public, je vis des mains baladeuses de toutes provenances caresser d’autres corps, même parfois le leur. Deux rangées devant nous, une femme se pencha face à son voisin dans une attitude ne laissant pas de doute sur ses intentions, tandis que celui-ci embrassait… un homme à sa droite. Quant aux écrans, ils affichaient tantôt des spectacles de mimes ou d’autres acrobates, tantôt des flirts poussés entre plusieurs partenaires.
Cette chaleur, cette tension qui montait et cette diffusion d’images… quelles surprises nous réservait encore ce Yesmaïl ?

La musique se tut et les artistes sur la piste s’arrêtèrent, les spectateurs stoppèrent leurs émois et des projecteurs pointèrent le sommet de la voute occupée par une sorte de trappe.
« Vous allez devoir tous mettre un genou à terre en signe de révérence, maintenant » demanda gentiment le petit avatar. La moitié des écrans présentèrent la voute, tandis que l’autre moitié se fixa... sur nous. Arlington comprit immédiatement le risque et donna ses ordres :
« Les enfants, on fait tout ce qu’on nous demande. Je ne veux pas un pet de travers, est-ce clair ? Goud, genou à terre ! »
Phil s’exécuta, même si je ne pouvais certifier qu’il n’était pas attiré en premier lieu par mon décolleté.
Un silence concentré s’abattit sur le stade, comme si tous les désirs s’étaient soudain éloignés, phagocytés par une ferveur religieuse. Mais je sentais parfaitement que l’irrésistible pression au creux de mes reins ne s’arrêtait pas et la réprimer ne faisait que l'accentuer. J’entendais le souffle rauque d’un garde, sur ma droite, qui lorgnait une petite minette à côté de lui. Cette situation risquait de très vite dégénérer…
Une clameur parcourut le public alors que les pans de la trappe s'ouvraient soudain. J’assistai, comme tout le stade, et sans doute les dix-mille mondes, à la descente de l’Empereur-Dieu en personne. Sa longue et brillante forme, glissant par l’ouverture, emplit tous les écrans comme si elle voulait d’abord pénétrer nos yeux. On devinait la petite tête moulée dans le gland. Cette forme suggestive, à la limite de l’obscène, prenait bien évidemment tout son sens quand on voyait l’ambiance électrique dans laquelle se trouvait le public. C’était une scène absolument délirante et la présence de monsieur Loyal, même fictive, n’était plus si farfelue au milieu de tout cela.
L’Empereur-Dieu se courba lentement sur lui-même comme pour bien voir les gradins, ou bien être vu par tous, puis dans notre direction. Fabio échappa un cri qui fut immédiatement couvert par un hurlement de Loyal :
« YYYYESSSMAAAAÏLL ! »
Et la musique explosa dans nos oreilles en même temps qu'un feu d’artifice recouvrit la voute. Une chanteuse apparut de l’intérieur du second « sein » de la piste. Son corps était vêtu pour le moins sobrement, mais son couvre-chef trônait au-dessus d’elle, immense et délirant. C’était un mélange complexe de plumes colorées géantes, de longs serpents lumineux flottant et surtout de lasers voyageant aux quatre coins du stade. Elle chantait divinement et suavement dans une langue inconnue (une sorte de Souriant, mais avec des intonations jamais entendues). Le rythme primitif entrait en réaction avec mon (notre ?) désir réprimé, le rendant incontrôlable. Comme clou du spectacle, une colonne de choristes nus, aux torses recouverts de simples lanières de cuir noir, apparut à la périphérie de la piste. Ils progressaient le long des premiers rangs du public, enchainant chorégraphies et performances vocales.
Les feux d’artifice et les confettis pleuvaient de partout, animant la totalité de l’immense voute. Au milieu de cette féérie de lumières et de couleurs, l’Empereur-Dieu nous observait tous, extatique.
Je ne peux dire à quel moment l’ambiance, la musique et surtout la chaleur étouffante finirent par avoir raison de ma retenue. Peut-être était-ce simplement Phil qui se jeta sur moi d’une manière animale, comme presque tant de couples dans le public. Il me griffa en abaissant violemment mon pantalon et plongea sa tête entre mes cuisses, me prodiguant une de nos entrées en matière préférées. J’ondulais instinctivement mes hanches contre son visage, strictement incapable de résister à cette envie… Que ce soit sur les écrans ou autour de nous, l’orgie géante avait commencé.
Les corps emmêlés se serraient, se bousculaient ou se lovaient les uns contre les autres au rythme de cette musique tribale paralysant les volontés. On voyait des vêtements arrachés qui volaient ou trainaient, tandis que les hurlements de jouissance parcouraient les gradins. On trouvait là des exodés, là des habitants de Ragnvald, des couples de tous genres et de tous nombres, dans des positions et des schémas sans limites. Seuls les artistes sur la scène poursuivaient leur spectacle, imperturbables et appliqués. Je m’interrogeais sur ce qu’il était advenu de Fabio, mais ne put découvrir qu’Arlington à la découverte des attributs de plusieurs Tropicaliennes et d’une Souriante.
Lorsque Phil me pénétra, je perdis la notion du temps et de l’espace. Plus rien d’autre ne compta pour nous que de rassasier notre besoin de jouissance, aussi puissant et absolu fût-il.
Au milieu des brumes du plaisir, une voix lointaine nous parvint :
« LE PARTAGE AVANT LA DISPERSION. LIBÉREZ-VOUS DE VOS CONTRAINTES MES ENFANTS, OFFREZ-VOUS AU YESMAÏL ! »
Phil et moi hurlâmes notre orgasme commun sans nous arrêter, partant déjà à la recherche du suivant.


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Les génériques de début et de fin de ce chapitre ont été exceptionnellement créés à partir de "Grasslands" de "Ramzoid"
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RedU T1 Ch23 Ep03

"Terre ou Liberté", le second chapitre dédié à Kaourantin GLoalen, est disponible au complet et en livre numérique gratuit !

Kaourantin Gloalen, jeune officier à bord de l’Exode fût un membre très actif de la révolution Castiks. Aidé de son ami Nikolaï Makhinov, il participa à la grande déroute royale dans la baie de Guiraël. Une terrible vengeance pour la mort de ses parents.

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Le sens de la rencontre avec l’Empereur-Dieu ne peut être compris dans toute sa profondeur que narrée par celui qui fut et est encore le personnage central de cette histoire : Fabio Ouli.

Artoc « le fidèle » n’était pas humain, mais plus incroyable, c’était un Mental. En tout cas, pour moi, c’était une découverte propre à révolutionner la pensée fondamentale sur les facultés psychiques et leur origine. Je voyais parfaitement voler autour de lui quelques Titans (leur ancien nom) lui prodiguant leurs pouvoirs, comme s’ils voulaient me montrer l'insignifiance de ma « rébellion » envers eux. Sans doute avaient-ils raison : je les appelais malgré moi dès lors que je me concentrais. Quelle pouvait alors être ma réelle marge de manœuvre ?
Artoc m’intriguait, m’impressionnait plus encore que l’Empereur-Dieu lui-même. Cela peut paraitre étrange, mais en furetant dans les recoins cachés de l’esprit humain, j’avais découvert plus d’une fois des êtres, des pensées et des désirs plus abjects que cette chose se prétendant « dieu ».
Dieu se veut être partout et nulle part, mais lui est bel et bien ici. Par ailleurs, je ne sais comment l’expliquer clairement, mais j’éprouvais soudain une forme de pitié pour cet être mi-technologique, mi-organique. Cette sensation ne me quittera par ailleurs jamais.
La tête géante s’approcha de Phil et… le flaira. Oui, exactement comme les Titans dans le cirque délirant, le même petit hochement, la même expression dubitative.
Artoc maugréait méchamment derrière nous, il nous voulait agenouillés devant son Seigneur et ne comprenait pas pourquoi « Dieu » tolérait un tel manque de révérence. De mon côté, je me demandais quelle était cette étrange ambiance psychique dans laquelle nous pataugions. Un bruit de fond d’origine inconnue baignait cette planète et se renforçait en ce lieu, face à… Godheim ?
GODHEIM EST LE NOM QUE JE VOUS OFFRE. IL EST LA PREUVE DE MA VOLONTÉ DE VOUS AIDER DANS L’INTÉGRATION.
Heu… De quelle intégration parle Votre Majesté Godheim  ?
Je souris en coin : Momumba Arlington possède l’esprit vif des joueurs d’échecs, toujours à calculer le troisième voire le quatrième coup d’avance. Cette question portait bien sa marque. Godheim le regarda puis pivota son long cou jusqu’à placer son visage face à moi.
Je pouvais sentir l’odeur étrange de mélange d’antiseptiques, de métal graisseux et même d’un soupçon de pourriture qui émanait de cette bouche depuis ses entrailles. La fusion machine/vivant n’était, d’évidence, pas une simple formalité. Cela ne m’empêcha pas de soutenir son regard métallique.
Il répondit à Arlington avec une douceur qui pouvait surprendre :
« NOUS ALLONS DÉMONTER ET RECYCLER LE TRANSPORTEUR. TOUS LES OCCUPANTS SERONT INTÉGRÉS ET RÉPARTIS DANS L’EMPIRE. TELLE EST LA RÈGLE DE RAGNVALD, MA LOI IMMUABLE. VOTRE AVENIR EST DÉSORMAIS ASSURÉ, HEUREUX EXODÉS QUI VENEZ DE TROUVER VOTRE TERRE PROMISE EN MON SEIN… ET NE SOYEZ PAS FOU POUR VOUS Y OPPOSER.
MAINTENANT, LAISSEZ-NOUS. JE SOUHAITE M’ENTRETENIR EN TÊTE À TÊTE AVEC L’HUMAIN OULI ».
Je bloquai une fois de plus Phil Goud pour éviter que la situation ne dégénère, charge à Arlington et Adénor d’arrondir les angles.
Là-dessus, Artoc s’approcha, barrières mentales levées, main posée sur l’arme inconnue à sa ceinture. J’échangeai un regard compréhensif avec le colonel qui saisit l’idée et s’éloigna avec les autres. Même Artoc les suivit, nous laissant seuls.
Si ce dieu chimérique pensait m’impressionner, il allait être déçu. Je pouvais sentir chaque rouage de son pseudo corps, chaque muscle et, bien sûr, son cerveau mixé, amalgamé, intégré à un réseau plus vaste. Je me préparais à faire appel aux Titans pour calmer celui qui prétendait nous arrêter, lorsqu’il prononça un mot.
Un seul mot.
« SHAZAM »

J’ouvris les yeux. J’étais étendu au sol. La lumière qui tombait du puits m’éblouissait. Je me redressai sur un coude lorsque la voix de Godheim tonna de nouveau derrière moi :
« SHAZAM »

Je retombai dans l’inconscience… pour me réveiller plus tard. Impossible d'estimer le temps passé ainsi privé de repères : une heure ou une année ne changeait rien à cette place ni à ce personnage.
« SHAZAM »

Même provenant d’une voix éloignée, le mot ne perdait pas de son effet… Combien de fois retombais-je ? Combien de fois Godheim joua-t-il ainsi à me maltraiter ? J’ouvris les yeux et hurlai.
« ASSEZ ! C’est bon, j’ai compris ! »
Il me montrait sa puissance et mes faiblesses. Un bras de fer, voilà simplement ce que ce préambule annonçait.

Aucun retour du mot-clé, car c’était bien d'un mot-clé implanté en moi dont il s'agissait, probablement par QuartMac, il y a longtemps. Comment le vieux savant avait-il réussi cet exploit sans que je m’en rende compte ? Comment Godheim pouvait-il le connaitre ? Certaines déductions tombaient sous le sens, d’autres demeuraient sous le sceau du mystère.
Je me relevai et l’odeur caractéristique du corps mi-chair mi-circuits effleura à nouveau mes narines. Il m'observait à quelques pas de là, la tête un peu penchée. Curiosité ou… attendrissement ?
Je lançai la conversation, il fallait bien commencer par quelque chose et mon intuition me disait que l’Empereur-Dieu voulait réellement me parler, pas simplement jouer.
QuartMac ?
OUI, PASSEUR. C’EST BIEN LUI QUI T’A IMPLANTÉ CETTE JOLIE CLÉ. MON SAVOIR VA BIEN AU-DELÀ DE LA PASSE DE MAGELLONE, AU CAS OÙ TU EN DOUTERAIS.
Mmmmh… Je ne crois pas en « dieu », Sire Godheim. La taille et les sources d’une base de données n’offrent pas la divinité. J’ignore ce que vous me voulez, je vous écouterai donc puisque… je n’ai pas d’autres choix.
VOIS-TU LES TITANS DANS CETTE PIÈCE, PASSEUR ?
Je clignai des yeux, prenant le temps de bien m’assurer des mots prononcés. Il savait tout cela aussi ? Sa base de données s’étendait loin, mais, après tout, on pouvait recouper de nombreuses informations si l’on en avait la patience.
Que savez-vous des Titans ou du Passeur ?
QUESTIONNES-TU UN DIEU, FABIO OULI ? SI ARTOC ÉTAIT LÀ, MÊME MOI J'ÉPROUVERAIS DES DIFFICULTÉS À LE RETENIR. LES RACES DE L’UNIVERS SONT SOUVENT SI COLÉRIQUES, SI PEU SENSIBLES AU CALME ET À LA CONTEMPLATION.
Je le questionne en effet, Sire Godheim.
ET IL T’A RÉPONDU, PASSEUR.
On ne questionnait donc pas un dieu, mais il ne me privait pas de réponse pour autant. Juché sur son phallus géant, ce Godheim semblait attendre quelque chose. Une réponse ? Non, il savait déjà presque tout… Une question ? Non plus, puisque l’on ne questionnait pas un dieu, parait-il…
… Je réalisai soudain que l’on pouvait interroger un dieu indirectement et testai ma nouvelle théorie.
Je me suis toujours demandé si la notion de « Passeur » avait une quelconque signification…
LE POUVOIR COSMIQUE NOUS MONTRE SES SYMBOLES ET SES REPRÉSENTANTS. L’HARMONIE DES CHOSES N’EST QU’UN ORDRE IMPOSÉ OÙ L’ON RETROUVE LE CHAUD ET LE FROID, LE YIN ET LE YANG, LE PASSEUR ET LE FAISEUR…
Les Titans ne sont pas dans l’ordre des choses. Je ne crois pas qu’ils soient « naturels ».
ILS CONNAISSENT CET ORDRE, ILS EN JOUENT TOUT EN NE POUVANT L’ENFREINDRE. C’EST LEUR PUISSANCE ET LEUR FAIBLESSE ET ILS CHERCHENT À S’EN AFFRANCHIR.
Comme vous ?
Pas de réponse.
Le cou géant se tendit et s’approcha doucement, murmurant plus qu’il ne parla :
 JE TE PRÉFÈRE INTELLIGENT, MON BEAU NOUVEAU PASSEUR. LORSQUE L’ON A LA CHANCE DE S’EXPRIMER FACE À UN DIEU, ON ACCEPTE SON NIVEAU… ESSAYE ENCORE OU VA-T’EN ! 
Quelle déception dans sa dernière phrase ! Espérait-il, attendait-il de moi un sujet particulier ?
Ou alors une certaine subtilité ? Serait-ce si simple ?
Je pensais à toute vitesse, la moindre de ses paroles révélait des indices qu’il m’offrait visiblement pour que je le comprenne.

« Une conversation qui a un quelconque intérêt »
« Un ordre des choses imposé. »
« Un nouveau Passeur. »
« On accepte son niveau. »

Les dieux sont immortels. Serait-ce le cas aussi des Titans ? Non, car des dieux entravés n’en sont pas et l’immortalité n’est que subjective : une tortue-méduse est immortelle comparée à un papillon-coccinelle. De même pour lui, il se retrouve soumis à un ordre des choses qui lui a permis de rencontrer/connaitre plusieurs Passeurs, mais qui lui impose des limites. Lesquelles ?
D’où le « niveau » de la discussion : Faiseur, Passeur, Titans et Godheim seraient une autre forme de cet ordre des choses qui régit le cosmos ?
J’étais bien placé pour comprendre cela, me souvenant de la forme féline rencontrée dans Phil Goud, le jour où Angilbe m’avait demandé de le tuer…
… Était-ce celui que tout le monde appelle le Faiseur ?
Le Faiseur… Godheim… les Titans… le Passeur. Soudain, je fus frappé par l’évidence.
Vous êtes à la recherche du Faiseur, vous aussi. Vous voulez vous affranchir de cet ordre des choses et lui et moi sommes les seuls à pouvoir le briser !
JE SUIS UN DIEU JEUNE, COMPARÉ AUX TITANS, ET MA VISION EST DIFFÉRENTE DE LA LEUR.
UN DEMI-MILLÉNAIRE NE M’A PERMIS D’APPRÉHENDER QU'UNE PARTIE DE LA COMPLEXITÉ DU TOUT.
Le phallus géant glissa alors sur ma gauche, comme s’il désirait s’éloigner, mais sans que sa présence me quitte. Il ne poursuivit sa phrase que de loin, signalant, pour qui savait entendre entre les mots, que la réunion au sommet prenait fin.
« AIDE-MOI À LE TROUVER, FABIO-LE-NOUVEAU-PASSEUR. IL EST PARMI VOUS, IL NOUS OBSERVE TOUS.
L’EXODE NE PÉRIRA PAS, ELLE SERA SAUVÉE D’UN AVENIR DÉPLORABLE EN INTÉGRANT L’EMPIRE DE RAGNVALD. C’EST LE MEILLEUR QUE JE PUISSE LUI OFFRIR. »
Il se figea dans l’obscurité, laissant aux rares sons de l’immense salle le soin de commenter ses propos. Je m’approchai doucement de l’entrée. Elle s’ouvrit, ne révélant qu’un couloir vide de toute personne, sinon d’un des avatars « petit-vieux » de l’Empereur-Dieu.
« Laisse-moi te raccompagner. »
« LAISSE-MOI TE RACCOMPAGNER. »
firent les deux voix.
Tout en suivant mon guide, je ne pouvais me départir de cette si étrange sensation de pitié qui m’étreignait envers Godheim.


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Les génériques de début et de fin de ce chapitre ont été exceptionnellement créés à partir de "Grasslands" de "Ramzoid"
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RedU T1 Ch23 Ep02

Ce Weekend, "Terre ou Liberté", le second chapitre dédié à Kaourantin GLoalen, sera disponible au complet et en livre numérique gratuit !

Kaourantin Gloalen, jeune officier à bord de l’Exode fût un membre très actif de la révolution Castiks. Aidé de son ami Nikolaï Makhinov, il participa à la grande déroute royale dans la baie de Guiraël. Une terrible vengeance pour la mort de ses parents.
SAMEDI 3 JUIN 2017 SUR RED UNIVERSE !


Le point de vue incrédule du lieutenant Goud est des plus intéressants au sujet des évènements ayant succédé à l'arrivée de Transporteur 7 sur Monte-Circeo. Observons-les désormais depuis celui-ci.

Je revenais d’un pont inférieur pour une dernière tournée d’inspection des sas avant la rentrée dans l'atmosphère. Ce transporteur est aussi vieux que les autres et devait subir les frottements. Je voulais être certain d’éviter les surprises, j’ignorais si les pilotes des corvettes qui nous tractaient connaissaient notre seuil de résistance.
Devant ma cabine, comme toujours depuis quelques semaines, un périmètre de sécurité se dressait, au-delà duquel de nombreux admirateurs me faisaient des signes. Enfin, « admirateurs », plutôt des « adorateurs »… à commencer par l’incontournable Catherine.
Notre jeune voisine avait le béguin pour moi et je ne savais comment la repousser sans la désespérer. Adénor la voyait évidemment d’un mauvais œil et j’avais peur qu’un jour, elle ne se lance dans une explication musclée.
« Phil ! Phil, on t’aime ! Phil, je t’aime ! »
Je salue tout le monde et j’insiste sur mon signe à Catherine, que pouvais-je faire de plus ? Ces derniers temps, je la voyais souvent avec le groupe des Octotes dont les représentants se relayent nuit et jour devant notre porte. J’espérais qu’elle n'entrerait pas dans leur délire.
Les tremblements de la coque ne semblent pas inquiéter outre mesure ce beau monde. La foi déplace des montagnes, parait-il, mais protège-t-elle des avalanches ?
Peu après, avec Adénor et Fabio (il ne nous lâche plus, lui, jouant à la perfection son rôle autoproclamé de gardien, faussement fraternel), nous gagnons le hangar central. Un groupe d’officiels de cet « empire » attend à l’extérieur du transporteur, ceux qui nous ont nommément demandés. Pas de quoi calmer nos adorateurs ou de rassurer Arlington. J’avoue qu’à sa place, j’ignore comment je réagirais à cette hystérie montante dans son transporteur. Peut-être pas avec autant de flegme ; je ne gère que de petites équipes, pas des centaines de milliers d'individus.
Une passerelle pressurisée, la plus large que je n’aie jamais vue, nous permet de rejoindre ce qui doit être la base principale… même si « base » fait penser à une cabane de pêcheur. À bord du convoi, d'apparences modestes, on découvre une immense ville dans les profondeurs de la planète. Monte-Circeo est privée d’atmosphère, alors ils l’ont creusée de toutes parts, puis pressurisée. Par exemple, Transporteur 7 est « emboité » dans un cratère géant et l’on en sort par le fond. Comme Arlington, je n’en revenais pas de la coïncidence entre ses dimensions et celles de notre appareil. C’est comme si cette aire d’atterrissage avait été conçue pour lui, d’après les mêmes plans que sur MaterOne.
Le petit vieux qui nous conduit ressemble, trait pour trait, à celui qui nous a rendu visite, mais, de ses propres mots, ce n’est pas lui, plutôt « un autre, tout en étant nous-mêmes ». Incompréhensible, sinon que la révérence, l’amour même des personnes que nous croisons est bien réel ! Pour eux, le petit bonhomme, les petits bonshommes sont un, ou des êtres très importants.
« Un seul et unique Dieu » me précise Fabio sans que je lui demande quoi que ce soit. Il m’énerve dans ces moments-là…
On s’arrête devant un très haut et très long couloir, deux ou trois plantons de garde à l’entrée surveillent les passants, l’œil soupçonneux. Fabio interpelle notre petit dieu :
Pourquoi tout le monde pense-t-il que vous êtes Dieu « partout », mais également « ici » ? C’est illogique un « dieu » centré en un endroit… je n’arrive pas à trouver un élément de réponse dans les esprits de vos fidèles.
Fabio, intervint Arlington, nous verrons cela plus tard, voulez-vous ?
Laissez, Colonel. Je suis tout et je suis un. Ici et partout à la fois. Considérez cette enveloppe comme un simple avatar. J’accepte vos autres questions.
En fait, tout le monde en avait : la multitude ethnique des citoyens de Ragnvald, la planète entière creusée, les vaisseaux spatiaux et la dimension de cet empire...
Ragnvald est ce qui est bon pour tous : ses habitants, mes enfants, ou vous, par exemple. Je suis présent en tout endroit, de la simple corvette aux villes souterraines, comme celle-ci. Le chiffre de dix-mille soleils n’existe que pour marquer l’esprit des masses, nous en sommes à onze-mille-sept-cent-vingt-sept systèmes solaires colonisés… le vingt-huitième vient d’être officialisé à l’instant. Onze-mille-sept-cent-vingt-huit, donc.
Les bases de l’empire peuvent être très modestes, comme de simples satellites de surveillance où ma présence se suffit souvent à elle-même. Ce qui compte n’est pas tant la domination humaine que ma marque gravée dans tout système. Nous sommes bientôt arrivés.
Si vous êtes un vrai dieu, vous êtes déjà partout. Pas besoin de station spatiale, lui dis-je.
Les dieux et les divinités me sortaient par les trous de nez et celui-là n’en était pas un. Dieu est abstrait, il n’apparait pas sous les traits de qui que ce soit de vivant et n’intervient pas directement dans la vie des humains, en tout cas c’est mon opinion. Qui ou quoi qu’il était, j’espérais que personne de l’Exode ne se laisserait duper par sa mégalomanie.
Le petit vieux s’arrête devant une immense porte. Le mécanisme se débloque et les battants s’écartent, s'ouvrant sur une salle sombre. Grâce à quelques luminaires nichés dans les recoins, on devine une place démesurée. Une puissante colonne de lumière descend de la voute et donne une idée de la hauteur : bien plus haut qu’une cité intérieure de transporteur, par exemple, l’endroit le plus grand que je connaisse.
Mais le plus impressionnant allait venir. La voix du petit vieux qui me répond est dédoublée par une autre jaillissant de l’obscurité, face à nous.
« Suis-je votre guide par simple notoriété ? Tu es Phil Goud, ta seule force est d’avoir été choisi par le faiseur, ne te crois pas de nature divine pour autant ! »
« SUIS-JE VOTRE GUIDE PAR SIMPLE NOTORIÉTÉ ? TU ES PHIL GOUD, TA SEULE FORCE EST D’AVOIR ÉTÉ CHOISI PAR LE FAISEUR, NE TE CROIT PAS DE NATURE DIVINE POUR AUTANT ! »
Fabio, Adénor et moi-même sommes restés sans voix. Comment connaissait-il le faiseur ? Monsieur Loyal ne nous en avait parlé que quelques heures plus tôt, dans le cirque de l’autre dimension.
Quoique… peut-être n’était-ce pas son propos qui nous avait estomaqués, mais plutôt la VOIX qui résonnait autour de nous.
« Approchez dans le rond de lumière au centre de la pièce. »
C’était quelqu’un caché dans l’angle. Il avait un accent étrange et, chose rarissime, cela fit sursauter Fabio.
Alors oui, notre première rencontre avec un extraterrestre pur jus ne se passa pas dans la joie, je dois vous l’avouer.
Adénor se colle contre moi pour que l’on se protège par une quelconque défense, Arlington se targue d’un :
« Nom de Dieu ! Heu, enfin… non de non, voulais-je dire. »
Fabio se fige, pétrifié… ou en pleine transe mentale, allez savoir, avec lui...
Une forme de bouteille avec un grand bassin, pas de cou et pas de nez. Sa peau est grisâtre, avec des nævus bleus sur le haut des joues et d’immenses yeux jaunes avec de larges iris. Ce dernier point fait irrémédiablement penser à Fabio et aux Mentaux.
Difficile d’en dire plus. On ne voit pas grand-chose. Il porte une tenue ample en tissu blanc qui cache jusqu'à sa tête, le symbole de Ragnvald bien en évidence au milieu. Même dans une autre civilisation et avec un… un non humain, je peux reconnaitre un soldat gradé. La fonction de certains signes, comme ceux accrochés sur sa poitrine, ne change jamais.
« Ne soyez pas effrayés par Artoc, il est fidèle parmi les fidèles. La nature divine transcende les races, l'ignores-tu encore… Fabio Ouli ? »
« NE SOYEZ PAS EFFRAYÉS PAR ARTOC, IL EST FIDÈLE PARMI LES FIDÈLES. LA NATURE DIVINE TRANSCENDE LES RACES, L'IGNORES-TU ENCORE… FABIO OULI ? »
À ce moment, il faut peut-être résumer la situation. Nous avons été capturés par une nouvelle civilisation disposant d’une technologie qui nous dépasse. Nous étions face à un « dieu » qui donnait des ordres, se prétendait omniscient et nous parlait du faiseur. Nous découvrons un extraterrestre en chair et en os (ça avait l’air d’avoir des os) et… une sacrée (si j’ose…) connaissance de notre peuple et sans doute de nos histoires personnelles.
"Un dieu", je ne sais pas, mais quelqu’un de bien renseigné, ça, c’est certain ! Au milieu de toutes ces circonstances, j'oubliais de profiter du regard hagard, sinon perdu, de notre Fabio national, qui ne contrôlait pas grand-chose, cette fois. Alors, Fabio, ça fait quoi de se sentir « normal » ?
Le Ragnvald non humain tend le bras vers la base de la colonne de lumière, dressant un de ses… six… sept doigts. Whooo… sept doigts !
Le petit vieux reste dans l’embrasure de la porte. Apparemment, « dieu » n’avait pas à nous suivre, puisqu’il… il était là aussi.
Mais VRAIMENT là.
Dans l’obscurité, on devine une forme incertaine, mais très phallique, fixée au centre probable de la salle géante. Le prétendu « Dieu » est un grand « machin » de plusieurs mètres de haut, de chair et de métal, à la surface sombre et luisante, un fabuleux tuyau vivant. S’il n’était lui-même une divinité, rien que cette… forme en serait devenue une dans certaines tribus de MaterOne. Mais lorsque le sommet (un peu comme une girafe-raie, vous voyez ?) se penche vers nous, il s’approche assez pour que la lumière réfléchie par nos vêtements lui éclaire le… le visage. Clairement pas une réussite dans un concours de beauté, mais avec des traits qui font penser à un humain.
Comment vous décrire cet appendice ? Le « visage » sortait du gland (phallique vous disais-je) comme moulé dans la masse. Surtout composée de circuits et de rouages, on voit de la chair rouge mélangée à l’intérieur. Il y a un menton et une bouche recouverte d’épaisseurs de fils et de tendons. Il ne reste au front que quelques morceaux de peau et deux globes aux pupilles métalliques se trouvant à la place des yeux. "Un dieu", encore une fois, je l'ignore, mais une chimère, certainement.


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RedU T1 Ch23 Ep01

Toute l'équipe de Red Universe est solidaire des victimes de l'attentat de Manchester et de leurs proches.

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Momumba Arlington patientait derrière la grande verrière du centre de commandement de Transporteur 3. Au-delà s’étendait l’infinité de l’espace sidéral, lieu de tous les espoirs et de toutes les peurs. IL lui avait dit que Benkana et Transporteur 7 allaient arriver à quelques encablures de leur position. En conséquence, le colonel venait d’affréter une navette avec du personnel médical et technique ; elle se tenait sur l’air d’envol du spatioport, prête à décoller. Apparemment, les Nalcoēhuals avaient pratiqué la même « chirurgie » sur l’autre partie de l’Exode, détruisant pistes de décollages, chasseurs, moyens de défense, de communication et, surtout, les compresseurs dimensionnels.
Qu’à cela ne tienne, Ragnvald possédait des méthodes de transport bien supérieures à toutes les technologies actuelles, nalcoēhuales incluses. Ses corvettes faisaient fi de la folle perturbation régionale créée par la multitude de pulsars, géantes rouges et autres quasars qui hantaient le Cercle de Khabit, et recelaient de surprenantes capacités telle que celle qui se produisait maintenant sous ses yeux.
Un cercle parfait de lumière se dessinait lentement au loin, dans l’éther. Lorsqu’il se ferma, l’espace à l’intérieur disparut simplement, laissant apparaitre Transporteur 7 remorqué par deux corvettes qui se découpaient sur une autre configuration d’étoiles. Pendant que le géant d’acier traversait l’étonnant portail, Arlington devina l'extrémité de plusieurs corvettes aux abords du passage, source probable de la magie qui se déroulait sous les yeux de tous.
La formation rompit les rangs une fois le vaisseau passé et le trou dans l’espace disparut aussitôt. Pourquoi la technologie de Ragnvald ne pouvait-elle le maintenir pour les trois autres transporteurs ? Mystère, sans doute une limitation d’énergie… IL était assez avare d’explications techniques.
Trois quarts d’heure plus tard, le sas de la navette s’ouvrit, dévoilant une Aurora Benkana fatiguée, mais heureuse de retrouver un ami qu’elle pensait ne plus jamais revoir :
Momumba, fit-elle en l’enlaçant à la grande joie de ce dernier, tu es vraiment la meilleure chose qui nous soit arrivée récemment.
Hé, hé, hé… Dans ma famille, on disait que l’homme juste tombe sept fois et se relève. Il me reste encore six jokers, donc ! Mais toi, comment vas-tu ? Vos épreuves n’ont pas été faciles d’après ce que j’ai appris.
Non, mon vieux, pas du tout. Et… tu sais sans doute, pour John.
Le colonel grimaça, laissant le silence flotter quelques secondes.
Il… il me manquera, comme tous les autres.

Viens. J’ai cuisiné un superbe Roubiano qui nous attend autour d’un café dans ma cabine. On pourra discuter plus tranquillement avant de rencontrer Décembre…
Parfois, la mesure des pertes ne peut se faire qu’à l’aune du gain.
Momumba reconnut cette citation de J.F.Hill qui lui était déjà revenue en mémoire il y a peu, alors que son transporteur réapparaissait dans cette dimension. Cela le replongea dans ces évènements qui vont vous être narrés. Momumba Arlington lui-même se plaisait à les introduire comme suit…

*

Une petite corvette de Ragnvald venait donc de nous intercepter. Nous n’avons pas ri longtemps alors, car des dizaines, des centaines de nouvelles corvettes se sont matérialisées tout autour, armes braquées… et le capitaine Carrillo, mon second, poursuivait la litanie des apparitions :
« Mon Colonel ! Flashs de transitions multiples en sept, quatre, vingt-deux et soixante-et-un. Et il en arrive d’autres ! »
Fabio, ce jeune « soldat » qui n’en était certainement pas un, a ajouté :
Ai-je… oublié de vous préciser qu’ils… hem… détestent MaterOne ? 
Nouveaux flashs en huit, dix-huit, quatorze, cinq, trente-et-un, vingt-deux, trente-trois…
Même avec toutes nos défenses activées, nous n’avions qu’une chance ridicule de survie lorsque cet essaim s’abattrait sur nous.
Oui, la phrase de John était, alors, bien d’actualité.
Carrillo dénombre nos assaillants à deux-cent-vingt-quatre appareils, lorsque Fabio, le regard toujours dans les nuages, m’interrompt (quand je vous dis que ce garçon est aussi soldat que moi une hypogazelle…).
Quelque chose se passe à l’intérieur de nombreux vaisseaux. Les équipages ressentent une grande appréhension… Quelqu’un arrive, heu… plutôt… plusieurs personnes importantes (je ne sais comment les présenter) semblent se « réveiller ».
Tu ne peux pas être plus précis ? Ça ne veut rien dire ! Ils étaient endormis, ce sont les chefs ?
C’est le lieutenant Phil Goud, encore une sacrée tête de pioche. Lui et sa petite amie Adénor Kerichi sont des sortes de rocks-stars de l’Exode avec, à leur actif, plusieurs faits d’armes indéniables et responsables d’un engouement médiatique frisant l’hystérie. C’est probablement à cause d’eux que nous avons été emportés dans une autre dimension pour rencontrer le capitaine Auguste Magellone, légende de la conquête spatiale, survivant là-bas, on ne sait comment, dans le « Positron ».
À l'heure où je vous parle, je ne possède toujours pas les informations quant à ce qui s’est passé sur le Positron, car l’équipe est revenue à l’ultime minute, alors que l’on changeait encore de dimension… pour tomber en plein dans ce guet-apens. Quand je parle « d’équipe », j’entends ces trois-là : Goud, Fabio et Kerichi. Pas un pour rattraper l’autre.
Benkana s’est déjà cassé les dents sur eux par le passé, je suis le suivant, je pensais faire mieux qu’elle… « La prétention, c’est la méconnaissance absolue », dit le proverbe.
Mais je m'égare. Fabio répond alors à Goud :
Désolé, Phil, mais je ne comprends pas moi-même sinon que… que… heu, oui ?
Fabio, vous parlez tout seul, maintenant ? Demandais-je, prêt à accepter n’importe quelle étrangeté de leur part.
… Oui. Bon, ben d’accord, je vais passer le message.
Adénor Kerichi, ancienne tueuse du régime royal, me pose la main sur l’épaule comme si l’on avait gardé les mouettes-moutons ensemble.
« Mon Colonel, Fabio parle mentalement avec quelqu’un d’autre. »
C’est vrai, bien sûr. Je venais de comprendre cela peu de temps avant, mais, que voulez-vous, je n’ai jamais été un admirateur béât des Mentaux et j’ai du mal à m’habituer à des gens qui parlent autrement qu’avec leur bouche. Heureusement, le garçon poursuivit à voix haute :
« Bon, alors, message à tout le monde. Un… ambassadeur d’un rang extrêmement élevé chez nos… nos amis, nous rejoint au spatioport dans quelques instants. Je crois qu’on doit l’y retrouver. »
Invitation courtoise et situation désespérée, comment refuser ? Je ne suis pas capable de vous donner la raison exacte qui poussa le trio à m'accompagner, ni même ce qui leur a épargné une geôle profonde, les fers aux pieds. Toujours est-il que nous nous sommes retrouvés en bout de piste, alors qu’une corvette aux armoiries de cet « empire » se posait à quelques mètres de nous. Carrillo retenait la trentaine de soldats armés jusqu’aux dents qui voulaient transformer l’engin en passoire pour nouilles souriantes, tandis que nous suivions l’ouverture du sas.
Entre nous, je ne m’attendais pas à voir ce tout petit vieux, à peine vêtu d’un pagne sur les hanches, en sortir et descendre douloureusement les marches.
On souffrait pour lui, le pauvre. Ses muscles émaciés laissaient transparaitre ses tendons et ses côtes sous sa peau mate. Il portait une fine moustache grisonnante, rasée à la tondeuse comme ses cheveux et seuls ses grands yeux donnaient l’indice d’un esprit alerte.
Ma mère m’avait emmené voir une communauté d’ascètes durant mon enfance. Ces gens respiraient le calme et la sérénité, même si le moindre microbe représentait pour eux un problème d’une gravité extrême. Ils étaient connus comme des sages, des personnes capables de vivre « au-delà » de notre quotidien et de nous offrir un avis détaché des contraintes matérielles. J’avais été impressionné à l’époque, voulant même devenir l’un d’entre eux… jusqu’à la première journée de jeûne. Quoi qu’il en soit, cet homme me faisait grandement penser à ces gens et, d’un point de vue plus prosaïque, me rassurait quant à l’espoir d’un accord permettant notre survie.
Lorsqu’il mit enfin pied sur le terreplein du spatioport, je m’approchai de lui pour le saluer et lui proposer mon aide. Un de ses gardes s’interposa, la main sur son arme. Inutile de dire que Carrillo dut élever la voix pour éviter un déferlement de balles traçantes. Le petit vieux offrit alors un simple regard, empli de douceur, aux soldats de Ragnvald et tous mirent genou à terre, renonçant à tout tempérament belliqueux. Puis, il s’adressa à moi pour la première fois :
« Vous ne devez pas me toucher, Colonel Arlington. Je suis la représentation divine de l’empire et, en tant que telle, porter la main sur ma personne relève du sacrilège… N’y voyez là aucune offense, plutôt une révérence à suivre envers moi. »
Puis, il prit appui sur l’épaule d’un des gardes agenouillés et observa un à un ceux qui m’accompagnaient. Je demeure certain, encore plus maintenant à la lumière de ce que l’avenir nous a réservé, qu'il s'attarda davantage sur Fabio. Quoi qu’il en soit, le vieil homme se redressa et, presque naturellement, me lança :
Je vous propose de venir parlementer dans notre colonie mère, sur Monte-Circeo. Vos compresseurs dimensionnels sont désactivés, nos corvettes se chargeront du voyage de votre transporteur.
Excusez-moi, Votre Excellence. (J’ignore totalement comment s’adresser à « une représentation divine » alors, dans le doute, j’utilise les termes destinés aux rois) Vous semblez bien informé sur nous, donc vous savez que nous…
Vous nous suivrez parce que vous n’avez pas le choix, Colonel. C’est aussi simple que cela.
Il se retourna et regagna le sas, affrontant laborieusement la pente. Nous aurions échangé le thé que cela eût été pareil. Tout en serrant les dents à chaque marche, il ajouta :
Ne vous inquiétez pas…… j’ai déjà décrété un saufconduit pour votre appareil…… son inviolabilité est désormais assurée.
Je ne suis pas d’accord ! grogna Goud derrière moi.
J’allais ordonner qu’on le mette immédiatement à mort pour éviter l’incident diplomatique, quand Fabio fit quelque chose… j’ignore quoi, mais quelque chose de mental. Ou alors ce fut le petit vieux… ou les deux en même temps. Toujours est-il que le lieutenant leva soudain une main tremblante, en sueur, les yeux inquiets et la bouche ouverte, comme s’il tentait d’apaiser une tempête qui s'abattait sur lui. Sa compagne le soutint d’un bras pour qu’il ne s’écroule pas, tandis que de sa main libre, elle enserra le cou de Fabio. La vivacité de ce geste, digne d’un boa poilu, me laissa pantois : cette femme athlétique restait redoutable.
Le Mental ne réagit pas, s’exprimant cette fois avec les yeux : l’incident était clos, elle pouvait se rassurer.
Pendant ce temps, l’attention du petit vieux était dirigée ailleurs. Je suivis son regard et assistai, un peu gêné il faut l’avouer, à une prière de certains soldats pour célébrer la survie de Goud. Ai-je omis de rappeler qu'un lien incompréhensible s’était établi entre lui, Adénor et la religion des Octotes, sorte de secte prédisant le retour d’un prophète ? Sans doute était-ce un mélange des circonstances de l’Exode, des effets de la Passe de Magellone, de la recherche d’espoir pour l’avenir… et que sais-je encore ? Dans tous les cas, Goud et Kerichi s’étaient retrouvés au centre de prières de plus en plus nombreuses dans la flotte, et nos aventures dimensionnelles n’avaient pas aidé le phénomène à se dissiper.
Très loin de là.
Carrillo avait grommelé quelques commentaires acerbes envers les prieurs pour qu'ils se reprennent. Le petit vieux était retourné dans l’habitacle de son appareil et je dus vite reculer alors que les suspenseurs combattaient la gravité pour prendre leur envol.
La suite fut très proche de ce que l'on a vu tout à l'heure : les corvettes en cercle, la lumière, le passage qui s’ouvre sur l’orbite d’une planète inconnue et notre transporteur, tracté comme une vieille remorque, emmené vers on ne savait où.


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Les génériques de début et de fin de ce chapitre ont été exceptionnellement créés à partir de "Grasslands" de "Ramzoid"
https://soundcloud.com/ramzoid/grasslands-1

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